L’archevêque de Lyon, Mgr de Germay, lors de sa première bénédiction de la ville de Lyon, sur l’esplanade de Fourvière, à l’issue du Voeu des échevins. ( Photo Hadrien Jame)

Lyon : un Voeu des échevins entre tradition et modernité

Mercredi 8 septembre, 378 ans d’histoire étaient célébrés sur la colline de Fourvière à l’occasion du Voeu des échevins. Une tradition lyonnaise marquée d'un vent de changement cette année, alors que le nouvel archevêque dirigeait la cérémonie pour la première fois et que Marie-Sophie Obama lui remettait l’Écu de la ville, une première pour une femme, à la place du maire de Lyon.

Près de quatre siècles d’histoire étaient célébrés hier sur la "colline qui prie". Au-delà de son caractère religieux, le 8 septembre symbolise le jour de la nativité de la Vierge, à Lyon cette journée s’est inscrite dans la tradition, depuis 378 ans, avec la commémoration du Voeu des échevins, qui lie intimement la Capitale des Gaules à la religion. Aujourd’hui plus "culturel que spirituel", pour rependre les mots de l’archevêque de Lyon Mgr de Germay, la célébration voit se réunir à Fourvière catholiques et élus pour remercier Marie d’avoir épargné la ville de Lyon de la peste. 

Hier soir, ils étaient encore nombreux à être présents sur les hauteurs du 5e arrondissement et à se plier à la tradition sur les bancs de la basilique de Fourvière. Qu’il s’agisse des autorités militaires, du président de région ou encore du préfet du Rhône, ils étaient tous présents pour assister à la cérémonie qui voit depuis 1643 un représentant de la ville remettre un Écu ou une médaille à l’Église, en signe de remerciement. 


"La société lyonnaise est plurielle et peut être incarnée par une représentante d’un club sportif", Marie-Sophie Obama, présidente déléguée du club de basket de l’Asvel féminin


La présence de Marie-Sophie Obama, "un choix audacieux"

Un rôle dévolu hier à Marie-Sophie Obama, la présidente déléguée du club de basket de l’Asvel féminin, qui enfilait, le temps d’une soirée, le costume de "marraine des Lyonnais", comme a aimé à la présenter le primat des Gaules, Mgr de Germay. Bien que " surprise" par l’invitation à une cérémonie qu’elle ne "connaissai[t] pas", l’intéressée a souhaité relever "le défi". Première femme à remettre le fameux symbole à l’Église, Marie-Sophie Obama se réjouissait de "ce choix audacieux, tout sauf évident", mais qui montre que "la société lyonnaise est plurielle et peut être incarnée par une représentante d’un club sportif". 

Lire aussi : Lyon : surprise, c’est finalement Marie-Sophie Obama qui remettra l’écu lors du Voeu des Échevins

Lors de ce Voeu des échevins 2021, la médaille de la ville a été remise à l'Église par Marie-Sophie Obama, présidente déléguée du club de basket de l’Asvel féminin et "marraine des Lyonnais" pour ce 8 septembre. (Photo Hadrien Jame)

Au moment où cette "personnalité emblématique de Lyon" déposait  la médaille de la ville entre les mains du représentant du clergé, il était difficile de ne pas repenser à l'origine de sa présence ici. En effet, à son arrivée à l’Hôtel de Ville, en 2020, le maire de Lyon a rompu avec la tradition qui voulait que l'édile remette lui-même l’Écu à l’archevêque. Depuis 1970, et les mandats de Louis Pradel, tous les maires lyonnais ont ainsi participé à la cérémonie, jusqu’à Gérard Collomb, absent hier. Sacrifiant cette tradition sur l’autel de la laïcité, Grégoy Doucet a, lui, préféré "marcher dans les pas d’Édouard Herriot", qui, très à cheval sur la loi de séparation de l'Église et de l’État, refusait de prendre part à cette cérémonie. 

