Quand Johnny Hallyday électrisait le Palais d'Hiver de Lyon

Pour beaucoup de ses fans lyonnais, l'histoire de Johnny Hallyday, décédé ce mardi 6 décembre, reste liée au stade de Gerland où il s'est produit à plusieurs reprises. Mais Johnny à Lyon, c'était surtout le Palais d'Hiver. La salle mythique était ravagée par ses admirateurs lors de chacun de ses concerts.

Il fut un temps où le plus grand music-hall d'Europe était à Lyon. Le 19 octobre 1920, le Palais d'Hiver voit le jour, dans un bâtiment qui accueillait depuis 1908 une piscine puis une patinoire. Les frères Lamour, des restaurateurs, veulent en faire une salle de bal. Tango, valse, jazz, la piste construite au-dessus de l’ancienne piscine ne bronche pas, jusqu’à l’arrivée du charleston. En 1925, sous les pas endiablés des danseurs, elle s’affaisse de cinq centimètres. Après guerre, les concerts s'y enchaînent. Dans les années 60, le jeune Johnny Hallyday va en faire l'un de ses temples. Ses venues au Palais d'Hiver, sont aussi attendues que redoutées par les propriétaires. Les fans se pressent devant les portes, mais ont la fâcheuse tendance de détruire la salle lors de ses prestations. La presse se fait alors l’écho des dégâts et affirme qu'il faut jusqu'à quatre jours à chaque fois pour les réparer. Lors des concerts, les CRS veillent, font usages des lacrymogènes dès que la foule s’excite. Les policiers en civil surveillent la salle, les cartes d'identité sont contrôlées, les blousons noirs bannis, mais cela ne suffit jamais à calmer l'hystérie qui prend les Lyonnais.

Le Palais d’Hiver est mort, vive le Palais d’Hiver

Un événement malheureux mettra pourtant fin pendant un temps à la folie du Palais d'Hiver. Dans la nuit du 7 au 8 octobre 1962, le Palais d’Hiver brûle. Il ne reste plus rien, si ce n’est la piscine des débuts qui apparaît en plein jour telle une cicatrice béante sur le boulevard Stalingrad de Villeurbanne. Roger Lamour, fils du créateur du premier Palais d’Hiver, souhaite perpétuer l’héritage familial. Il ne laissera pas la salle disparaître des esprits ; il lance de nouveaux travaux. Son objectif est clair : en faire le plus grand music-hall d’Europe – 3 200 m2, 4 000 places, la climatisation. Elle est inaugurée en 1963. Johnny se plaît à débuter ses tournées par le Palais d'Hiver où le lendemain, la presse liste le nombre de chaises arrachées. En 1965, une autre folie s'empare de la salle avec les Beatles. Ils voulaient arriver en Rolls, mais la foule est si dense qu’ils doivent faire le trajet en camion cellulaire pour leur sécurité. Pas de casse dans la salle, les CRS ont veillé toute la soirée. En mars 1966, c’est au tour des Rolling Stones. Mick Jagger ne quitte pas ses lunettes de soleil de tout le concert, la veille à Marseille il s’est blessé à l’œil. Et voilà que Johnny lui aussi se produit blessé avant son concert au Palais d'Hiver. Le 17 octobre 1968, lors d'une performance en Afrique du Sud, il tombe dans la fosse. Résolu à être là pour ses fans lyonnais, début novembre, il décide de chanter le pied droit dans le plâtre. Face à lui, le public veut récupérer la relique : des pancartes "on veut ton plâtre" fleurissent. Fatigué, Johnny s’effondre sur scène du Palais d'Hiver, ses médecins l'obligent à se reposer.

Une bataille de chaises

Dans les années 70, la salle qui accueille 3000 personnes est définitivement trop petite pour le chanteur, plus de 500 attendront dehors. Johnny est obligé d'interrompre « Que Je t'aime », alors que certains fans se battent à coups de chaises devant lui. Plus tard, encore une ambiance folle dans le Palais d'Hiver où les jeunes filles hystériques envahissent la scène les unes après les autres pour tenter de l'embrasser. La légende du Palais d'Hiver touche à sa fin. En octobre 1974, Roger Lamour, celui qui a relancé le Palais d’Hiver, est retrouvé mort, une balle dans la tête. Il s’est suicidé. Pour l’historien Gérard Corneloup, il était dépressif, “pris à la gorge financièrement, ayant un peu trop puisé dans les caisses*”. Son fils Pierre-Yves prend la suite à sa majorité. Les comptes ne vont pas mieux, les huissiers tapent à la porte. En 1981, Pierre-Yves Lamour meurt dans un accident de voiture. The show must go on, le concert d’Eddy Mitchell prévu ce soir-là est maintenu. Mais le Palais d’Hiver peine à survivre à la disparition des Lamour père et fils ; les finances se creusent encore, jusqu’à l’inéluctable. Le dépôt de bilan arrive. Pierre Peyroche, un amoureux du Palais d’Hiver, serveur (en 1959) devenu responsable du personnel, tente de le sauver, mais l’inertie est trop forte. Le 28 mai 1985, la salle est fermée.

* In Dictionnaire historique de Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2009.

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