Michel Delpuech
©Tim Douet

Michel Delpuech met en garde "ceux qui flattent le repli identitaire"

Suite à des propos tenus sur la chaîne TLM*, le comité de lutte contre l'islamophobie (CCIF) a annoncé porter plainte contre Michel Delpuech, récemment nommé préfet de Paris et d’Île de France après avoir été pendant deux ans à la tête de la préfecture du Rhône et d'Auvergne-Rhône-Alpes. Entretien.

Lyon Capitale : Après les attentats, vous avez réuni des imams et les responsables du conseil régional du culte musulman (CRCM) pour les associer à la lutte contre l'islam radical dans la région et dans le département. Récemment, le comité de lutte contre l'islamophobie, le CCIF, indique porter plainte contre vous suite à vos propos tenus sur la chaîne TLM*. Que souhaitiez-vous dénoncer ?

Michel Delpuech : De mon point de vue, la cohésion républicaine est mise à mal par des replis identitaires et communautaristes. Ne pas prendre garde à cela, c'est laisser ensuite place à la suspicion et à l'amalgame. Nous sommes dans un temps où ce risque est présent. Je mets en garde ceux qui tiennent des discours qui, en fait, flattent le repli identitaire, le repli communautariste, voir même en arrive à vouloir faire partager à un grand nombre l'idée que la France ne les aime pas. Développer ce type de discours, c'est aussi favoriser ensuite des prises en main par des gens peu recommandables et une doctrine dont on sait où elle peut conduire. Le CCIF est connu au niveau national, ils ont porté plainte contre la ministre du Droit des femmes sur des propos tenus en ce qui concerne le port du voile. Aujourd'hui, le CCIF écrit que j'ai "déjà montré mon hostilité aux musulmans" puisque j'ai ordonné 450 perquisitions administratives après les attentats. Tout cela est de la blague et il suffit d'interroger le recteur de la grande mosquée de Lyon où les responsables du CRCM pour leur demander ce qu'ils en pensent.

Le CCIF évoque aussi la fermeture administrative de la mosquée de l'Arbresle et parle "d'atteinte à la laïcité", qu'est ce que cela vous évoque ?

La mosquée de l'Arbresle est une de mes décisions extrêmement fortes. Je l'ai fermé dans le cadre de l’État d'urgence, avec des arguments de droit tels que la juridiction administrative a validé mon arrêté de fermeture. J'ai travaillé avec le CRCM et le maire de l'Arbresle, et la communauté musulmane locale a mis en place une nouvelle équipe. J'ai abrogé moi-même mon arrêté préfectoral et je suis moi-même allé rouvrir la mosquée. Je rappelle aussi que j'ai subi des menaces, notamment après les propos que j'avais tenus à la Grande Mosquée de Lyon après l'attentat de Nice, où l'on m'accusait, pour faire simple, de "ne pas aimer la France" et d'être un "vendu aux musulmans". Mes collaborateurs ont porté plainte. Que ce soit d'un côté ou de l'autre, les discours communautaristes atteignent notre cohésion sociale républicaine et je dis qu'il faut faire attention à cela. Je combats l'extrême droite identitaire de la même manière que l'islam radical.

Vendredi dernier, vous avez axé votre discours de départ autour des mots regret, satisfaction et gratitude. Après deux ans d'exercice à la préfecture du Rhône et d'Auvergne-Rhône-Alpe, que retenez-vous ?

Ces trois mots sont le fond de ce que je pense. Le regret, c'est celui d'un temps trop court, je le pense profondément. Cet écosystème lyonnais très performant, cette dynamique autour de la Métropole et cette chance d'avoir de grands décideurs économiques à portée de main font partie des satisfactions, car ce ne sont pas des situations que l'on trouve partout. Évidemment j'ai aussi la satisfaction d'avoir été, pour ce qui est de l’État, celui qui aura uni Auvergne et Rhône-Alpes. L'auvergnat de cœur et d'origine que je suis avait un petit pincement particulier au regard de cela. Des dossiers d'un intérêt majeur m'ont occupé du début à la fin : la réforme de l'État, l’État d'urgence et la gestion de toutes les situations de voie publique, l'Euro 2016 et la fête des Lumières. Je crois que l'on a toujours été au rendez-vous. Je retiens aussi les dossiers plus ponctuels, mais parfois stratégiques, comme celui du déclassement de l'A6/A7. Je pense avoir beaucoup pesé dans cette décision, qui est, je le crois, d'une grande importance pour Lyon. Il y a eu aussi la circulation alternée et la circulation différenciée, qui était une grande première à Lyon. Sur le musée des Tissus, je suis heureux d'avoir pu mettre tout le monde autour de la table et d'avoir pu éviter le pire, car il aurait été facile de reculer face aux acteurs qui ne voulaient pas discuter. Ce n'était pas ma position et j'ai tenu bon pour que tout le monde vienne autour de la table. Le maire et président de la Métropole de Lyon y étant désormais, je suis convaincu qu'une solution de qualité se dégagera.

Vous avez été nommé préfet d’Île-de-France et comme à Lyon vous allez travailler avec une maire PS, Anne Hidalgo et une présidente de Région LR, Valérie Pécresse. En tant que préfet, comment travailler en bonne intelligence avec des personnalités de différentes sensibilités politiques, comme cela a pu être le cas avec Gérard Collomb et Laurent Wauquiez ?

Notre ADN, c'est l'intérêt général et l'esprit républicain. Dès lors que l'intérêt général et l'esprit républicain sont au rendez-vous, les étiquettes politiques sont totalement secondaires. Le préfet représente l’État, la continuité républicaine et il n'y a aucune difficulté à travailler avec les uns ou les autres dès lors qu'on est au rendez-vous de l'intérêt général et de l'esprit républicain.

* "Je crois qu'il est du devoir de tous les responsables publics de veiller au maintien de ce tissu républicain menacé par l'islam radical, qui tend à développer la logique communautariste avec un discours : "La France ne vous aime pas". Attention à ce que dit le collectif contre l'islamophobie de ce point de vue. Il alimente les rangs de Daech quand il fait cela." Propos tenus le 24 février 2017 dans l'émission "Face-à-face" de TLM.

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