Le pompier et représentant syndical Rémy Chabbouh commente la peine de 18 mois de prison infligée à l’homme reconnu coupable, ce vendredi, d’avoir agressé trois pompiers à Lyon.
En juin dernier à Lyon, un homme de 25 ans a agressé deux femmes puis trois pompiers venus lui porter secours après qu’il se soit jeté sous un bus. Déjà condamné à l’étranger pour violences, il a été reconnu coupable et condamné, vendredi 8 août, à 18 mois de prison, dont un an ferme, avec maintien en détention. Sa peine est assortie d’obligations de soins, de travail et d’indemnisation des victimes, pour un total de 1 700 euros. Rémy Chabbouh, pompier professionnel et secrétaire national Sud SDMIS (Service départemental-métropolitain d’incendie de secours de Lyon), commente cette condamnation.
Lyon Capitale : Quelle est votre réaction au jugement rendu ce vendredi ?
Rémy Chabbouh : On est relativement satisfaits. L’homme a pris 18 mois de prison, dont 6 avec sursis pendant deux ans. Cela fait donc 12 mois ferme, et il a été placé sous mandat de dépôt. C’est quelqu’un qui a essayé de se dissimuler derrière une prise de drogue en disant qu’il avait eu des hallucinations. Sauf que la drogue décelée dans son sang ne pouvait pas provoquer d’hallucinations : c’était de la cocaïne, un excitant, pas un hallucinogène. Les sommes allouées aux sapeurs-pompiers ne sont pas énormes, mais elles sont quand même symboliques.
Pouvez-vous rappeler les circonstances de l’agression ?
Les sapeurs-pompiers étaient en train de maintenir la tête de cet homme qui s’était jeté sous un bus (après avoir agressé deux jeunes femmes) et qui était gravement accidenté. Rien ne laissait paraître qu’ils allaient subir une grave agression. Pourtant, un coup a été porté au visage d’un pompier, et un autre a reçu un coup entraînant une fracture au niveau de la pommette. Je parle bien d'une fracture.
"On tourne à environ une agression de sapeurs-pompiers sur le territoire national toutes les six heures, soit quatre par jour"
Vous évoquez un phénomène plus large. Quelle est l’ampleur de ces agressions ?
Les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur sont clairs : on tourne à environ une agression de sapeurs-pompiers sur le territoire national toutes les six heures, soit quatre par jour. C’est énorme. Le département du Rhône se classe sur le podium, en troisième position, quasiment à égalité avec le Nord, la Gironde et le Pas-de-Calais. C’est devenu courant, même si ce n’est pas admissible. On peut parfois comprendre le cheminement intellectuel des agressions contre d’autres uniformes, comme les forces de l’ordre, mais on a du mal à comprendre quand il s’agit de pompiers qui viennent porter secours.
Pourquoi le Rhône est-il particulièrement touché par ces agressions ? Y a-t-il des facteurs spécifiques ?
C’est la loi des grands nombres. Avec environ 140 000 interventions par an, rien que pour les pompiers de Lyon, les risques sont mécaniquement plus élevés. Nous avons à la fois des zones urbaines sensibles, où l’on retrouve des violences urbaines “classiques” comme les caillassages, et un centre-ville où les agressions proviennent souvent de personnes alcoolisées ou sous l’emprise de stupéfiants.
"Nous demandons depuis longtemps l’anonymisation des dépôts de plainte, pour éviter les représailles"
Vous aviez formulé une demande particulière auprès du tribunal…
Oui, nous avions demandé que la condamnation fasse l’objet d’une publication dans les médias, aux frais du condamné, pour marquer les esprits. Malheureusement, cela n’a pas été suivi par le président du tribunal. C’est dommage. Nous allons réitérer la demande. C’est nouveau pour nous, nous ne l’avons jamais fait. Nous souhaiterions que les jugements soient publiés dans un média, ou affichés sur la porte du domicile ou sur le véhicule de l’agresseur, comme cela peut se faire pour d’autres professions
Pourquoi votre demande concernant la publication dans les médias ou l’affichage sur le domicile ou le véhicule n’a pas été retenue ?
Dans ce dossier, le condamné était sans domicile fixe, donc l’affichage aurait eu peu d’effet. Mais pour d’autres profils – un chef d’entreprise ou un particulier – cela aurait un vrai impact pédagogique, pour éviter que ce type d’agression ne se reproduise.
Quelles mesures concrètes de prévention ou de protection des pompiers devraient être mises en place ?
Nous demandons depuis longtemps l’anonymisation des dépôts de plainte, pour éviter les représailles. Les caméras piétons sont désormais généralisées, et nous travaillons à Lyon sur un dispositif unique en France : des caméras embarquées à 360° sur nos véhicules, pour sécuriser les interventions en zones sensibles.