Antoine Durand, vice-président du CARPA, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Un an après son premier coup de gueule sur l’accessibilité des transports lyonnais, Antoine Durand, vice-président du collectif des associations du Rhône pour l’accessibilité (CARPA), dresse un bilan en demi-teinte. "Si on regarde les chiffres au niveau des ascenseurs et des escalators, je crois que ça va un petit peu mieux, même si ce n’est pas encore tout à fait ça", explique-t-il. Pour lui, le problème est avant tout structurel : "Les équipements sont vétustes. Même s’ils sont réparés, ils tombent en panne très rapidement. Il faut envisager un remplacement, au moins dans les principales stations."
Accessibilité contre extension du réseau
Antoine Durand regrette une répartition budgétaire trop tournée vers l’extension du réseau, au détriment de l’accessibilité. "Est-ce qu’on doit prioriser l’extension du réseau, ou alors un réseau qui soit accessible à tous ?", s’interroge-t-il. Ce Lyonnais va se rendre à Bucarest pour sensibiliser au handicap, il a observé des bonnes pratiques, notamment à Barcelone, où l’usage des ascenseurs est réservé et respecté par les personnes à mobilité réduite : "C’est une question d’éducation et de sensibilisation. Là-bas, les équipements fonctionnent et personne ne les utilise sans nécessité."
Plus de détails dans la vidéo :
La retranscription complète de l'émission avec Antoine Durand :
Bonjour à tous, bienvenue dans votre émission "6 minutes chrono", le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler d'accessibilité dans les transports et, pour en parler, nous recevons Antoine Durand, vice-président du collectif des associations du Rhône pour l'accessibilité, le CARPA. Antoine Durand, bonjour. On vous avait invité il y a un an parce que vous poussiez un petit coup de gueule : vous vouliez signaler, pointer les problèmes d'accessibilité dans les transports, notamment les ascenseurs dans le métro. Vous vouliez souligner les problèmes qui se répétaient à cette époque. Un an plus tard, vous avez rencontré les élus, vous avez monté ce collectif, vous avez œuvré pour faire connaître ces problèmes. Est-ce que ça va mieux ? Est-ce que la situation a changé ?
Si on regarde les chiffres au niveau des ascenseurs et des escalators, je crois que ça va un petit peu mieux, même si ce n’est pas encore tout à fait ça. C’est encore compliqué de se déplacer. Après, j’ai l’impression qu’il y a quand même eu une prise ne compte des élus, que ce soit ceux de la Métropole ou du Sytral notamment. Une commission d’activité a été créée au sein du Sytral, ce qui est plutôt encourageant, parce qu’il y a une volonté de prendre en compte les besoins des personnes à mobilité réduite. Après, j’ai compris un peu mieux quel était le problème : c’est un problème très complexe. Les ascenseurs sont gérés avec une double sous-traitance, notamment avec la RATP qui a un prestataire unique. En fait, les équipements sont très sollicités et, même s’ils sont réparés rapidement, ils tombent souvent de nouveau en panne. C’est un problème complexe, mais je pense vraiment qu’on peut faire mieux.
Alors vous venez de le dire, le problème est plus structurel, ce n’est pas seulement une question de maintenance. Pour vous, il faudrait parfois changer les ascenseurs ? C’est ce qu’on disait avant l’émission ?
Effectivement, les équipements sont assez vétustes, notamment sur le ligne D. Les ascenseurs sont sollicités, ce qui fait qu’ils tombent souvent en panne, même une heure après réparation. Je pense vraiment qu’il faut envisager le remplacement des équipements, au moins dans les principales stations. Même s’ils sont réparés, ça coûte non seulement beaucoup d’argent mais ce n’est pas toujours efficace. Donc, effectivement, je pense que c’est une question de priorité : mettre des ascenseurs fiables pour assurer un service minimum dans les stations principales.
Et pour vous, même si des investissements ont été faits, ce n’est pas suffisant ? Il faudrait flécher l’argent différemment ? Parce qu’en même temps, il y a plusieurs nouvelles lignes de tramway, il y a le Sytral et, derrière, la Métropole de Lyon et les collectivités qui mettent du budget. Le budget des TCL a augmenté sous ce mandat, même si maintenant il y a plusieurs entreprises derrière depuis l’allotissement. Pour vous, il y a un problème de répartition des finances ?
