@Romain Balme

Dermatose bovine : "Ce qui nous importe, c'est de rouvrir les marchés"

Touché par la dermatose nodulaire bovine, le Rhône reste sous surveillance. Si un seul foyer a été détecté, la vigilance reste de mise. La vaccination a rassuré les éleveurs, mais les conséquences économiques se font sentir.

Détectée pour la première fois en Savoie pendant le mois de juin 2025, la dermatose nodulaire bovine continue d'affecter les exploitants. A l'échelle de la France, 95 foyers de contaminations ont été détectés, majoritairement en Auvergne Rhône-Alpes qui en concentre 80 selon les chiffres du ministère de l'Agriculture, en date du 29 octobre. Le 22 octobre dernier, nous annoncions que le département du Rhône était entièrement en zone de surveillance. Certes, un seul épicentre a été identifié, mais la détection d'un autre foyer dans l'Ain l'a complètement englobé. Pour rappel, les zones de surveillances concernent toutes les communes présentes dans un rayon de 50 kilomètres autour d'un foyer. A l'intérieur de celles-ci s’appliquent des mesures de prévention, comme le renforcement de la surveillance vétérinaire, ou la désinsectisation.

Des éleveurs rhodaniens rapidement rassurés

Le 19 septembre dernier, un foyer est détecté au sein du GAEC Poncet à Saint-Laurent-de-Chamousset (Rhône). Le constat est terrible. 171 bovins possiblement touchés. Parmi eux, 27 échappent à l'abattoir, car ils paturaient loin du troupeau. A cet instant, les éleveurs locaux s'interrogent. "Forcément je me questionne. Comment la dermatose a pu arriver jusqu'à chez nous ? Alors on s'informe. On regarde autour comment ça se passe" explique Fabrice Durel, éleveur de vaches laitières et allaitantes à Saint Forgeux (Rhône).

Pourtant, dès la détection du virus, les vétérinaires se rendent chez les exploitants afin de réaliser des analyses (prises de sang) sur les troupeaux. "Rapidement on a su que le foyer de Saint-Laurent-de-Chamousset n'était qu'un cas isolé, cela nous a rassuré" évoque Fabrice Durel. Du 6 au 8 octobre, soit moins d'un mois après la détection du cas rhodanien, l'éleveur fait vacciner l'intégralité de ses 98 bêtes. "Le vétérinaire appelle 2-3 jours avant. La vaccination s'effectue par groupe de bovins, ce qui m'arrange étant donné que mes troupeaux sont situés dans plusieurs endroits", clarifie Fabrice Durel. A l'instant où nous écrivons, 90% des élevages rhodaniens ont été vaccinés nous rapporte le Groupement de défense du Rhône (GDS).

L'intégralité des bêtes de Fabrice Durel ont été vaccinées @RB

Une chose est sûre, la vaccination nécessite de l'organisation pour les exploitants. "On a dû créer des parcs pour contenir les bêtes, ça nous a pris deux jours", poursuit l'agriculteur de 45 ans. Si la dermatose n'impacte pas directement certains éleveurs, les conséquences indirectes sont multiples.

Un secteur touché par des conséquences indirectes

Face à la multiplication des cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), le ministère de l’Agriculture a instauré des mesures strictes, dont l’interdiction de déplacer les bovins, rendant ainsi impossible leur vente. Car en effet, depuis maintenant 500 ans, un marché aux veaux se tient tous les lundis… à Saint-Laurent-de-Chamousset. Ce rendez-vous commercial prisé par les éleveurs a fermé ses portes dès le lundi 22 septembre, après la détection du foyer. Un premier impact négatif pour Fabrice Durel : "Il y a six veaux que je n'ai pas pu vendre. Cela entraine des coûts supplémentaires en lait, et en nourriture pour les bêtes plus âgées". Un constat partagé par le GDS Rhône, qui évoque "un climat d'inquiétude avec les perspectives commerciales".

Certains de ces veaux devaient être vendus le lundi 22 septembre @RB

Autre effet de la dermatose, les coûts financiers et de main d'oeuvre, qui nécessitent une adaptation rapide. L'aménagement de parcs pour vacciner les bovins nécessite du matériel qui n'est pas toujours entre les mains des éleveurs. Heureusement, en ces temps difficiles, la solidarité est de mise entre les agriculteurs. "Personnellement, j'ai fait avec ce que j'avais sur moi. Lorsque certains étaient en manque de matériel, on se le prêtait entre nous", détaille l'exploitant, qui estime le coût total de ces ajustements à 5000 euros.

"Ce n'est pas facile pour les jeunes"

Enfin, même si lui-même ne l'a pas ressenti longtemps, Fabrice Durel ne sous- estime pas l'impact psychologique que peut avoir une telle maladie sur les agriculteurs. "A 45 ans, je prends du recul. Mais c'est vrai que ce n'est pas facile pour les jeunes qui viennent de reprendre une exploitation, avec des prêts à rembourser". Ces conséquences indirectes impactent donc de plein fouet le monde agricole. De son côté, Fabrice Durel se désole que "les dommages collatéraux ne soient pas encore pris en considération."

Actuellement, les aides ne concernent que les éleveurs directement impactés. En Auvergne Rhône-Alpes, elles s'élèvent à un barème de 300 € par bête abattue. Une somme portée à 400 € pour les jeunes agriculteurs. Au niveau national, ces fonds d'urgences sont symbolisés par des avances sur la trésorerie après l'abattage. Annie Genevard, ministre de l'agriculture assure que "l'Etat met tout en œuvre pour enrayer au plus vite la dermatose nodulaire contagieuse des bovins et accompagner les éleveurs dont les troupeaux ont été touchés."

Pour l'avenir, Fabrice Durel espère que le ministère de l'Agriculture "fera petit à petit sauter les restrictions" pour permettre aux éleveurs de reprendre le commerce, "ce qui nous importe, c'est de rouvrir les marchés". A ce sujet, il n'exprime aucune crainte de propagation du virus : "si ils ouvrent à nouveau, c'est que les conditions sont remplies" conclut l'exploitant. Toujours selon le GDS Rhône, la tendance actuelle de la DNC serait à "un frein, lié à la vaccination et aux effets climatiques". Les stomoxes, mouches qui transmettent le virus sont moins présentes en hiver, et doivent trouver un endroit plutôt chaud pour survivre. Néanmoins, le GDS Rhône reste prudent malgré les signes positifs, "on ne sait pas si ça va s'arrêter cet hiver", explique l'organisation.

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