François Gaillard:"Lyon est inattaquable sur la gastronomie"

Pourquoi Lyon a-t-elle été choisie pour être le porte-étendard de la gastronomie made in France ? Le directeur général d’Only Lyon Tourisme et Congrès, François Gaillard, explique tout à Lyon Capitale.

François Gaillard, président d'Only Lyon Tourisme & Congrès. ()

François Gaillard, président d'Only Lyon Tourisme & Congrès : "Paul Bocuse a permis de situer Lyon sur une carte".

Lyon Capitale : Laurent Fabius l'a validé, c'est Lyon qui représentera la gastronomie française sur le plan international pour booster la filière tourisme – grande cause nationale”, dixit le chef de l'État. Était-ce une évidence ou a-t-il fallu batailler pour obtenir le contrat ?

François Gaillard : Laurent Fabius a été l'un des premiers à se préoccuper de la méforme du tourisme. En gros, son point de vue a été de dire : "Arrêtons de tout saupoudrer et concentrons-nous sur vingt marques nationales." À notre grande satisfaction, Lyon a été retenu, à la fois pour sa marque et pour sa thématique distinctive. La marque d'abord, Only Lyon. L'État a reconnu le marketing territorial et la résonance internationale qui en découlait. L'identité ensuite : c'est la légitimité de Lyon comme destination gastronomique. Lyon joue le rôle de porte-étendard de la gastronomie et de l'art de vivre à la française.

Avec pour corollaire ce rôle d'ambassadeur...

Exactement. Suite à cela, ont été lancés les "contrats de destination", destinés à ceux qui ont une démarche proactive dans la promotion des marques à l'international. Nous avons déposé un dossier pour Lyon. Deux conditions étaient attachées à cette candidature : d'une part, proposer une démarche pluri-partenariale, public-privé, tout en fédérant les acteurs locaux. Le second principe était de dire que le soutien financier de l'État devait être inférieur à 30 % du budget global, qui est de 990 000 euros pour trois ans.

Il y a quatre ans, nous avons totalement recentré notre communication sur la gastronomie. Plusieurs enquêtes ont montré que ce que recherchent les touristes, c’est : un, le patrimoine – nous ne sommes pas un "petit Paris" mais une offre différenciante ; deux, la gastronomie. Sur ces deux items, nous avons un niveau de satisfaction qui frise d'ailleurs l'indécence ! Le "contrat de destination" de Lyon incarne cela. Encore nous fallait-il trouver une porte d'entrée. La légitimité était toute trouvée : les 50 ans de trois étoiles de Paul Bocuse.

“Paul Bocuse a permis de situer Lyon sur une carte”

Lyon capitalise enfin sur Paul Bocuse...

Paul Bocuse ()

"A Lyon, on ne plaisante pas avec la gastronomie et en même temps, on ne se prend pas au sérieux"

Ça me tenait à cœur, car Paul Bocuse a énormément fait pour la ville. Paul Bocuse a permis de situer Lyon sur une carte. Il nous apporté un rayonnement international extraordinaire. Nous avons choisi d'intituler le projet porté par la ville "Lyon et Paul Bocuse fêtent 50 ans d'excellence gastronomique". On a associé le comité régional du tourisme (car, comme dit Monsieur Paul, il n'y a pas de bonne cuisine sans bons produits), le comité des vins de Rhône-Alpes et également le groupe Bocuse. Sur quarante dossiers déposés sur le bureau de Laurent Fabius, dix seulement ont été retenus, dont le nôtre. Nous en sommes très fiers. Je pense tout le temps à ce qu'était Lyon d'un point de vue touristique il y a dix ans et la reconnaissance, aujourd'hui, par l'État comme représentant la France sur le volet gastronomique. On a réussi à reconquérir la légitimité de Lyon sur ce volet.

Concrètement, quelles sont les actions que vous allez mettre en place ?

