Daniel Ibanez est l'un des coordinateurs des opposants au projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Photo by OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Lyon-Turin : "Le préfet avait surtout peur de la manifestation de la vérité" (vidéo)

Daniel Ibanez est l'un des coordinateurs des opposants au projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. Il était sur le plateau de l'émission "6 Minutes Chrono" de Lyon Capitale pour présenter ses arguments et réagir après un week-end de manifestations dans la vallée de la Maurienne.

Environ 3000 personnes se sont rassemblées dans la vallée de la Maurienne, le week-end du 17-18 juin, pour manifester leur opposition au projet de nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin. Une manifestation qui était interdite par la préfecture de Savoie.

Sortir les marchandises de la route vers le train

Daniel Ibanez débute en répondant sur l'importance de ce week-end à l'échelle de l'histoire de l'opposition de ce projet déjà vieux de 30 ans : "Ce week-end de manifestation va faire date, mais pas tellement parce qu'il est un virage dans les oppositions, mais qu'il est un virage dans la perception médiatique de cette nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Il se trouve que, lors de cette manifestation, toutes les télévisions, toutes les radios, et tous les journaux étaient présents et ont compris que finalement cette opposition est basée finalement sur des choses très simples.

Lire aussi : Grégory Doucet réaffirme son opposition à la liaison ferroviaire Lyon-Turin

À savoir que, depuis 20 ans, on nous explique qu'il faut sortir les marchandises qui circulent sur la route, et les mettre sur les trains. On a applaudi des deux mains. Ça a commencé en 2002, où l'on nous a dit qu'il fallait mettre un milliard d'euros pour améliorer, sécuriser, moderniser et augmenter la capacité de la ligne existante. On a applaudi également puisque c'était vraiment ce qu'il fallait faire pour sortir les marchandises de la route."

Pas de besoins justifiants un tel chantier

L'opposant historique du Lyon-Turin poursuit en pointant qu'un nouveau tunnel, selon lui, ne répond à aucun besoin : "Au bout de 20 ans, on s'aperçoit qu'il n'y a pas un camion en moins sur la route. Mais ce que l'on constate, c'est que là où ils ont ouvert un deuxième tunnel routier, au tunnel du Fréjus, en fait maintenant sur la voie existante ou on a mis un milliard d'euros, il y a 5 fois moins de trains de fret. C'est-à-dire qu'il en passait 100 par jour entre la France et l'Italie, et après avoir mis un milliard il n'en passe plus que 20. Finalement ce message a été entendu par la presse, parce que tout le monde est venu pour voir ce qu'il allait se passer avec les Soulèvements de la Terre."

Des manifestants de la France entière

Daniel Ibanez répond ensuite à des attaques d'élus défenseurs du projet de liaison : "Ce qui est intéressant c'est que j'ai entendu des élus, qui devraient s'interroger un petit peu sur leur conception de la République, dire que les manifestants n'étaient même pas habitants de la vallée de la Maurienne. Il faudrait savoir. Soit c'est un projet européen, un projet national, ou pas ? Il y avait des gens de toute la France, mais il y en aurait eu beaucoup plus si le préfet n'avait pas pris un arrêté d'interdiction."

Lire aussi : Et si… l’Italie se retirait du projet Lyon-Turin ?

Une manifestation à côté du périmètre interdit

"En fait la manifestation n'était pas interdite. Le préfet a soutenu, au tribunal administratif où j'étais, que son arrêté d'interdiction de manifester dans 9 communes n'était pas une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester et de s'exprimer puisque ça ne concernait que 9 communes. Nous étions dans une commune, La Chapelle-en-Maurienne, qui n'était pas visée par les zones d'interdiction.

Lire aussi : Lyon-Turin : le spectre d’un tunnel sans trains

En fait, le préfet a méconnu la parole qu'il a donnée devant la justice républicaine, puisqu'il a dit qu'il y a seulement 9 communes où l'on peut pas manifester et que ce n'est pas disproportionné puisque le reste du territoire de la Savoie n'est pas concerné. Nous avons manifesté un kilomètre plus loin. On a les gendarmes et les policiers qui interdisent de circuler et de manifester. Je suis désolé, ce qu'il s'est passé, ce n'était pas une manifestation interdite. C'est le préfet qui, loin d'avoir peur des débordements, avait surtout peur de la manifestation de la vérité. À savoir, les désastres environnementaux."

Des actions justifiées par la charte de l'environnement

"Sur la désobéissance civile, en fait nous sommes obéissants. Que se passe-t-il ? Nous avons une charte de l'environnement qui dit qu'il y a une indissociabilité entre l'existence humaine et son environnement. Elle dit aussi que tout à chacun a le devoir de prendre part à la préservation de l'environnement. Lorsque nous disons : non, il ne faut pas construire une nouvelle ligne, parce que la première ligne sur laquelle on a mis un milliard d'euros, fait circuler 20 trains là où elle en faisait circuler 100 par jour à temps; nous sommes dans notre devoir de préserver."

