Thierry Fontaine, président général de l'Umih du Rhône
Thierry Fontaine, président général de l’Umih du Rhône

"Les cafés et restaurants lyonnais sont aujourd’hui en soins palliatifs" assure Thierry Fontaine

Thierry Fontaine, président général de l'Umih du Rhône (cafés, restaurants, hôtels, discothèques) est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

"On a l’impression d’être en réanimation, et que quelqu’un entre dans la chambre pour nous faire les poches !" Thierry Fontaine, récemment réélu pour un mandat de quatre ans à la tête de l'Umih du Rhône, le principal syndicat du secteur de l'hôtellerie-restauration, ne décolère pas.

Ses têtes de Turc : les élus de la Métropole de Lyon dont la réponse politique n'est que "silence", "indifférence", "déni" et "mépris"

"Le secteur de la CHRD - cafés et restaurants surtout, les hôtels sont moins touchés- perd chaque jour 23 établissements en France. On n'a pas encore de retour au niveau local - on s'y attelle avec le tribunal de commerce et la CCI - mais le Rhône n'est pas épargné, ça ne va pas mieux. On a toujours ce poids que l'on traîne. Ça fait des années que ça dure, et personne n’a jamais pris notre problème en considération."

Lors du conseil métropolitain du 23 juin dernier, où il était notamment question de la hausse de la taxe de séjour sur le territoire, Bruno Bernard, le président écologiste de la Métropole de Lyon, avait assuré que "le territoire (n'avait) jamais été aussi dynamique en terme de tourisme d'affaire, en terme d'évènements culturels (...) Le TOP 14 qui s'est passé ce week-end, c'est bien nous qui avons candidaté et obtenu que les demi-finales se déroulent ici. J'ai eu beaucoup de restaurateurs, commerçants et hôteliers très heureux." Et de conclure : "Les choses vont bien."

"Oui, il y a des établissements qui se créent, notamment en restauration rapide. Mais est-ce qu’on veut des fast-foods, des kebabs en permanence, au détriment de la restauration traditionnelle, du fait maison, des petits producteurs ? Si c’est cette optique que la Métropole veut, soit. Ce n’est pas la nôtre."
Thierry Fontaine

Si le président de l'Umih du Rhône ne remet pas en cause, notamment, la hausse de la taxe de séjour en elle-même (8 centimes en plus pour un hôtel 1 étoile, 17 centimes pour un 3 étoiles), il dénonce le mauvais timing. "Quand Bruno Bernard (président écologiste de la Métropole de Lyon, NdlR) augmente la taxe de séjour, une précision : ce n’est pas ça qui va faire couler les établissements, mais c’est le timing et le message envoyé."

Et d'ajouter : "Dans le même temps, je vous rappelle que c'est le principal financeur de l’office de tourisme, et qu'il baisse ses dotations de 5 % en même temps. Donc quand vous me dites : "J’augmente la taxe de séjour pour augmenter le budget de l’office de tourisme", là je vous dis : d’accord, c’est cohérent. Mais non, il la baisse en même temps. Où va l’argent ? Où va cet argent ? Si c’est pour financer autre chose que du tourisme, je ne suis pas d’accord."

Une réunion en mairie de Lyon est prévue le 8 juillet prochain avec Camille Augey, en charge de l'emploi et de l'économie durable, Valentin Lungenstrass, aux espaces publics et au tourisme responsable et Mohamed Chihi, chargé de la sûreté, de la sécurité et de la tranquilité.


La retranscription intégrale de l'entretien avec Thierry Fontaine

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chronos. Nous accueillons aujourd'hui Thierry Fontaine, bonjour !

Bonjour !

Thierry Fontaine, vous êtes le président général de l'Umih du Rhône. Vous venez d'être réélu pour un mandat de quatre ans. L'Umih du Rhône est le principal syndicat patronal de l'hôtellerie-restauration. Vous êtes un président de syndicat un peu en colère puisque vous parlez d’un secteur "en crise", "à bout de souffle", "en détresse économique". Vous citiez un chiffre, enfin l'Umih citait un chiffre : au niveau national, il y aurait 23 établissements par jour qui disparaissent. Est-ce qu'on a une idée, globalement au niveau local, du nombre d'établissements qui pourraient disparaître par jour ?

Alors on n'a pas encore de retour, donc je ne vais pas vous inventer des chiffres au niveau local. On s'y attelle avec le tribunal de commerce et la CCI. Mais aujourd'hui, au niveau national, ces chiffres sont bien là. Le Rhône n'est pas épargné par rapport au reste de la France, ça ne va pas mieux. On a toujours ce poids que l'on traîne. Ça fait des années que ça dure, et personne n’a jamais pris notre problème en considération.

Oui, c’est ce que vous dites, notamment à l’endroit de Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon, et des élus de la métropole. Vous affirmez qu’ils sont "dans le déni", "dans l’indifférence", "dans le silence", voire "dans le mépris".

Oui, bien sûr, parce qu’ils continuent à avancer. Ils savent parfaitement que le secteur ne va pas bien, et on nous cite des épiphénomènes comme la Fête de la musique ou le Top 14. Évidemment que ce jour-là les établissements ont bien tourné. Mais est-ce que ça suffit à faire l’année ? Non, pas du tout. Il suffit de quelques notions économiques pour savoir qu’une entreprise ne vit pas grâce à trois jours de fête. C’est comme si vous disiez : "Les magasins, les boutiques en centre-ville tournent bien, j’ai vu que la semaine avant Noël elles étaient pleines." Oui, en effet.

