Le temps des vacances approche, les séjours en famille s’organisent… Et voilà que votre ado vous demande si l’élu(e) de son cœur peut lui aussi être de la partie. Faut-il accéder à sa demande ? Si oui, à quelles conditions ?
Il est loin le temps où les présentations se faisaient de manière formelle. Aujourd’hui, les parents intègrent plus facilement le petit copain ou la petite copine de leur ado dans le quotidien familial. Il est le bienvenu à la maison, on l’invite à rester déjeuner ou dîner… Pour autant, l’emmener dans ses bagages constitue une autre étape. Au-delà du fait qu’il faut se sentir prêt à cohabiter et à partager une certaine intimité, il est important de comprendre ce qui se joue dans la requête de l’enfant.
Une autonomie qui reste à développer
Bien sûr votre ado est sûrement très amoureux, il veut passer tout son temps avec son petit copain, et a du mal à envisager d’être séparé de lui plusieurs semaines d’affilée… Mais pourquoi souhaite-t-il tant vivre des vacances “en couple”, sous le regard de ses parents ? Pourquoi s’impose-t-il la contrainte de partager le rythme et le quotidien de ses parents, alors qu’il pourrait très bien partir en tête à tête et préserver ainsi son intimité et sa liberté ?
“On peut se demander si ces jeunes ont vraiment envie d’être autonomes, souligne Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne spécialisée dans l’enfance et l’adolescence et auteure du livre Le Jour où les enfants s’en vont. On assiste à un paradoxe : les ados vivent une vie d’adulte avec une sexualité d’adulte, et en même temps, ils n’ont pas développé l’autonomie qui va avec. Alors que le travail de l’adolescent, c’est aussi de se séparer psychiquement de ses parents, en leur accordant moins de place, en s’octroyant des moments loin d’eux… Quand l’ado demande à ses parents d’emmener son amoureux en vacances avec eux, c’est que le travail de séparation ne se fait pas si bien que ça.”
Cette tendance n’est pas nouvelle et s’observe aussi au quotidien, avec certains jeunes qui se comportent en “bébés couples” préférant rester dans le giron de leurs parents et vivre leur vie sentimentale sous le toit parental, plutôt que de s’émanciper en dehors de la vie familiale. Ils profitent du confort de la maison, et pour certains recherchent l’approbation de leurs parents. Un manque d’autonomisation renforcé par les parents eux-mêmes, qui aiment bien se rassurer en contrôlant de près la vie de leur enfant. “Pour favoriser l’autonomie de son ado, il ne faut pas hésiter à lui soumettre l’idée d’un petit séjour avec son amoureux, en dehors de chez ses parents. Pour l’aider à concrétiser ce projet, on peut participer financièrement et/ou l’inciter à gagner un peu d’argent” ajoute la psychologue.
Les avantages à accepter
Cela étant dit, les parents auront peut-être tout simplement envie de faire plaisir à leur enfant, qui semble si malheureux à l’idée d’être séparé de son petit copain tout l’été. Cela peut être la perspective de moments partagés légers et agréables et une bonne occasion de reconnaître que son enfant grandit, qu’il fait ses propres choix, et qu’on les respecte. Cette demande de l’enfant est aussi un signe de confiance envers ses parents. “Si les parents n’ont pas envie d’accepter, il faut éviter les positions trop radicales et être capable d’expliquer pourquoi, prévient Béatrice Copper-Royer. Car cela peut être interprété comme un rejet, et l’enfant peut aussi avoir l’impression que ses parents le traitent comme un bébé.” Par ailleurs, le fait que l’ado vive sa relation au sein de sa famille peut lui faire prendre conscience de certaines choses quant à la personnalité et au comportement de son copain. “C’est l’occasion pour le jeune de voir son amoureux dans un autre contexte. Et de se rendre compte si ça colle vraiment bien avec lui. La cohabitation avec les parents permet de voir certains défauts auquel le jeune ne prêtait pas attention jusque-là”, confirme la psychologue.
“L’année de ses 17 ans, notre fils a beaucoup insisté pour que sa copine nous rejoigne quelques jours pendant les grandes vacances,se rappelle Lise, mère de Tom. Même si cela faisait presque un an qu’ils étaient ensemble, on était un peu réticents, mais on ne voulait pas non plus être psychorigides, alors on a fini par accepter. Sur place, elle s’est avérée un peu mal élevée. Elle regardait fréquemment son portable pendant les repas, se contentait de mettre les pieds sous la table, oubliait de remercier… On n’a rien dit mais on avait hâte que ça se termine. Et surtout, on voyait que notre fils était un peu mal à l’aise. Il a rompu avec elle à la rentrée, et finalement, il avait l’air assez soulagé. On pense que ce séjour a contribué à cette rupture.”
Partir dans de bonnes conditions
Avant d’accepter de partager une partie de ses vacances avec l’amoureux de son enfant, il vaut mieux avoir fait sa connaissance en amont, et que la relation soit déjà un peu installée. Également, avant 16 ans, une telle invitation semble légèrement prématurée. Ensuite, on prévoit un séjour relativement court – trois ou quatre jours – pour minimiser les éventuels agacements de part et d’autre. Par ailleurs, il ne faut pas hésiter à cadrer les choses afin de garantir une bonne cohabitation et des vacances agréables pour chacun. “Il faut éviter d’être trop dans l’improvisation, recommande Béatrice Copper-Royer. Avant de partir, c’est bien d’avoir une conversation avec son enfant afin qu’il puisse expliquer à son copain quelques règles familiales. En effet, on peut vite être exaspéré par un jeune qui n’aide pas du tout, se sert dans le frigo… Une fois sur place, les choses se font généralement naturellement. Tout dépend du style de vacances organisées, mais les parents et les jeunes n’ont pas forcément le même rythme, et c’est bien comme ça.”
Chaque famille suivra ses propres convictions, néanmoins on garde en tête que chacun doit rester à sa place et respecter les limites et l’intimité d’autrui. Les tourtereaux éviteront de s’afficher à outrance, tandis que les parents ne sont pas là pour surveiller leurs moindres faits et gestes. La psychologue met en garde les parents qui s’enflamment un peu et tissent des liens forts avec le jeune invité. “On garde une distance amicale. Le jeune ne doit pas être considéré comme l’enfant de la maison. En effet, ce genre d’expérience peut enfermer l’ado dans une relation censée être provisoire (et c’est ce qu’il faut leur souhaiter), et il risque d’avoir plus de difficultés à rompre.” “Lorsque ma fille a eu 18 ans, nous avons accueilli son copain quelques jours pendant nos vacances. Cela faisait plusieurs mois qu’ils étaient ensemble, on l’aimait bien. Il s’est avéré très agréable pendant les vacances, on appréciait sa présence. On a fait en sorte qu’il se sente intégré, et on a développé une certaine complicité avec lui. Je pense, avec du recul, qu’on en a trop fait. Quelques mois après, notre fille a laissé son copain, et elle nous a avoué que ça avait été compliqué pour elle, qu’elle voyait qu’on était attachés à lui, et lui à nous. Cela lui a compliqué les choses, elle ressentait une pression et des attentes de notre part vis-à-vis de cette relation.” Ainsi, il faut bien garder à l’esprit que même si l’expérience se révèle agréable, le meilleur service à rendre à ses enfants, c’est de se comporter de telle manière qu’ils pourront petit à petit se détacher et s’envoler en toute sérénité.