Il y a un plan de développement qui est assez important au niveau du Sytral, mais il est consacré essentiellement au développement de nouvelles lignes, notamment la ligne de l’Ouest lyonnais qui prend une bonne partie du budget. Moi je me demande : est-ce qu’on doit prioriser l’extension du réseau, ou alors un réseau qui soit accessible à tous ? Forcément, les moyens sont limités, mais je pense que le Sytral aurait intérêt à avoir un réseau vraiment qualitatif et raisonnablement accessible, avant de chercher à l’étendre à tout prix.
Pour vous, il y a une dégradation ? Vous l’avez dit, vous avez connu une époque où le matériel fonctionnait mieux ?
Je me souviens d’une époque, il y a une dizaine d’années, où c’était très rare de tomber sur un ascenseur en panne. Évidemment, ça arrivait, mais globalement c’était plus facile de se déplacer. Aujourd’hui, quand je prends le métro – d’ailleurs j’ai presque arrêté de le prendre – je tombe sur une panne au moins une fois sur deux. Ce n’est pas normal et ça rend les déplacements très difficiles.
J’ai une dernière question. Cet été, vous avez voyagé à travers l’Europe, vous avez communiqué aussi sur vos voyages. Vous êtes allé à Bucarest notamment, et vous avez montré qu’il était possible de voyager avec un handicap. Mais vous avez aussi pu comparer différents systèmes de transport en commun, à Bucarest mais aussi à Lisbonne. Est-ce que vous pouvez nous dire un mot sur ce que vous avez vu ?
Effectivement, j’ai fait plusieurs voyages. J’ai comparé l’accessibilité de plusieurs villes. Certaines étaient moins bien que Lyon, mais d’autres faisaient mieux. Notamment Barcelone : j’y ai passé quelques jours au mois d’août et j’ai trouvé que l’accessibilité des transports y était vraiment au-dessus de Lyon. J’ai pu voir plusieurs bonnes pratiques qui ne sont pas mises en œuvre à Lyon et que j’aimerais pouvoir proposer ici.
Vous pouvez nous en donner une ou deux, des pratiques qui vous semblent vraiment fonctionner mieux ?
À Barcelone, par exemple, il est interdit d’utiliser l’ascenseur lorsqu’on n’est pas une personne à mobilité réduite. C’est quelque chose de très respecté, et ça ne coûte pas grand-chose à mettre en place. C’est aussi une question d’éducation des usagers. Je n’ai vu personne utiliser l’ascenseur sans en avoir besoin. Et heureusement, les équipements fonctionnent tous. Je pense qu’il y a un vrai travail de sensibilisation à faire ici, pour que l’ascenseur soit utilisé uniquement par ceux qui en ont réellement besoin.
Et à l’inverse, vous avez vu aussi des villes où c’était plus compliqué ? Où vous vous êtes dit : finalement, on n’est pas si mal à Lyon ?
À Bucarest, on m’a dit que le pays n’a pas le même niveau de développement que la France. Mais malgré tout, j’ai vu un métro accessible. J’ai aussi constaté le même problème de pannes d’ascenseurs à Bucarest, donc ce n’est pas seulement un problème français : visiblement, c’est un problème européen. Tout ça pour dire qu’il existe des modèles qui fonctionnent mieux que nous. Il n’y a pas besoin de réinventer la roue, il suffit de s’inspirer des bonnes pratiques qui marchent ailleurs et de mettre les moyens nécessaires pour rendre une ville vraiment accessible à tous.
Très bien, ce sera le mot de la fin. Nous arrivons déjà au bout des six minutes chrono, c’est toujours trop court. Merci Antoine Durand d’être venu sur notre plateau. Je tiens à signaler que vous organisez une table ronde sur le thème de l’accessibilité dans les transports, le 23 octobre à Villeurbanne, au 234 cours Émile-Zola, organisée par votre collectif. C’est ouvert à tous : il y aura le Sytral, des élus, ce sera un grand événement. Merci d’être venu sur notre plateau. Quant à vous, merci d’avoir suivi cette émission. Plus de détails sur les transports en commun sur le site lyoncapitale.fr. À très bientôt.