Kamel Daoud © Item / Bertrand Gaudillère

Rencontre : Kamel Daoud lance le Littérature Live aux Célestins

Lundi 19 mai, le Littérature Live, festival de littérature organisé par la Villa Gillet accueillait, en ouverture, Kamel Daoud, Prix Goncourt 2025 avec son roman Houris (Gallimard). Une lecture d’extraits d’Houris d’une demi-heure suivie d’une heure d’entretien, d’une rare intensité. Nous y étions.

Lecture vibrante

Magali Bonat, comédienne bien connue des amateurs de théâtre lyonnais a d’abord lu de longs extraits d’Houris. L’assistance nombreuse – le théâtre des Célestins était plein – a été captivée dès les premières phrases. Découvrant ou redécouvrant, Aube, l’héroïne du roman. Le « sourire kabyle » ornant son cou, dû à un coup de rasoir, une tentative d’égorgement des djihadistes, lors de la fameuse « décennie noire », dont il est interdit de parler en Algérie. Une guerre civile de « tous contre tous », entre 1992 et 2002, entre les islamistes et tous les autres. La musicalité, la beauté de la langue, dont Kamel Daoud précisera ensuite dans la discussion combien elles lui sont essentielles, étaient évidentes... De même que l’utilisation des métaphores, qui fut pour lui une découverte. Ainsi d’Oran qui « scintille dans la nuit comme un collier cassé ».

L’œuvre puis l’écrivain

Ensuite, aiguillonné plus qu’interrogé par Cédric Enjalbert (collaborateur de Philosophie Magazine), Kamel Daoud s’est montré impressionné, ému, par les lieux et le public extrêmement attentif. Il s’est vite détendu, faisant preuve d’un humour, d’une ironie subtile qu’on ne lui connaissait pas, du moins pas à ce point. Ainsi a-t-il évoqué l’activité d’écrire comme une « pathologie mentale », tant il vaut mieux « faire une bonne sieste plutôt que de se lancer dans la rédaction d’un roman ». Il a aussi avoué que dans son adolescence algérienne, ne disposant pas de livres avec des images, il se concentrait sur les descriptions de femmes nues qu’il pouvait trouver dans les livres qu’il avait sous la main...
La lecture est depuis toujours, pour lui, une activité vitale, dans le prolongement de son geste d’écrivain. « Un plaisir des dieux qui permet d’habiter une autre subjectivité que la sienne ». Il a cité Umberto Eco : « Celui qui ne lit pas est condamné à n’avoir qu’une seule vie, la sienne. »

La question politique et polémique

Kamel Daoud vient de publier un libelle, Il faut parfois trahir (Gallimard). Il est revenu sur ce texte bref. En affirmant que la trahison que lui reproche le pouvoir algérien, il l’assume et en est même fier. Cette trahison n’est pour lui qu’une façon d’affirmer sa singularité, une fidélité à ses convictions profondes, à sa volonté de ne pas être le « décolonial de service », agitant sans cesse, comme le fait le président algérien Tebboune, une rente mémorielle contre la France, qui nourrit les ressentiments. Il a bien sûr mentionné son ami Boualem Sansal, injustement détenu dans une geôle algérienne. Une salve d’applaudissements a salué cette évocation.
Il s’est peu attardé sur les accusations de plagiat dont il fait l’objet, y voyant la main de l’état algérien (la plainte a été déposée à Oran). Il préfère faire confiance à la justice française qu’à « un gouvernement algérien qui met les écrivains en prison ».
Mais c’est évidemment d’une façon littéraire que s’est conclue son intervention. Il a dit son espoir était que ses livres soient lus un jour en dehors du contexte politique dans lequel ils ont été écrits. La vanité de tout écrivain (« Il en faut » a-t-il avoué) étant de laisser des traces une fois disparu.

Littérature Live, festival international de littérature de Lyon – Du 19 au 25 mai à la Villa Gillet et dans d’autres lieux.
Programme sur : www.villagillet.net

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