“Arab rock” (appellation officielle), “beur punk”, “groove oriental”, lorsque Carte de séjour apparut sur le devant de la scène, après des mois de labeur dans un grenier de la Croix-Rousse, c’est une véritable révolution musicale que présenta le groupe fondé par les frères Amini et Rachid Taha dans le contexte d’une scène locale en pleine explosion au tournant des années 80 : du rock en arabe mais pas que (le rhorho, mélange d’arabe, de français et d’argot), nourri par les racines de ses membres et par leurs amours musicales (The Clash, Keith Richards, James Brown, on en passe).

Mais aussi un petit truc en plus, politique, cinglant sans jamais se prendre au sérieux, marchant en parallèle des grandes luttes des années 80 (“marche des Beurs” en tête mais aussi opposition à la loi Peyrefitte).
Un mélange qui conduira le groupe sur toutes les scènes du monde (il sera sans doute le groupe lyonnais de l’époque le plus exposé) et à la gloire d’un tube énorme, reprise tout en ironie (et en rock) du Douce France de Charles Trenet.
Tout cela on le retrouve dans l’invraisemblable biographie commise par l’historien Philippe Hanus. Invraisemblable car fruit d’un travail de fourmi (et sans doute de longue haleine) qui n’oublie pas le moindre détail, le moindre témoignage de l’époque, des membres du groupe bien sûr mais aussi ceux qui l’ont accompagné ou croisé.
Des détails, comme le nom, révolutionnaire, du groupe, que Rachid Taha expliquera ainsi, dans le contexte identitaire de la jeunesse “immigrée” de l’époque : “Mon père a une carte de séjour parce qu’il est immigré, moi je suis immigré parce que j’ai une carte de séjour.” Il ajoutera la volonté d’un nom à particule “DE séjour”) dans la France de Giscard d’Estaing.
À la fois historique, sociologique, musicologique, presque anthropologique, cette bio de Carte de Séjour est non seulement la première digne de ce nom mais déjà un ouvrage somme qui fera référence.
Carte de séjour – Un groupe rock dans la douce France des années 1980 – Philippe Hanus, éditions Le mot et le reste, 312 p., 24 €.
Rencontre avec l’auteur ce mercredi 8 octobre à 20h au Lavoir Public