Pierr Orsi, cuisinier à Lyon
@Tim Douet

Le restaurant Orsi ferme ses portes à Lyon

Pierre Orsi, le "vieux sage du Lyon gourmand", qui tient le Relais & Châteaux, incarnation magistrale de la cuisine bourgeoise française, ferme le 29 avril.

"Une démarche murie depuis quelques mois, en tenant compte d’un contexte global mais aussi de mes aspirations personnelles”. C'est par ces mots que Pierre Orsi (MOF 1972) a fait connaître sa décision de fermer définitivement son restaurant gastronomique du 6e arrondissement.

Le chef de 84 ans se montre serein, “et en paix avec (soi)-même”, à l’aube de refermer, LE chapitre de sa vie. 

"Septembre 1975 – 29 avril 2023 : près d’un demi-siècle au sommet de la gastronomie lyonnaise !  Un au revoir pour Pierre et Geneviève Orsi, couple mythique de restaurateurs."

Lire aussi : Dans les coulisses du restaurant Pierre Orsi, reportage sur place

La brasserie attenante Le Cazenove, ouverte en 1979, reste en revanche ouverte.

Service à la cloche chez Pierre Orsi

Le "vieux sage du Lyon gourmand", qui tient le Relais & Châteaux de la place Kléber, incarnation magistrale de la cuisine bourgeoise française, tire sa révérence après 48 ans de bons et d'aloyaux services.

La table de Pierre Orsi était un conservatoire de l'art de vivre à la française, une douce boîte à musique, un brin désuète, où l'on célèbrait la grande cuisine bourgeoise. Boiseries, tentures, sols anciens de terre cuite cirée, émanations des châteaux du Bordelais, bronzes, immenses glaces, cristal de Baccarat, argenterie à tous les étages, la maison Orsi était une précieuse bonbonnière au cœur de Lyon, où le boléro des ballerines joue l'accord parfait avec le ballet des assiettes clochées.

À l'envi d'un Paul Bocuse, dont il fut le disciple, Pierre Orsi a résisté aux modes et aux changements incessants. Le numéro 3 de la place Kléber, dans le chic quartier des Brotteaux, cultivait ce goût du passé, où le temps semblait s'être figé, symbole d'une France glorieuse, prospère et idéalisée.

Depuis 1926, trois chefs se sont succédé dans l'une des plus anciennes maisons du 6e arrondissement de Lyon, construite par l'architecte Morand.

La perte d'étoile, élément déclencheur

En 1978, Pierre Orsi décroche une première étoile suivi, deux ans plus tard d'une seconde mars 1980, le Michelin - "un guide de sévérité"  écrira un de ses responsables – accorde deux étoiles à la maison de la place Kléber. En 2019, le guide Michelin lui retire sa dernière étoile.

"La perte d'étoile est très difficile à vivre, avait déclaré Genevièce Orsi à Lyon Capitale. Nous travaillons désormais "à la petite semaine" : pendant des années, on a travaillé 24h/24 et nous sommes aujourd'hui contraints de fermer dimanche, lundi, mardi et mercredi. Au lieu de faire une centaine de couverts par jour, je n'en fais plus que 20 ou 30. Nous sommes passés de 45 à 20 employés. Tout le monde nous tourne le dos, à cause de cette perte d'étoile. Mon mari se repose car il a été très affecté par cette perte d'étoile. Nous essayons  de tenir, tenir, tenir. Nous nous battons pour Relais & Châteaux.  Mais nous n'avons aucune raison de vendre."

Fin 2022, dans le milieu des coq, des maîtres queux et des cordons bleus, les "canards" allaient bon train. Le mot se passait depuis plusieurs semaines : le chef Daniel Boulud, originaire de Saint-Pierre-de-Chandieu (Rhône), ancien de Gérard Nandron, Paul Bocuse ou Georges Blanc notamment, et propriétaire d'un deux-étoiles à New York était en négociations pour racheter les trois plateaux de 500 m2 chacun avec une roseraie dissimulée de la place Kléber.

Contactée par Lyon Capitale, Geneviève Orsi avait catégoriquement démenti  la rumeur. "Nous n'avons pas du tout l'intention de vendre ! J'ai des enfants, ils passent avant tout le monde. Avec cette pseudo-vente, on veut nous assassiner !"

À l'automne de sa vie, comme dirait Marius Vettard (chef emblématique de la cuisine lyonnaise au Café Neuf, à Bellecour, et fondateur des Toques Blanches Lyonnaises), Pierre Orsi continuait à vivre son métier comme un jeune homme, ignorant le sens même du mot retraite et les Lyonnais, d'ici et d'ailleurs, tombaient toujours sous le charme suranné de la petite boîte à musique de la place Kléber.

Lire aussi : Pierre Orsi, l'Américain du 6e

Article paru dans le livre édité par Lyon Capitale "Les tables mythiques de Lyon"
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Les tables mythiques de lyon

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