Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon, est l’invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Le tribunal administratif de Lyon a annulé l’arrêté préfectoral de 2023 sur l’encadrement des loyers, mais pour Renaud Payre, la mesure n'est pas pour autant suspendue et "continue d’exister à Lyon comme à Villeurbanne". L’élu écologiste, en charge du logement, dénonce une décision prise "sur un détail formel" et affirme que "les représentants des propriétaires utilisent ce dernier combat pour remettre en cause un acquis de justice sociale". La préfecture a annoncé faire appel, tandis qu’un nouvel arrêté doit entrer en vigueur le 1er novembre.
Une "mesure de justice sociale"
Le dispositif, expérimenté depuis 2021, vise à contenir la hausse des loyers dans les zones les plus tendues. "Grâce à l’encadrement, Leslie économise 120 euros par mois et Fabien, 200", illustre Renaud Payre, qui se félicite des "1,2 million de consultations" du simulateur mis en place par la Métropole. L’élu plaide pour sa pérennisation au-delà de 2026 et souhaite "mieux encadrer le complément de loyer", un point "laissé flou par le législateur" et souvent source de contournement du dispositif.
Plus de détails dans la vidéo :
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La retranscription complète de l'émission avec Renaud Payre :
Bonjour à tous, bienvenue dans l’émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd’hui, on va parler du marché locatif, et plus précisément de l’encadrement des loyers, car la semaine dernière le tribunal administratif de Lyon a annulé l’arrêté préfectoral de 2023 sur l’encadrement des loyers. Cette mesure de justice était soutenue par plusieurs entités professionnelles de l’immobilier : la Fnaim, l’UNIS, le SNPI, l’UNPI 69. La préfecture a déjà annoncé faire appel de cette décision, et un nouvel arrêté sur l’encadrement des loyers devrait être publié le 1ᵉʳ novembre. Pour en parler, nous recevons Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon en charge du logement, qui est l’initiateur de cette réforme de l’encadrement des loyers et qui l’a conçue avec ses équipes et les services de la préfecture. Bonjour Renaud Payre.
Bonjour Éloi Thiboud.
On va entrer dans le vif du sujet. Pour contextualiser : 64 % des Lyonnais sont locataires, donc c’est une mesure qui concerne presque deux Lyonnais sur trois. Villeurbanne aussi est concernée — je n’ai pas le chiffre précis — mais c’est un revers majeur : la justice annule cet arrêté. Quelle a été votre réaction ?
D’abord, l’encadrement des loyers continue d’exister dans la Métropole de Lyon, à Lyon et à Villeurbanne — il faut le dire clairement, j’ai vu des titres trop rapides dans la presse laissant penser que l’encadrement serait suspendu.
Il n’y a pas une parenthèse ?
Non, il n’y a pas de parenthèse. Pourquoi avons-nous mis en place l’encadrement des loyers ? Parce que de nombreux habitants du Grand Lyon s’appauvrissent à cause du logement, tout comme d’autres Français. Je pense à Leslie qui, grâce à l’encadrement des loyers, a économisé 120 € par mois. Je pense à Fabien : il a économisé 200 € par mois. Dans sa colocation — ils étaient six colocataires — ils ont pu faire valoir leurs droits grâce à l’encadrement des loyers.
Ce sont des témoignages qui remontent du terrain…
Oui, mais ce sont des témoignages récurrents. L’autre jour, j’ai rencontré la mère d’un étudiant qui m’a dit qu’elle avait comparé les offres, et que « heureusement que vous avez voté l’encadrement des loyers ». Cela, c’est la réalité quotidienne de très nombreux locataires dans notre Métropole de Lyon et à Villeurbanne. Quand je vois des représentants des propriétaires attaquer l’arrêté sur un détail formel — comme une carte annexée à l’arrêté de la préfète — pour remettre en cause un acquis pour de nombreux locataires, je trouve cela malvenu.
L’argument devant la justice était que la carte des zones d’encadrement des loyers était imprécise, que les traits entre les zones étaient flous, c’est bien ça ?
Oui, c’est l’argument avancé.
