Grève des magistrats
Illustration grève magistrats. © Tim Douet

Justice : après les annonces du ministre, les magistrats dénoncent "une casse de la fonction publique"

Deux jours après l'annonce du recrutement de quatre nouveaux juristes assistants dans le Rhône, le syndicat national de la magistrature se dit "très inquiet" quant à la précarisation des métiers de la justice.

En déplacement à Reims ce lundi 27 février, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a annoncé le recrutement en 2023 de 300 juristes assistants dans toute la France, dont quatre seront fléchés vers le Rhône. Des contractuels embauchés depuis 2021, toujours en poste, pourraient voir leurs postes pérennisés.

Le garde des sceaux a également annoncé la création d'un nouveau statut d'attaché de justice, afin "d'étoffer les équipes autour des magistrats". En novembre dernier, ils s'étaient rassemblés au tribunal judiciaire de Lyon "usés de participer à un système qui nous malmène et qui malmène ses justiciables". Leur syndicat, dirigé en Auvergne-Rhône-Alpes par Véronique Drahi, dénonce "une casse de la fonction publique".

Lyon Capitale : Vous dénonciez l'embauche de contractuels en lieu et place de postes pérennes, le ministre veut aujourd'hui pérenniser ces postes, quel est votre regard sur cette annonce ?

Véronique Drahi : Nous sommes très inquiets par rapport aux statuts. Les annonces sont floues, notamment quant à la création d'une nouvelle fonction d'attaché de justice, qui mêlerait greffier et juriste assistant. Il y a une précarisation des statuts.

"Au lieu de créer des postes pérennes avec des gens formés, on prend des contractuels moins formés. Il y a une casse de la fonction publique."

Véronique Drahi, déléguée régionale du syndicat national de la magistrature

LC : Ce poste de juriste assistant dévalorise-t-il les autres métiers de la justice ?

VD : C'est le sentiment que nous avons. Ce sont des personnes très qualifiées avec un Master 2 mais on doit tout de même passer beaucoup de temps à les former et à les recruter. Les magistrats deviennent des managers, je préfèrerais qu'ils fassent du droit. On se retrouve avec des personnes compétentes mais que l'on a du mal a employer sur les tâches pour lesquelles on a besoin de renfort. Dès lors qu'on leur donne des contrats avec un nombre de jugements à préparer, que la cadence accélère, c'est compliqué.

Le statut de Juriste assistant, l'"incongruité originelle"
Pour pouvoir postuler à un poste de juriste assistant, le candidat doit justifier, soit d'un doctorat en droit, soit d'un bac +5 avec une année d'expérience professionnelle dans le domaine juridique.
Le décret fixant le statut précise qu'ils "contribuent par leur expertise à l'analyse de dossiers techniques ou comportant des éléments de complexité".
Pour Véronique Drahi, dans les faits, c'est exactement "l'inverse de ce que l'institution judiciaire peut à la rigueur déléguer".

LC : Concrètement au quotidien, quelles tâches pouvez-vous ou non déléguer ?

VD : Dans un premier temps, toutes les juridictions ont fait à leur manière. Il y a eu une inspection un an plus tard et l'Etat s'est rendu compte qu'il y avait un problème (rires). Aujourd'hui, on peut déléguer des contentieux simples et de masse, plus aisément standardisables, mais de toute façon, n'est-il pas incongru d'imaginer confier à un contractuel novice inexpérimenté les tâches judiciaires les plus complexes ?

LC : Pourquoi le ministère de la Justice ne recrute-t-il pas tout simplement des jeunes sortis de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) ? Il y a une crise de vocation ?

VD : Non je ne crois pas, l'ENM est toujours très demandée et toujours aussi sélective. Simplement cela a un coût important pour l'Etat. On veut faire des économies sur la formation et sur le coût de la justice. Au lieu de créer des postes pérennes avec des gens formés, on prend des contractuels moins formés. Il y a une casse de la fonction publique.

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