Notre sélection livres

5 livres choisis par la rédaction de Lyon Capitale

Caroline Hussar © DR

Un roman qui a du chien !

C’est son expérience d’avocate spécialisée dans la défense des victimes, en particulier les enfants, qui a inspiré Caroline Hussar lors de l’écriture de son livre, La Maison aux chiens (couronné par le prix Jean Anglade du premier roman).

L’histoire nous plonge dans l’atmosphère d’une de ces maisons d’accueil où atterrissent des enfants affrontant des difficultés familiales aussi bien que des jeunes placés par les services sociaux.

Mais cette demeure peu luxueuse a la particularité de recueillir aussi de nombreux chiens de chasse. Ce qui terrorise la petite fille qui débarque là, délaissée par ses parents qui manquent de temps et surtout d’envie pour l’élever (situation hélas plus fréquente qu’on ne le pense).

Elle va devoir cohabiter avec les molosses mais aussi les autres pensionnaires, pas forcément tous aimables au départ. Plus ou moins aidée par les parents d’adoption qui lui sont échus. Caroline Hussar écrit la chronique des jours heureux et malheureux dans une telle ambiance, qui a au moins le mérite d’être au plus près de la nature.

L’émotion que nous transmet ce premier roman se noue autour des liens d’affection, d’amitié et même d’amour qui finissent par unir les adolescents entre eux et leurs parents de substitution.

C. M.

La Maison aux chiens – Caroline Hussar, éditions Les Presses de la Cité, 224 p., 20 €.


Wilfried N’Sondé © Jean-Luc Bertini

Pour l’amour d’une reine...

À la lecture du dernier roman de Wilfried N’Sondé (écrivain né à Brazzaville et désormais établi à Lyon), La Reine aux yeux de lune, on a la nette impression que l’auteur est tombé amoureux de son personnage principal. Ce qui est parfaitement compréhensible. L’héroïne de son nouvel opus, inspirée d’un personnage réel, a tout pour elle. 

Elle est d’une irrésistible beauté et d’une intelligence unique. Et bien sûr, elle a un sacré caractère. Mais ce n’est pas une reine capricieuse, à la Cléopâtre. C’est davantage une idéaliste, une féministe avant l’heure qui pense pouvoir apporter paix et prospérité dans le royaume du Kongo, sous occupation portugaise quand elle voit le jour, en 1685, dans les eaux de la rivière Mpozo. 

Son destin sera aussi tragique qu’exceptionnel. Sa tentative de délivrer son peuple de toutes les oppressions ne sera pas forcément couronnée de succès. Mais la façon dont elle traverse les épreuves et les conflits, qui ont une fâcheuse tendance à se multiplier dans cette Afrique du XVIIe siècle, force l’admiration. Et l’on finit aussi par tomber amoureux de cette fascinante reine aux yeux de lune !

C. M.

La Reine aux yeux de lune – Wilfried N’Sondé, éditions Robert Laffont, 240 p., 20 €.


Sorj Chalandon © AFP

La rage de La Teigne

Dommage ! Après avoir figuré sur la première liste des romans en lice pour le prix Renaudot 2023, le dernier roman de Sorj Chalandon, L’Enragé, en a été écarté. Il aurait pourtant mérité d’être distingué. Pour écrire ce livre, l’auteur est parti de faits réels.

Le 27 août 1934, cinquante-six enfants s’évadent de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Coincés sur l’île, pourchassés comme des gibiers nuisibles par les matons du centre, les gendarmes, les habitants et même quelques touristes alléchés par la prime de vingt francs offerte par gamin capturé, ils seront tous rattrapés, sauf un…

Ce fuyard, plus malin et surtout plus déterminé que les autres, a pour nom Jules Bonneau. Un patronyme qui le destinait à mal tourner, même si, comme l’adolescent rebelle se plaît à le souligner : “Ça s’écrit pas pareil !” (ajoutez : “que le fameux Jules Bonnot de la bande à Bonnot”).

Mais de toute façon, son surnom c’est La Teigne, et c’est ainsi qu’il veut être appelé. Mêlant faits réels et imaginaires, Sorj Chalandon restitue l’existence de l’évadé. Son enfance tragique, ses années, encore pires, de colon, l’évasion bien sûr… et puis ses tentatives de devenir un jeune homme honnête, marin pêcheur sur cette île bretonne où il rencontre enfin des adultes qui ne le briment pas, sa découverte de l’anarchisme et sa décision de rejoindre le continent, où il sera rattrapé par la guerre, l’engagement dans la Résistance, à sa façon.