Lire aussi : 42 maires de la métropole de Lyon en faveur du Lyon-Turin

Rappel du projet :

Rappelons ce projet vieux de trente ans : les enjeux sont européens et pourraient révolutionner la manière de transporter des marchandises à travers les Alpes, sur les 270 kilomètres qui séparent Lyon de Turin. L’objectif est de porter le trafic à 40 millions de tonnes de marchandises échangées en mettant des camions sur des trains afin de capter les flux européens, au cœur d’un immense axe ferroviaire reliant Lisbonne à Kiev.

Lire aussi : "Le Lyon-Turin va dans le sens de l'Histoire" (vidéo)

L’idée étant de décarboner la vallée de la Maurienne, polluée par le trafic routier. Le projet se découpe en trois parties : les accès français (150 km), les accès italiens (60 km) et le tunnel de base (57 km), qui deviendra le plus grand tunnel ferroviaire au monde.

Plus de détails dans la vidéo sur les conséquences du projet sur l'environnement, et les problèmes de sécurité qu'il implique.


La retranscription textuelle et intégrale de l'entretien avec Daniel Ibanez

Lyon Capitale : Bonjour à tous, Bienvenue dans votre émission six minutes chrono Le rendez vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler du Lyon-Turin. Ce projet de liaison ferroviaire de 271 kilomètres, composé des voies d'accès françaises, du tunnel transfrontalier et des voies d'accès italiennes. Ce week end du 17 18 juin, environ 3000 personnes étaient rassemblés pour manifester leur opposition à ce projet vieux de 30 ans déjà. Une manifestation pourtant interdite par la préfecture. Une manifestation dans la vallée de la Maurienne. Pour répondre à nos questions, nous avons le plaisir de recevoir en visioconférence Daniel Ibanez, coordinateur des opposants à ce projet Lyon-Turin. Bonjour Daniel Ibanez. 

Daniel Ibanez : Bonjour. 

Lyon Capitale : Merci d'être avec nous aujourd'hui. On va rentrer dans le vif du sujet. Ce week end qui vient de se terminer. Était il un virage dans les oppositions à ce projet ? Est ce qu'il va faire date ? 

Daniel Ibanez : Il va faire date, mais pas tellement parce qu'il est un virage dans les oppositions mais parce qu'il est un virage dans la perception médiatique de cette nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, puisque il se trouve que, lors de cette manifestation, toutes les télévisions, toutes les radios et tous les journaux papiers étaient présents et ont compris que finalement, cette opposition était une opposition qui était basée finalement sur des choses très simples, à savoir que depuis 20 ans, on nous explique que il faut sortir les marchandises qui circulent sur la route et les mettre sur les trains. Et on a applaudi des deux mains. Ça a commencé en 2002 . Ensuite, on a dit on va mettre 1 milliard d'euros pour améliorer, sécuriser, moderniser et augmenter la capacité de la ligne existante. On applaudit également parce que c'était vraiment ce qu'il fallait faire pour sortir les marchandises de la route. Et au bout de 20 ans. Et là on s'aperçoit qu'il n'y a pas de camion en moins sur la route. Mais ce que l'on constate, c'est que là où ils ont ouvert un deuxième tunnel routier au tunnel du Fréjus, en fait maintenant sur la voie existante des 1 milliard d'euros, il y a cinq fois moins de trains de fret, c'est à dire qu'il en passait 100 par jour entre la France et l'Italie après avoir mis 1 milliard, il n'y en a que 20 aujourd'hui. Et donc finalement, ce message là a été entendu par la presse, parce que tout le monde est venu, parce qu'il fallait passer avec les soulèvements de la terre. Et là il y a un vrai virage, là, il y a un vrai virage. 

Lyon Capitale : Une première, qu'il y a autant de monde dans la vallée de la Maurienne pour manifester contre ce projet. 

Daniel Ibanez : Ben si vous voulez. Ce qui est intéressant, c'est que j'ai entendu des élus qui devraient s'interroger un peu sur leur conception de la République dire que c'était des gens qui n'étaient même pas de la Vallée de la Maurienne. Alors faudrait savoir. Soit c'est un projet européen, un projet national et pas un projet marionnette. Et je rappelle quand même que la loi de la République, c'est quand même libre la libre circulation sur l'ensemble du territoire et la liberté d'expression. Il y avait des gens de toute la France, mais justement c'est effectivement beaucoup moins que ce qu'il y aurait eu si le préfet n'avait pas pris un arrêté d'interdiction. Mais on va y revenir puisque vous allez me poser la question . 