"Mon rôle n’est pas d’assister aux cérémonies religieuses"

Tout de même présent sur l’esplanade de Fourvière pour les discours protocolaires, qui ont suivi la bénédiction de la ville par Mgr de Germay, le maire EELV réaffirmait sa conception de la laïcité. "En tant qu’élu de la République mon rôle n’est pas d’assister aux cérémonies religieuses, elles sont destinées aux croyants. Ma conception de la laïcité c’est de faire en sorte que les croyants puissent croire et pratiquer", faisait valoir le maire. Une posture bien éloignée de celle du président de région, Laurent Wauquiez, pour qui la participation à cette célébration "n’est pas un acte de foi". Et l’élu Les Républicains de rappeler que "l’on peut venir à Fourvière sans être croyant, en rendant hommage au fait que c’est une part de notre identité lyonnaise", tout comme "le Voeu des échevins". 


"Depuis des siècles, quand les élus de Lyon viennent ici, ils reconnaissent qu’ils ne peuvent pas tout.  Ils acceptent de s’agenouiller pour aller chercher quelque chose d’autre", Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes


À l'inverse du maire de Lyon, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a participé à la cérémonie religieuse, aux côtés notamment du préfet du Rhône, Pascal Mailhos. (Photo Hadrien Jame)

Une position réaffirmée lors de son discours, devant la centaine de personnes rassemblées sur l’esplanade, où se multipliaient toutefois les références religieuses aux côtés de piques plus politiques, pas si subtiles. "Depuis des siècles, quand les élus de Lyon viennent ici, ils reconnaissent qu’ils ne peuvent pas tout, qu’ils ne peuvent pas donner de leçons. Ils acceptent de s’agenouiller pour aller chercher quelque chose d’autre. La modernité c’est bien, mais il est bon aussi de s’inscrire dans ce qui fait l’identité de Lyon", déclarait-il. Difficile de ne pas lire entre les lignes de ce discours, chaudement applaudi, un message qui semblait s’adresser au maire de Lyon.

Le maire de Lyon joue la carte de la fraternité

Beaucoup plus lice dans son propos, n‘évoquant d’ailleurs pas explicitement la raison de sa non-participation à la cérémonie religieuse, parfois professoral au moment d’évoquer l’histoire de Lyon et de la peste en faisant le parallèle avec l’épidémie de Covid-19, l’édile rappelait son rôle premier : "en tant que maire de Lyon, la responsabilité qui m’incombe est de protéger la santé des Lyonnais". À l’inverse de ces notables du XVIIe siècle, auxquels il faisait référence, qui avaient fui Lyon lors de la grande peste, ne faisant "pas une apparition [en ville, Ndlr] pendant l’épidémie". 

Absent lors de la cérémonie religieuse du Voeu des échevins, Grégory Doucet, le maire de Lyon, était présent sur l'esplanade pour les discours protocolaires. (Photo Hadrien Jame)

Se posant donc en protecteur des Lyonnais, plutôt qu’en bon "parrain", Grégory Doucet se rendait aussi sur le terrain de la "fraternité", lors de ce discours prononcé devant une assistance où l’on pouvait compter sur les doigts d’une main les élus de la majorité écologiste. "L’amour fraternel ne peut être que gratuit, il ne peut jamais être une rétribution pour ce qu’un autre réalise ni une avance pour ce que nous espérons qu’il fera", déclarait ainsi l’élu, en citant une parole du Pape François, tirée d'une encyclique. Un passage par lequel il confiait avoir été touché et qui le "confort[ait], dans [sa] volonté de continuer à faire vivre le dialogue".  


"Fourvière ne doit pas être un lieu polémique, mais un lieu de dépassement de soi [...] un lieu de convergence à même de construire la fraternité", Mgr de Germay, archevêque de Lyon


Tant de considérations politiques dont les fidèles et les passants présents sur l’esplanade semblaient à mille lieux, hier. À l’inverse de l’archevêque, qui, pour sa première cérémonie du Voeu des échevins, sans doute conscient de la tension entourant l’évènement, rappelait que "Fourvière ne doit pas être un lieu polémique, mais un lieu de dépassement de soi, de dépassement des antagonismes, de vivre ensemble, un lieu de convergence à même de construire la fraternité", comme un écho au discours du représentant de la ville. 

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