L’Opéra de Lyon ouvre sa saison lyrique avec Boris Godounov, un opéra historique (et politique) d’après le drame du même nom de Pouchkine. L’œuvre, relevant du “style russe” promu à l’époque, connaîtra plusieurs versions. C’est ici la première, la plus condensée, de 1869, qui sera à l’honneur.
Adaptant la tragédie Comédie du malheur présent de l’État moscovite, du tsar Boris et de Grichka Otrepiev ou Boris Godounov de Pouchkine, le compositeur russe Modeste Moussorgski dégaine en 1869 l’œuvre qui restera son unique opéra achevé – ses œuvres lyriques antérieures et postérieures resteront incomplète ou sans orchestration.
L’argument s’inspirant d’un fait réel de l’histoire russe nous propulse à la fin du XVIe siècle.
À la mort du tsar, le peuple, sous la manipulation des boyards et des forces policières, appelle le conseiller Boris Godounov à devenir le nouveau dirigeant de la nation. Boris, dans un premier temps, refuse avant qu’une délégation opportune de pèlerins portant des icônes qu’il interprète comme une illumination le convainque de revenir sur sa décision. Boris est couronné tsar sous les acclamations du peuple alors qu’on décèle une certaine fébrilité chez lui.
Tandis que le vieux moine Pimène rédige une chronique historique, il raconte au novice Grigori le meurtre du tsarévitch Dimitri (héritier légitime du trône), en accusant Boris. Ce récit nourrit les ambitions de Grigori qui, âgé de 20 ans tout comme le tsarévitch, se voit déjà poursuivre Boris en révélant le crime. Recherché par la police, il parvient à s’échapper in extremis.
Apprenant l’existence d’un usurpateur se faisant passer pour le tsarévitch, Boris est pris d’une crise d’hallucination. Le jour du requiem en l’honneur du tsarévitch, les rumeurs vont bon train au sein du peuple : l’héritier serait vivant et marcherait sur Moscou en la personne de Grigori.
À l’occasion d’une assemblée mouvementée des conseillers du tsar, une révélation du moine Pimène déclenche chez Boris une ultime crise d’angoisse. En plein effroi, Boris fait ses adieux et succombe.
Une chronique russe
Boris Godounov s’inscrit dans un courant débutant dans les années 1960 qui s’affranchit de l’influence de l’opéra allemand et italien. Le “style russe” met ainsi en avant les traditions populaires, empruntant aux mélodies traditionnelles et mettant en scène le peuple russe et l’histoire de la nation.
D’un point de vue musical, l’œuvre brille par l’évidence et la pureté de son matériau mélodique et une patte singulière qui fait le charme de la plume de Moussorgski.
Cette première version – sans doute jugée trop moderniste – est censurée par le comité de lecture du théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg où l’œuvre est créée, ce qui donnera lieu à une deuxième version en 1872. De nombreuses révisions auront lieu par la suite – notamment de multiples réorchestrations par Nikolaï Rimski-Korsakov ou encore Dmitri Chostakovitch.
Jugée plus efficace théâtralement, c’est la version originale de 1869 qui sera donnée ici sous la baguette de Vitali Alekseenok.
Côté mise en scène, l’Opéra de Lyon accueille pour la première fois Vasily Barkhatov. Le metteur en scène russe interprète ici cette fable politique sous l’angle de la dépolitisation et l’attentisme du peuple en proie aux manipulations diverses qui laissent libre cours aux intrigues des élites dirigeantes, rappelant ainsi l’esprit du film Dogville de Lars von Trier.
Boris Godounov – Du 13 au 25 octobre à l’opéra de Lyon