Mais je ne sais pas si vous avez essayé de regarder quel serait, en tant que locataire, le loyer plafond. Aujourd’hui, tous les locataires lyonnais et villeurbannais consultent le simulateur de la Métropole, ce n’est pas la carte qu’on utilise en premier lieu.
Pour vous, c’est un faux prétexte ?
Absolument. Savez-vous combien de personnes ont consulté le simulateur depuis 2021 ? 1 200 000. 1,2 million de consultations : c’est l’outil que les gens utilisent. Donc, il faut dire qu’il y a eu une victoire des représentants des propriétaires pour l’arrêt de l’arrêté 2023 — c’est-à-dire pour la période allant de novembre 2023 à octobre 2024 — mais l’arrêté 2024 est toujours en vigueur, et la préfète prendra bientôt l’arrêté 2025. L’encadrement des loyers persiste. Et je peux même ajouter ceci : on ne sait pas aujourd’hui si l’annulation de l’arrêté aura un effet rétroactif. Autrement dit, est-ce que les montants trop perçus remboursés aux locataires doivent l’être ?
Vous parlez des sommes redistribuées aux locataires suite à des saisies de justice parce que leurs propriétaires dépassaient les plafonds ?
Oui. Cela démontre que l’encadrement des loyers fonctionne : dès 2023, il y avait beaucoup plus de procédures engagées par les locataires pour faire valoir leurs droits. Environ 250 000 € de trop perçus ont été remboursés aux locataires. Ce montant est plus élevé en 2024, encore plus depuis 2020.
Vos opposants soulèvent d’autres critiques : ils disent qu’au final, ce sont les meilleurs dossiers qui obtiennent le bail, et que les professionnels de l’immobilier sont pénalisés parce qu’ils respectent les normes.
Qu’est-ce que ça veut dire, « les meilleurs dossiers » ? Quels critères ? Est-ce eux-mêmes qui parlent ainsi de leur propre profession quand ils disent ça ? Cette mesure est une mesure de justice sociale. Elle a permis à des familles monoparentales — souvent des femmes seules avec leurs enfants — de trouver un logement à Lyon. Elle a aidé des étudiants, des apprentis, des jeunes actifs à accéder à un logement qui correspond à leur budget. Il faut absolument poursuivre l’encadrement des loyers.
Justement, on va parler de la suite. Il y a un point que j’aimerais aborder : le complément de loyer. Ce mécanisme pourrait justifier que l’on dépasse les plafonds de loyer. Le texte de loi est flou, ça doit être des prestations exceptionnelles — on ne sait pas ce que cela peut recouvrir : une belle vue sur Fourvière, une télévision dans le salon… Allez-vous pouvoir définir plus précisément ce que peut être ce complément de loyer ?
C’est un point aveugle laissé par le législateur dans la loi qui nous a permis d’expérimenter l’encadrement des loyers, notamment à Paris et dans de nombreuses villes ayant des configurations politiques différentes. Nous travaillons au sein de l’Alliance des villes pour l’encadrement des loyers, aux côtés de la Fondation pour le logement des défavorisés. Ensemble, nous préparons la pérennisation de l’encadrement des loyers, notamment au-delà de novembre 2026. Nous voulons que davantage de villes soient concernées, que le dispositif soit pérenne, et que nous puissions travailler sur le complément de loyer. Nous travaillons avec des députés de différentes tendances politiques — de gauche, du centre, du centre droit — sur ce sujet. Cette semaine je serai auditionné par la commission nommée par le Premier ministre (François Bayrou) qui rendra un avis sur l’avenir de l’encadrement des loyers. Je mettrai l’accent sur le complément de loyer. Il y a un deuxième point aveugle : le périmètre. On ne peut pas supposer que le périmètre est immuable. Quelle est la réalité de la pression locative ? Nous sommes dans une métropole. Si vous êtes à Cuire, ou dans le quartier de La Cuire, il y a une pression locative. Dans les secteurs proches de la gare ou du centre, il y a aussi une pression locative.
Merci beaucoup Renaud Payre. Cela pourrait devenir un thème de campagne, le logement, et je pense que les différents candidats pourront se positionner dessus. Merci à vous, et merci à vous qui nous écoutez. Vous pouvez retrouver plus de détails sur l’immobilier et la politique du logement sur le site lyoncapitale.fr. À très bientôt.