Le roman est dur, porté par la rage de son héros. Mais passionnant par sa verve hugolienne, l’amour de la liberté et le refus de l’injustice que Sorj Chalandon parvient à insuffler dans son récit.

 C. M.

L’Enragé – Sorj Chalandon, éditions Grasset, 416 p., 22,50 €.


Dominique Rocheteau

Amour foot

On mesure assez mal aujourd’hui (et peut-être d’autant plus mal depuis Lyon, ennemi héréditaire de l’ASSE) à quel point Dominique Rocheteau fut une idole. Phénomène renforcé par une explosion à un très jeune âge à laquelle s’identifiaient sans mal les adolescents des années 70, par un look et une attitude en phase avec l’époque (cheveux longs, fan de rock).

Pas une chambre d’adolescent de 1976 qui n’abritait le poster de celui qu’on surnommait l’ange vert. On mesure sans doute mal aussi quel joueur il fut (le premier joueur du PSG à 100 buts) en partie parce qu’il est régulièrement passé à côté de ses phases finales en équipe de France (Euro 84, coupes du monde 78, 82 et 86).

Et quel beau joueur (ce déboulé mythique contre l’Irlande du Nord, les cheveux taillés en queue de comète) ! Un type droit dans ses bottes qui plus est, un sportif de gauche, un homme courtois, un spécimen rare, qui fait passer toutes ses belles valeurs dans Foot Sentimental, où il revient thématiquement sur des moments de sa carrière, son amour du jeu (que n’avait-il pas dit un jour, jeune footballeur à Saint-Étienne, en affirmant qu’il pourrait jouer pour rien ?), son désir de ne pas trahir ses rêves d’enfant, ses passions intactes, son refus du star-système.

C’est un livre qui se picore – pour une bio, préférer On m’appelait l’ange vert – mais qui permet aux fans de revivre un peu le personnage Rocheteau, un joueur pas comme les autres.

K. M.

Foot Sentimental – Dominique Rocheteau, éditions Le Cherche-Midi, 198 p., 18,50 €.


Franck Courtès © Francesca Mantovani

Ouvrier du livre

On le sait, les acteurs, musiciens, artistes de spectacle vivant en général ont l’intermittence pour combler les vides temporels et financiers de leur carrière.

Les auteurs, eux, n’ont rien ou alors un deuxième métier à côté et des nuits blanches pour s’étaler sur le papier. Le prestige symbolique est grand, la vie matérielle est bien souvent (hormis un aréopage de privilégiés) misérable. C’est ce que nous raconte À pied d’œuvre de Franck Courtès.

À ceci près qu’en plus, en son temps, Franck Courtès n’était pas n’importe qui. Il était un photographe de rock prestigieux (mais pas que, loin de là) dont les journaux s’arrachaient les portraits ou les reportages et qui l’envoyaient au bout du monde pour prendre trois clichés boudeurs d’un groupe de rock indépendant.

Et puis un jour, Franck Courtès en a eu marre de tout ce cirque grassement rémunéré (jusqu’à 8 000 euros par mois, nous dit-il) et en plus il avait envie d’écrire. Il a alors tout plaqué, s’est mis à écrire plus sérieusement, pour la prestigieuse maison Gallimard (et avec un beau succès d’estime). Tout en dégringolant quatre à quatre le grand escalier à sens unique du déclassement.

Et le voilà, pour joindre péniblement les deux bouts, louant ses services comme jardinier, déménageur, chauffeur, débarrasseur de gravats, laveur de vitres, découvrant ainsi jusqu’à épuisement la condition des damnés d’un marché du travail rongé par l’auto-entreprenariat et le mépris de classe (y compris au sein de sa propre famille).

Le livre est souvent drôle (si l’on trouve drôle le récit d’un type dépeçant un chevreuil, qu’il a écrasé accidentellement en rase campagne, pour remplir son congélateur) mais au final surtout glaçant. Comme la condition du soutier de la littérature que l’auteur résume en une phrase sublime : “Le métier d’écrivain consiste à entretenir un feu qui ne demande qu’à s’éteindre.” La flamme littéraire de Franck Courtès est admirable.

K. M.

À pied d’œuvre – Franck Courtès, éditions Gallimard, 192 p., 18,50 €.

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