L’évacuation du squat Pyramide, où se trouvaient au moins une centaine de personne, a débuté lundi 30 octobre vers 7h30. Elle se poursuivait à la mi-journée, à deux jours de la trêve hivernale. (Photo HJ)

Le plus gros squat de Lyon évacué à la veille de la trêve hivernale

L’évacuation d’au moins une centaine de personnes était en cours ce lundi matin dans le 7e arrondissement de Lyon, où la préfecture a procédé à la fermeture du squat Pyramide, à deux jours de la trêve hivernale. 

“On est des animaux qui dorment dehors. On n’est pas des criminels” s’époumone ce lundi un homme penché à l’une des nombreuses fenêtres du squat Pyramide, qui se dresse au bout de l’avenue de Gerland, dans le 7e arrondissement de Lyon. Quelques minutes auparavant, vers 7h30, plusieurs dizaines de CRS ont fait irruption dans l’immeuble pour procéder à l’expulsion des personnes qui y avaient trouvé refuge. 

Situé rue de Gerland, l'immeuble Pyramide était squaté depuis deux ans. (Photo HJ)

Lire aussi : Expulsion pressentie du squat Pyramide à Lyon : "Personne ne sait où aller"

"Je me sens chez moi ici"

"Ces derniers jours, il y avait près de 250 personnes dans le bâtiment", confie Colette Blanchon, une bénévole du collectif Intersquat. Au milieu de la circulation, particulièrement dense en ce lundi matin dans le quartier, plusieurs parents avec leurs enfants dans les bras patientent, démunis, alors qu’un cordon de CRS bloque l’accès à l’immeuble. Au compte-gouttes celui-ci se vide de ses résidents, chacun emportant ses maigres possessions. Ici une télé, plus loin un micro-onde, une guitare, un djembé ou plus simplement des sacs de vêtements.

"Nous n’avons pas le chiffre précis des personnes qui sont à l’intérieur, je pense que l’on est peut-être autour de 100 personnes"

Vanina Nicoli, la préfète déléguée pour l'égalité des chances

"Je partais au travail quand je les ai vus venir, donc j’ai fait demi-tour", explique Moustapha. Alors que certains vivent à l’abri du squat Pyramide depuis près de deux ans, lui s’y est installé il y a trois mois. Originaire du Sénégal et de la Guinée, cet homme âgé d’une trentaine d’années reconnaît qu’il n’est pas "trop en règle dans [ses] papiers", mais insiste sur le fait que cela fait désormais cinq ans qu’il travaille en France. "Je me sens chez moi ici", plaide-t-il au moment de quitter les lieux, "sans problème", insiste-t-il.

Un jeune a été légèrement blessé lors de l'évacuation, avant d'être pris en charge par un médecin des CRS puis les pompiers. Il aurait vraisemblablement chuté dans les escaliers de l'immeuble. (Photo HJ)

Huit nuits d'hôtel, puis l'incertitude

À l’instar des autres occupants, que la préfecture du Rhône estimait en début de matinée à une centaine, Moustapha devrait être relogé dans un hôtel pour une durée de huit jours, dans des établissements de la Métropole de Lyon, du Nouveau Rhône ou des départements voisins. Un délai qui "permettra de faire un point sur la situation administrative des personnes et de pouvoir les orienter vers des dispositifs adaptés. Soit de l’aide au retour pour ceux qui peuvent y prétendre, soit des dispotifis d’accueil pour les personnes en situation de demandeur d’asile", précise Vanina Nicoli, la préfète déléguée pour l'égalité des chances. 

"Après huit jours, les propriétaires des hôtels vont venir pour nous mettre dehors en nous disant que le contrat est fini"

Un homme expulsé du squat avec sa famille

Des informations qui n’étaient pas vraiment de nature à rassurer Colette Blanchon. "Il faut voir les conditions d’hébergement dans les hôtels. Il y a des foyers ignobles", déplore cette membre d’Intersquat. Les mains de ses deux enfants fermement serrées entre les siennes, un père de famille qui vient de passer quelques jours hébergé à l’hôtel confie avoir été mis dehors de manière peu civilisée et craint que cela ne se reproduise. "Après huit jours, les propriétaires des hôtels vont venir pour nous mettre dehors en nous disant que le contrat est fini. La dernière fois, ils ont coupé l’eau et l’électricité. On est resté deux jours puis on est parti pour revenir ici [le squat Pyramide, NDLR]", explique cet homme en gardant un oeil sur son bébé d’un mois couché dans une poussette. 

Chacun part avec ses quelques possessions. Ici, un homme quitte l'immeuble avec sa télé. Avant lui d'autres sont partis avec des micro-ondes ou encore des instruments de musique. (Photo HJ)

Proxénétisme et marchands de sommeil

À deux jours de la trêve hivernale, le coup est rude pour les associations et le timing de cette opération a de quoi interroger, d’autant que de nombreuses tentes hérissent déjà les rues de l’arrondissement, notamment sous le pont de Jean-Macé. "On a une situation avec un bâtiment extrêmement dégradé avec des installations électriques qui présentent un véritable danger. Par ailleurs, plusieurs associations et rapports sociaux nous ont permis d’établir qu’il y avait pas mal de violences perpétrées à l’intérieur, notamment sous la pression de marchands de sommeil", justifie Vanina Nicoli, avant d’énumérer des "faits de violences sexuelles, de proxénétisme, des problèmes de trafic de stupéfiants"*.

"La police municipale nous avait rapporté des faits de prostitution sur lesquels on ne peut pas enquêter donc on avait fait un signalement au procureur"

Sylvie Tomic, adjointe au maire de Lyon en charge de l’accueil et de l’hospitalité

"C’est faux", s’emporte Colette Blanchon. "Pour moi, il y a une intox totale et l’objectif c’est de salir une communauté et de créer des amalgames. Ou alors on ne comprend rien. Si c’est vrai, pourquoi ils n’arrêtent pas les auteurs de ces délits ? Qu’ils nous disent qui ils sont. C’est de la propagande ignoble", dénonce cette porte-parole d’Intersquat.

D’après la préfète Vanina Nicoli, les premiers faits ont été signalés au mois de mars, avec un article 40 adressé au procureur de la République par le maire de Lyon. Ce qui a conduit à la prise d’une décision de justice au mois de juillet, permettant cette évacuation. Ce que confirme Sylvie Tomic, l’adjointe au maire de Lyon en charge de l’accueil et de l’hospitalité. "On a fait un signalement au procureur avant l’été en raison d’une situation de danger imminent parce que des gens dormaient dans des caves. La police municipale nous avait aussi rapporté des faits de prostitution", explique l’élue écologiste du 7e arrondissement de Lyon.

Dans un communiqué publié dimanche soir, la Ville de Lyon disait toutefois regretter le timing de cette évacuation à deux jours de la trêve hivernale, "fait sans-précédent dans notre ville". "Il n’y a aucune raison de vider tout l’immeuble", estime Colette Blanchon, avant d'ajouter "moi, quand mon voisin fait une connerie on n’expulse pas tout l’immeuble". Peu avant 13 heures, l'évacuation du squat était encore en cours.


*Contacté sur d’éventuelles procédures en cours, le parquet de Lyon n’avait pas encore répondu à nos demandes au moment de publier cet article.

Les commentaires sont fermés

Suivez-nous
tiktok
d'heure en heure
d'heure en heure
Faire défiler vers le haut