Gaëlle Nohant
Gaëlle Nohant © Crédit photo : J.-F. Paga/Grasset

Culture : notre sélection livres

Gaëlle Nohant, Aurélien Delsaux et Pétronille Rostagnat sont les trois auteurs de notre sélection livres de ce mois.

Enquêtes au cœur de la Shoah

Au centre du dernier roman de la Lyonnaise Gaëlle Nohant, récemment couronné par le prix RTL-Lire, il y a Irène, une femme passionnée par son travail au bureau d’éclaircissement des destins, qui donne son titre au livre, en Allemagne.

Un organisme inspiré par le centre d’archives – bien réel – d’Arolsen, anciennement International Tracing Service, un centre de documentation, d’information et de recherche sur la Shoah et la persécution nazie, basé à Bad Arolsen depuis 1948.

Plus de trente millions de documents y sont détenus et c’est encore un millier de demandes qui sont reçues chaque mois, provenant des quatre coins du monde, notamment de jeunes générations en quête d’informations sur leurs aïeuls dont les effroyables destins ont pu être ignorés.

La mission d’Irène est de mener l’enquête afin de rendre aux ancêtres et rarissimes survivants de la Shoah des objets ayant appartenu à leurs aïeux, autrefois internés, et souvent massacrés, dans les camps de concentration. Évidemment, derrière chaque objet restitué, à condition de trouver des descendants encore de ce monde, il y a d’incroyables péripéties. Qui sont à la fois tragiques et poignantes.

Adroitement construit, le livre effectue des va-et-vient entre différentes époques, depuis l’horreur des camps jusqu’à la – relative – tranquillité de notre monde contemporain, en passant par la Libération, les années 50, 60, 70… S’il passe d’une époque à l’autre au gré des investigations entreprises, le roman franchit également de nombreuses frontières.

Pour se rendre en Grèce, en Israël, en Australie, en Allemagne, en Europe de l’Est, en France… Les enquêtes sont menées comme dans un roman policier, avec un art maîtrisé du suspense.

Elles servent de fil rouge à la découverte de personnages saisissants d’humanité. Tels Lazar et son incroyable parcours de Treblinka à Thessalonique, Wita qui protège les enfants orphelins à Ravensbrück, Eva l’ancienne directrice du bureau et mentor d’Irène, Sabina, Karol…

Tous ces hommes et femmes qui prouvent une fois encore que les meilleurs romans mêlent toujours les histoires intimes à l’Histoire, avec un grand “H”.

Le Bureau d’éclaircissement des destins – Gaëlle Nohant, éditions Grasset, 416 p., 23 €.


Crise de la quarantaine en milieu moyen

La vie d’Étienne, le héros du dernier roman d’Aurélien Delsaux, Requiem pour la classe moyenne, pourrait être considérée comme réussie. En tout cas, ayant franchi le cap de la quarantaine, il a tout pour être heureux. Et il lui arrive d’ailleurs de l’être.

En silence, il fait encore l’amour avec sa femme, Blanche. Ses enfants, une fille et un garçon, ont grandi ; ce sont des adolescents qui semblent équilibrés. Mais voilà, un beau jour caniculaire, tandis qu’il rentre de vacances avec sa “famille parfaite”, il apprend la mort de son chanteur préféré, son idole : Jean-Jacques Goldman. Peut-être un détail pour beaucoup…

Mais pour lui, c’est tout un monde, celui de son adolescence, qui s’écroule. À la sombre lumière de cet événement tragique, sa vie va commencer à se fissurer pour finir par être pulvérisée, façon puzzle. Son boulot dans un laboratoire pharmaceutique lui paraît de plus en plus dénué d’intérêt. Sa femme préfère dormir avec le rottweiler dont elle a fait l’acquisition. Son fils se met à lui tenir des discours bibliques culpabilisateurs.

Et, pour couronner le tout, il découvre que sa fille a une liaison avec un homme qui a le même âge que lui. Il erre dans Lyon dans une torpeur alcoolisée. Il assiste à un concert hommage dédié à son idole défunte sur la place Bellecour.

Bref, tout va de mal en pis. C’est désespérant. Mais aussi très drôle. Et derrière l’humour et l’ironie, Aurélien Delsaux dresse un portrait du mal-être contemporain de la classe moyenne en particulier et de la société en général. Ni plus ni moins.

Requiem pour la classe moyenne– Aurélien Delsaux, éditions Notabilia, 224 p., 20 €.


Les yeux grands ouverts !

Le dernier roman de Pétronille Rostagnat, Quand tu ouvriras les yeux, est tout aussi addictif que les précédents (Je pensais t’épargner, Un jour tu paieras, Ton dernier souffle…).

Si vous vous avisez de lire les premières pages, vous ne pourrez pas faire autrement que de dévorer les suivantes. Pétronille Rostagnat sait construire ses intrigues.

“Intrigues” au pluriel, parce que dans ce dernier thriller, comme dans les précédents, il n’y a pas qu’une seule intrigue mais plusieurs.

Complètement distinctes au départ, elles finissent par se rejoindre petit à petit, jusqu’à l’explosion finale. L’argument de départ est simple, et violent : une jeune fille vient chercher du secours auprès de sa mère après avoir tué un homme qui, selon elle, tentait de la violer.

C’est sa version. Mais comme toujours avec l’autrice lyonnaise, il ne faut pas se fier aux apparences. Elles sont toujours trompeuses. De quiproquos en retournements de situation, nous suivons la mère et la fille en eaux troubles, dont celles, notamment, de la prostitution juvénile.

D’autres personnages viennent très vite s’ajouter : l’avocate justicière déjà croisée dans de précédents polars, un inspecteur désespéré et sa femme inspectrice aussi, moins déprimée et plus tenace ; la bonne amie de la famille pas toujours si bienveillante qu’on pourrait le penser, le père divorcé et un tantinet lâche, jusqu’à ce qu’il se réveille de sa torpeur…

Une vraie galerie de personnages ancrés dans la réalité d’un quotidien qui, soudain, se met à déraper.

Quand tu ouvriras les yeux – Pétronille Rostagnat, éditions Harper Collins Noir, 304 p., 19,90 €.


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