Lyon Capitale : Là, justement, la manifestation était interdite. Est ce que maintenant ? Pour vous, il faut aller vers de la désobéissance civile. Il fallait sortir de ce cadre. Il faut aller contre les interdictions légales pour manifester son opposition à ce projet. 

Daniel Ibanez : En fait, la manifestation n'était pas interdite. Le préfet a soutenu au tribunal administratif où j'étais que l'arrêté d'interdiction de manifester dans neuf communes n'était pas une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester et de s'exprimer, puisque ça ne concernait que neuf communes. Nous étions dans une commune, la Chapelle en Maurienne, qui n'était pas visée par les zones d'interdiction et donc qu'en fait le préfet a méconnu la parole qu'il a donnée devant la justice républicaine puisqu'il a dit non. Mais il n'y a que dans les neuf communes où on ne peut pas manifester, et ce n'est pas disproportionné puisque le reste du territoire de la Savoie n'est pas concerné par ces arrêtés. Nous avons manifesté un kilomètres plus loin, on est allé, on a les gendarmes et les policiers qui interdisent de circuler et de manifester. Je suis désolé. Ce qui s'est passé, ce n'était pas une manifestation interdite. C'est le préfet qui, loin d'avoir peur des débordements, avait surtout peur, comme je l'ai montré tout à l'heure, de la manifestation de la vérité, à savoir les désastres environnementaux. Vous me parlez de désobéissance civile et je vous attends sur ce sujet. En fait, nous sommes obéissants. Puisque que se passe t'il ? C'est que nous avons notamment une charte de l'environnement qui dit qu'il y a une indissociabilité entre l'existence humaine et son environnement et qui dit qu'on a le devoir de prendre part à la préservation de l'environnement. Lorsque nous disons non, il ne faut pas construire une nouvelle ligne parce que la première ligne sur laquelle on a mis 1 milliard d'euros fait circuler 20 train là où il y en avait 200 par jour. 

Lyon Capitale : Sur le fond. Que répondez vous aussi ? Parce qu'il y a aussi une critique qui revient, qui est que la lutte contre le Lyon-Turin, des groupuscules aussi qui sont aussi là pour chercher peut être des tensions avec l'Etat et qui finalement n'ont pas beaucoup d'intérêt sur cette nouvelle ligne ou sa construction. 

Daniel Ibanez : Ecoutez, je vous dirais que, en fait, ce que j'ai constaté sur place, premièrement, c'est que il y a eu une interdiction de manifester là où le préfet avait dit qu'il n'y en aurait pas devant la justice républicaine. Et donc la première question, c'est quand même de la poser au préfet. La deuxième, c'est que dès le vendredi soir, les véhicules des manifestants qui avaient, qui campaient tranquillement ont été détériorés avec des voitures retournées. Donc je veux bien qu'on parle de ce genre de choses, mais si vous voulez, il y a un problème en France, on est bien d'accord, , mais ce que je veux vous dire, c'est que ce dossier n'a jamais été abordé, que l'on nous donne des explications. J'ai été interviewé sur une chaîne de télé en direct et j'ai le maire de Bessan qui me dit : "Oui, mais il y a la montagne alors c'est compliqué de faire monter les trains". Je lui dit : "Ecoutez, monsieur, on a mis 1 milliard d'euros, on faisait passer 100 trains avant 20 aujourd'hui. Mais vous savez, la montagne existait déjà avant. Donc après il me dit il y a un problème de sécurité. Et j'ai dit bonne nouvelle, vous venez de vous apercevoir que l'argument de la montagne est une ânerie puisque ça circulé avant les travaux. Mais si il y a quelqu'un qui est responsable de mettre 1 milliard d'euros sur la voie existante et qui s'aperçoit. Quinze jours après qu'il y a plus de sécurité." Si vous voulez, ça pose un problème. Donc nous sommes pour le report ferroviaire et l'utilisation du ferroviaire pour les marchandises. Nous le souhaitons, nous le réclamons, mais tout de suite et maintenant, et non pas en allant dévaster des centaines d'hectares, 1500 hectares de terres agricoles, des réserves en eau alors qu'on a le moyen de faire du faire du transport de marchandises aujourd'hui. 

Lyon Capitale : Merci Daniel Ibanez. Le message a été clair. Je pense qu'il est aussi passé. Merci d'avoir pris ce temps pour Lyon capitale pour répondre à nos questions, c'est déjà la fin des six minutes chrono grâce à vous. 

Daniel Ibanez : Merci. 

Lyon Capitale : Je vous remercie d'avoir suivi cette émission. Vous pouvez retrouver plus de détails sur Lyon Capitale Point fr. À très bientôt.

Les commentaires sont fermés

Suivez-nous
tiktok
d'heure en heure
d'heure en heure
Faire défiler vers le haut