Faites un lien entre cette détresse économique et la nouvelle ZTL, la piétonnisation de Lyon, ou les nombreux travaux. Y a-t-il un lien à faire ?

Non. Aujourd’hui, la ZTL date du 21 juin, donc je me garderais bien de faire un retour là-dessus. Je pense qu’il faut analyser un problème dans son ensemble. Beaucoup de centres-villes souffrent, pas seulement celui de Lyon. Certains ne sont pas piétonnisés, certaines villes ne sont pas écologistes. Le problème du commerce va au-delà. On fera le point, je ferai le bilan avec mes commerçants, avec mes mandants, de l’impact de la ZTL sur leurs activités. Chaque président de syndicat, représentant chaque profession, le fera aussi. Il sera toujours temps de retourner vers la mairie et la métropole. Je déteste dire que quelque chose ne va pas fonctionner avant de l’avoir testé. Celui qui affirme savoir d'avance si ça va marcher ou non, tant mieux pour lui. Moi, je ne sais pas faire.

Vos relations s’étaient améliorées avec la Ville de Lyon, avec la Métropole. Là, on sent que le torchon brûle à nouveau. Comment gérez-vous cela ? Bruno Bernard rétorque qu’il n’y a jamais eu une vitalité économique aussi impressionnante à Lyon. Il donne un nombre d’emplois créés. Vous dites qu’il est hors sujet, qu’il est à côté de la plaque ?

Le chiffre de 23 établissements de type CHR, cafés, restaurants surtout — les hôtels sont moins touchés — qui déposent le bilan chaque jour, c’est un fait. Ce n’est pas une invention. Donc oui, en effet, il y a des établissements qui se créent, notamment en restauration rapide. Mais est-ce qu’on veut des fast-foods, des kebabs en permanence, au détriment de la restauration traditionnelle, du fait maison, des petits producteurs ? Si c’est cette optique que l’on veut, soit. Ce n’est pas la nôtre. Nous, on cherche à défendre……un métier, un vrai métier, avec la connaissance du métier. Ce n’est pas comme ça qu’on conçoit le commerce.

Qu’est-ce que la Métropole et la Ville de Lyon peuvent faire pour aider le secteur de la CHRD ?

La ville de Lyon : on rencontre les trois principaux adjoints en charge de nos problématiques mardi 8 juillet. On va en discuter avec eux. Ils ont sorti un plan commerce. C’est bien de le sortir, maintenant il faut aller vite. La profession est aujourd’hui en soins palliatifs. Quand Bruno Bernard augmente la taxe de séjour… une précision : ce n’est pas ça qui va faire couler les établissements, mais c’est le timing et le message envoyé. On a l’impression d’être en réanimation, et que quelqu’un entre dans la chambre pour nous faire les poches. Ça devient compliqué. Dans le même temps, je vous rappelle qu’il baisse ses dotations. C’est le principal financeur de l’office de tourisme, et il baisse ses dotations de 5 % en même temps. Donc quand vous me dites : "J’augmente la taxe de séjour pour augmenter le budget de l’office de tourisme", là je vous dis : d’accord, c’est cohérent. Mais non, il la baisse en même temps. Où va l’argent ? Où va cet argent ? Si c’est pour financer autre chose que du tourisme, je ne suis pas d’accord.

Un dernier sujet, rapidement, car c’est intéressant : vous avez écrit récemment au ministre de l’Intérieur concernant la sécurité privée, notamment en vous inspirant du modèle des casinos, c’est-à-dire des personnes qui pourraient être interdites de bars, par exemple.

Oui, je pense qu’il y a certaines personnes aujourd’hui — on parle d’agresseurs sexuels, de gens qui utilisent la soumission chimique en mettant du GHB ou d’autres produits dans les verres de victimes — qui mériteraient d’être écartées des établissements fréquentés, que ce soit par des jeunes femmes, des jeunes ou des moins jeunes. Ces gens-là devraient être écartés. Aujourd’hui, les juges peuvent le faire, mais nous, nous n’avons aucun moyen de vérifier si quelqu’un a le droit ou non d’être dans un établissement. Donc s’il se fait attraper lors d’un contrôle de police, il sera sanctionné. En attendant, il peut aller et venir comme il veut. Je pense qu’un système comme celui qu’on trouve dans les casinos pour les interdits de jeu, à l’entrée des établissements festifs, pourrait permettre de contrôler via une carte d’identité. On aurait un voyant rouge ou un voyant vert : vert, on entre ; rouge, on est interdit. C’est aujourd’hui de bon ton de protéger de potentielles victimes, jeunes ou moins jeunes, de ces prédateurs sexuels.

En tout cas, la question a été posée par l'Umih au plus haut niveau de l’État. Nous aurons peut-être des nouvelles un peu plus tard. Merci d’être venu sur le plateau de 6 minutes chronos. Nous suivrons les différents débats et négociations entre l'Umih, le Rhône, et nos élus de la Ville de Lyon et de la Métropole. À très bientôt, au revoir.

Laisser un commentaire

réseaux sociaux
X Facebook youtube Linkedin Instagram Tiktok
d'heure en heure
d'heure en heure
Faire défiler vers le haut