Ce "contrat de destination" dure trois ans. Trois ans durant lesquels nous nous engageons à déployer une campagne de promotion à l'international. Nous avons imaginé un espace de 30 m2 qui se déplacera sur les grands rendez-vous gastronomiques des grandes villes du monde. Notamment tous les salons Taste. Lyon sera ainsi la première ville à se déployer dans ce genre de salons pour promouvoir une destination gastronomique. Nous allons expliquer en quoi la gastronomie est inscrite dans les gènes de Lyon, en montrant la diversité des restaurants. Lyon, la ville aux 2 000 restaurants. Nous allons mettre en avant Paul Bocuse : 50 ans d'excellence, mais aussi d'impertinence. Le visuel que nous avons choisi est celui où Paul Bocuse montre, avec un petit sourire en coin, son tatouage sur l'épaule. C'est à la fois sérieux et impertinent. Il fallait, selon moi, délaisser le côté pompeux de la cuisine. En d'autres termes, l'idée est de dire qu'à Lyon on ne plaisante pas avec la gastronomie mais qu'en même temps on ne se prend pas au sérieux.

Lyon représente la France, OK, mais l'idée c'est quand même de promouvoir Lyon, non ?

Évidemment ! Le but premier de l'opération est de faire du buzz sur la destination Lyon et de générer des séjours, c'est clair. Nous nous rendrons à Milan, à l'occasion de l'Exposition universelle, à Londres pour l'inauguration de l'Eurostar direct Lyon-Londres, à Paris au Grand Palais en même temps que l'exposition de l'institut Lumière, à Munich, à New York ou encore à Sydney. On en profitera également pour organiser des événements “be to be”. On invitera des tours operators, la presse et des leaders d'opinion, le tout autour d'un dîner exceptionnel Paul Bocuse, préparé par le chef exécutif du groupe, Christophe Muller.

Pourquoi avoir choisi Sydney ?

Depuis qu'Emirates a ouvert une ligne sur l'Océanie, via Dubaï, on constate des flux en provenance d'Australie hallucinants. L'année dernière, on a enregistré +40 % sur les flux d'Australiens. Lyon représente une porte d'entrée sur le territoire national : le billet est moins cher, l'aéroport de Lyon est beaucoup moins anxiogène que celui de Paris/Charles-de-Gaulle et sa connectivité est très intéressante.

“Il y a dix ans, parler de tourisme à Lyon n’était pas très sérieux, voire un peu grossier”

Vous mettez en avant Paul Bocuse. Et la relève, les jeunes pousses de la cuisine, vous les laissez sur le côté de l'assiette ?

Absolument pas. Nous travaillons avec tous les chefs, qu'ils soient étoilés ou pas, que ce soit des brasseries chic, des bistrots, des bouchons, etc. La gastronomie ne doit pas être élitiste. Nous nous sommes d'ailleurs posé la question de conserver le terme de "gastronomie", qui est en soi un peu élitiste. Au final, c'est un mot qui fonctionne bien à l'étranger.

Concrètement, qu'en est-il ressorti ?

On a longuement discuté avec Christian Têtedoie, qui se fait un devoir de mettre les jeunes en avant. Beaucoup d'entre eux sont reconnus à Lyon, voire même à Paris, mais sans que cette effervescence soit valorisée. Nous allons donc les valoriser. On a eu une discussion informelle avec eux pour voir ce qu'on pouvait faire ensemble, histoire qu'ils nous fassent remonter des idées. On a prévu de se voir tous les mois. Je voulais aussi leur montrer notre projet, et plus généralement notre démarche. Je pense que notre démarche est ingrate car internationale, c'est-à-dire qu'elle n'est pas visible par les socio-pros lyonnais. Donc il était important de voir ces jeunes cuisiniers pour leur expliquer ce qu'on faisait.

Il ne s'agit donc pas d'un énième label ?

Nous n'organisons rien, il ne s'agit ni d'un label ni d'une association. Ils ont très bien compris notre capitalisation sur Paul Bocuse. Nous collaborons avec Paul Bocuse pour positionner Lyon sur la carte mais c'est sur eux, la jeune cuisine, qu'on s'appuie, ce sont eux qui incarnent la relève. Je vais vous dire une chose : il y a dix ans, parler de tourisme à Lyon n'était pas très sérieux, voire un peu grossier. Quant au phénomène gastronomie, il n'était pas aussi évident que maintenant.

Quand on revendique d'être tout, on n’est rien, on est donc illisible, c'est le degré zéro du marketing territorial. Il fallait se recentrer sur un atout et cet atout sur lequel on est inattaquable, c'est la gastronomie. Et le bien-manger sera un thème dont on parlera beaucoup ces prochaines années.

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