La fondation Bullukian accueille Empreintes, une exposition inédite et sensible de la sculptrice Prune Nourry où chaque œuvre est à apprivoiser par le toucher.
Tout part de son corps et de ses mains. Ce corps qui subit en 2016 un cancer du sein. Ces mains dont elle perd peu à peu la sensibilité à cause des effets secondaires de la chimiothérapie.
C’est à ce moment-là que Prune Nourry prend conscience de l’importance vitale, pour elle, du toucher et crée des œuvres qui explorent le corps, la guérison et les rituels.
Cette exposition inédite conçue pour la fondation Bullukian est une traversée haptique où la découverte du sens du toucher nous renvoie dans le même temps à la perception de notre propre corps, mais également à sa représentation dans les mythologies et le monde actuel.
Catharsis, le premier espace, est d’un blanc absolu, clinique. Il réunit des œuvres qui évoquent son parcours, la souffrance, le soin, la guérison, la maternité. Vision d’un corps féminin qui lutte, l’œuvre Self-Défense – un arc et sa flèche – incarne la figure mythologique des amazones, femmes puissantes qui se coupaient une partie du sein pour mieux placer l’arme et résister à l’ennemi.
En face, Femme miracle enceinte évoque la fragmentation du corps causée par les interventions et les médicaments. Ce que l’on touche nous renvoie à notre propre féminité, se transformant en une sculpture charnelle et vivante : ventre, seins, cuisses, bras, mains, pieds, lèvres, yeux, oreilles, nez… Un enfant naîtra, après.
Plus loin, il y a Venus (Louise). Une femme qui assume ses rondeurs, sculptée dans un seul bloc. Une vidéo lui fait écho. Prune Nourry sculpte, en les regardant mais aussi en les écoutant, les corps de femmes violentées physiquement ou mentalement. Tandis qu’elles racontent l’enfance, les traumatismes, l’artiste libère leur corps et leurs émotions en façonnant l’argile de ses mains.
“Vous êtes comme un médecin", dit l’une d’entre elles. “Renaître de ses mains ! Peut-être, on me reconstruit", dit une autre. Plus loin, on découvre deux œuvres saisissantes, fruit d’un long travail qu’elle a réalisé en Inde sur la situation des femmes. Deux sculptures hybrides entre la vache, animal sacralisé, et la fille, fertile mais non désirée dont le corps est déconsidéré.

Portraits de non-voyants, portraits de mains
Phénix, le deuxième espace, est totalement noir. À l’intérieur se trouvent huit sculptures que l’artiste a créées les yeux bandés, uniquement en touchant et écoutant huit personnes non-voyantes et sans jamais les avoir vues, utilisant la technique ancestrale dite du Raku : les sculptures, encore brûlantes, sont plongées dans la cendre. Tel un Phénix qui renaît de ses cendres, chaque portrait illustre la transformation, la résilience et la renaissance. Le visiteur les découvre par le toucher et le son de voix enregistrées. À ce jour, personne, ni l’artiste, n’a vu ces œuvres.
Lignes de vie, le troisième espace, nous invite à ressentir des portraits de mains : celles d’Aïcha, jeune élève de l’institut national des jeunes aveugles Louis-Braille, et d’autres personnes rencontrées. L’empreinte de la main d’Aïcha a été reproduite sur un timbre tiré à 450 000 exemplaires par La Poste en 2023 : “Ma main a voyagé dans le monde entier !”, dit-elle dans une vidéo. Plus loin, on pose nos doigts dans le sillage de lignes de vie inconnues. Certaines mains sont sculptées ou gaufrées, puissantes ou discrètes, reflets de l’âme humaine. Ganges’ Life est particulièrement impressionnante, qui nous relie à la rivière sacrée du Gange.
Empreintes – Prune Nourry – Jusqu’au 27 décembre à la fondation Bullukian – Bullukian.com
