Philippe Bernachon, est à la tête de la maison Bernachon, fondée en 1953 par son grand-père paternel. Pur produit de la cuisine lyonnaise, son autre grand-père n'est autre que l'immense toqué feu Paul Bocuse.
L'homme est un géant. Par la taille - 1 mètre 95, au bas mot. Et par le poids - il pèse 20 tonnes de fèves à l'année. À 36 ans, Philippe Bernachon – qui, physiquement, est un peu le Jean Reno sauce lyonnaise - dirige la chocolaterie la plus célèbre de Lyon. Tout Lyonnais qui se respecte a déjà poussé, ne serait-ce qu'une fois, la porte massive encadrée d'un mur de verre et de marbre marron de Bernachon. Et dont on fête, cette fin d'année, les 50 ans du gâteau emblématique, le Président.
Bernachon. Un nom mythique. S'il y a les Michelin à Clermont-Ferrand, les Peugeot à Sochaux ou les Troisgros à Roanne, à Lyon, ce sont les Bernachon. Chocolatiers de grand-père en petit-fils. Une famille. Les prémices d'une dynastie.
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Psyché chocolatée
Philippe, c'est le fameux petit-fils de Maurice, le fondateur – aujourd'hui au Paradis du chocolat - de la maison soixantenaire. Né un 1er mars (rien à voir avec la barre chocolatée du même nom), le petit Philippe est rapidement tombé dans la ganache, goulûment et assidûment ; au point de hisser le pêché de gourmandise au rang de psyché originale. C'est simple, il mange chocolat (mais aussi quenelles, andouillettes, foie gras, pâté en croûte, faisans, etc.), pense chocolat, pale chocolat et rêve chocolat. Et quand le 42, rue Franklin Roosevelt (6e) ferme en été, le drageon Bernachon arrive à être « en manque ». Authentique. « C'est à ce moment, que je sais qu'il faut rouvrir la boutique et remettre en marche les machines. » Petite parenthèse scientifique : une étude américaine, réalisée à partir de rats à qui on donnait des M&M's, a montré que le chocolat excitait les neurostransmetteurs de ces rats. Autrement dit, le cerveau des rongeurs testés secréterait des endorphines – les enképhalines – qui les pousseraient à ingurgiter plus de M&M's.
Bref. Et Philippe Bernachon d'expliquer qu'il n'aime pas bien les chocolats des autres. « Je crois que j'ai le palais Bernachon. Quand j'ouvre une boîte Bernachon, il se passe quelque chose. Je ne peux pas l'expliquer. Et à force de goûter et de sentir notre chocolat, je trouve tous les autres sans goût ni saveur. Même celui de Ducasse. »

Alain Ducasse et Oui-Oui en ganache
Car c'est le Lyonnais Bernachon, et pas un cador hipster de l'or noir, que le cosmique monégasque Ducasse a choisi pour lui faire un topo sur le cacao. Début 2013, le chef aux dix-neuf étoiles Michelin a créé sa manufacture de chocolats pour, fin mars de cette année, ouvrir sa première boutique à Saint-Germain-des-Prés. « Quand il était jeune, Ducasse a travaillé chez Alain Chapel, à Mionnay. Il a du venir 2/3 fois chez Bernachon et a certainement du voir qu'il se passait quelque chose » raconte l'héritier chocolatier.
Un « quelque chose » qu'il s'empresse de nous montrer, les yeux toujours aussi écarquillés du gamin qu'il était et qui détient un jouet unique. L'effet Charlie et la Chocolaterie. Mais dans la maison Bernachon, rien d'excentrique (à la différence de l'imaginaire Willy Wonka). « On est garant d'un savoir-faire. On est sur le créneau traditionnel. C'est la petite poule avec son nid, le petit lapin pour Pâques. Les clients qui viennent chez nous, c'n'est pas pour acheter des Oui-Oui en chocolat ! »
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Bernach', plus branché tu meurs
Depuis sa création en 1953, Bernachon a toujours joué cette carte sans s'éparpiller. Et force est de constater qu'elle n'a jamais été aussi branché qu'en 2014. Le palais d'or, le best-seller de « Bernach' » qui se vend à des milliers d'unités chaque année, n'a pas vieilli d'un iota de crème fraîche et de ganache. Les clients se ruent sur le Paris-Brest. Quant au Président, qui contribua à la célébrité de la maison lyonnaise, jamais les ventes n'avaient été aussi gourmandes.
Ici, aucune chimie. « Ici, ils ne font pas de gélatine. Ils font de la vraie pâtisserie avec des génoises, des biscuits et du vrai chocolat » encense Paul Bocuse, le grand-père de Philippe (le père, Jean-Jacques, a épousé François, la fille de « Monsieur Paul »). En 1969, c'est donc la grande alliance gastronomique lyonnaise qui est scellée à travers le mariage d'un chocolatier de 1er rang et de la fille du primus inter patres.
Ou quant un géant s'unit avec un pape.
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Le Président, la gloire universelle de Bernachon
Quelques années plus tard, le 25 février 1975 pour être précis, Paul Bocuse inscrivit Bernachon au Panthéon des chocolatiers et de la pâtisserie. Alors qu'il recevait des mains de Valéry Giscard d'Estaing la Légion d'honneur, entouré de « la bande à Bocuse » (Michel Guérard, Jean Troisgros, Roger Vergé , Paul et Pierre Haeberlin, Alain Chapel, Louis Outhier), il présenta, en guise de dessert, un gâteau féérique – une génoise à base de ganache pralinée et incrustée de bigarreaux confits au cherry où papillonnent des copeaux de chocolat poudrés et fondants. Le fameux « Président » (qui, pour la petite histoire fut débaptisé pour l'occasion présidentielle, les Lyonnais le connaissant sous le nom de Montmorency).
Autrement dit, c'est un simple gâteau qui assura à la maison Bernachon la gloire universelle.
