Test de Beyond Two Souls : mauvais jeu, mauvais film sur PS3

Après les succès de Fahrenheit et de Heavy Rain, le créateur/réalisateur/artiste/metteur en scène (rayer la mention inutile) français David Cage revient avec Beyond : Two Souls. Malheureusement, cette expérience à mi-chemin entre le jeu vidéo et le cinéma ne parvient pas à faire illusion. Ode poussive à la passivité et à l’illusion de la liberté, Beyond se transforme vite en calvaire indigeste.

Difficile de critiquer un jeu de David Cage sans passer pour un rustre incapable de comprendre tout le génie de son auteur. Celui qui se plaît à se présenter comme un “créateur” se borne encore aujourd’hui à faire des films interactifs plus que du jeu vidéo. Et ce n’est pas Beyond : Two Souls qui fera mentir cette habitude. Dès les premières minutes, le ton est donné, le jeu se place du côté d’Hollywood avec son casting porté par Willem Dafoe et Ellen Page.

Beyond : Two Souls nous narre les aventures de Jodie Holmes, toujours accompagnée d’un mystérieux spectre. Ce dernier est capable d’agir sur le monde qui les entoure en bousculant des objets, en prenant possession des corps ou tout simplement en tuant ceux qui pourraient menacer sa protégée. À travers une narration non chronologique, le joueur va alors tenter de comprendre les mystères qui entourent ce duo. Ce postulat de base aurait pu être intéressant s’il n’avait été mis au service de l’une des expériences les plus frustrantes jamais réalisées. Beyond n’est pas un bon jeu vidéo, et n’est pas non plus un bon film interactif.

Une claque graphique

Pourtant, malgré ce constat amer, le titre ne manque pas de qualités, notamment esthétiques. Véritable claque graphique, le “jeu” s’impose comme l’un des plus beaux de sa génération, à tel point que l’on ne voit plus la différence entre cinématique et phase “interactive”. Beyond : Two Souls n’a ainsi rien à envier à certains films en images de synthèse, et ses personnages sont parfaitement retranscrits à l’écran. Difficile de prendre à défaut le jeu sur son aspect visuel tant il a été travaillé et surtout pensé comme celui d’un film.

L’excellente bande originale, signée par le compositeur hollywoodien Hans Zimmer, contribue elle aussi à la réussite formelle de l’ensemble, tandis que les doublures numériques des acteurs sont pour leur part convaincantes (même si l’on regrettera un léger surjeu général). Enfin, le doublage en anglais comme en français est excellent et l’on sent les acteurs impliqués. David Cage a le bon goût de laisser le joueur choisir s’il souhaite vivre l’expérience en version originale ou non.

La difficulté de lier narration cinématographique et gameplay

Le vrai problème de Beyond reste son incapacité à impliquer le public dans son histoire. Que ce soit dans les phases de jeu, dans la contemplation passive ou aux moments censés être émouvants, il est difficile de se sentir concerné par ce qui arrive. Les actions à réaliser sont inintéressantes, dénuées de véritable enjeu et se résument à cliquer sur un bouton au bon moment. Pire, parfois il est parfaitement possible de poser sa manette par terre et de laisser le jeu avancer tout seul. Ces moments presque gênants où l’on découvre que tout est sur des rails nous rappellent que la liberté de jeu présentée dans Beyond : Two Souls n’est qu’illusoire. À aucun moment, il n’est possible d’aller au-delà des limites mises en place par le réalisateur, des deus ex-machina se chargeant automatiquement de replacer le joueur sur le chemin imposé.

Le calvaire

Beyond : Two Souls se subit donc plus qu’il ne se vit. La narration et les partis pris de David Cage prennent le dessus et le joueur se retrouve passif face à sa console. Le manque d’implication émotionnel général est renforcé par la quasi-absence de “game over”. Quoi qu’il arrive, Beyond : Two Souls continuera d’avancer, seul. Il faut attendre les derniers chapitres pour découvrir (enfin !) un semblant de liberté et surtout opérer des choix cruciaux qui influent sur le dénouement. Bien tard…, après 8 heures de frustration. Sur une aventure qui se boucle en 10-12 heures, cela fait beaucoup de remplissage pour peu d’émotion à l’arrivée.

Et si c'était un film ?

Autant aller au bout des choses, oublions qu'il s'agit d'un jeu, disons-nous que nous sommes face à un très long film... Même avec ce postulat, Beyond est mauvais. La forme est effectivement magnifique, la réalisation efficace, mais le fond, lui, est digne d'un téléfilm de luxe, parsemé de moments qui auraient toute leur place dans un mauvais nanar. Décidément, à vouloir ménager la chèvre et le chou Beyond ne fait rien de bien.

Verdict

Œuvre bâtarde, incapable de choisir sa voie, Beyond : Two Souls est un échec vidéo ludique. Alors que Heavy Rain parvenait à faire illusion faute de véritable concurrence, le nouveau jeu de David Cage n’arrive jamais à égaler les meilleures expériences du genre. À vouloir se faire plus gros que le bœuf, Beyond : Two Souls explose dans la médiocrité absolue, et ce n’est pas le dernier tiers du jeu (plus intéressant que le reste) qui parviendra à sauver cet ensemble du naufrage.

Si vous cherchez une expérience vraiment émouvante qui prend aux tripes pour ne jamais vous lâcher pendant de longues semaines, mieux vaut vous diriger vers Last of Us, The Walking Dead de Telltale ou encore Journey. Autant de jeux qui étonnent par leur humilité, la recherche de l’équilibre entre narration et gameplay sans forcément prendre des allures de film interactif raté.

À côté, Beyond : Two Souls ressemble surtout à de l’onanisme intellectuel de la part d’un auteur qui se ment à lui-même. David Cage n’aime pas le jeu vidéo mais bien le cinéma et l'auteur sacrifie toute la moelle de l’interactivité sur l’autel de son histoire. Au final, Beyond pèche à quasiment tous les niveaux et s'impose comme une très belle coquille cruellement vide.

Beyond : Two Souls sur PlayStation 3, 69 euros.

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