À la fois illustrateur et auteur de BD, peintre, sculpteur et depuis peu romancier, ce grand amoureux de la montagne, et de la beauté de ses vertigineux sommets, a ouvert l’année dernière une galerie à Grenoble, où ses œuvres côtoient celles d’artistes et écrivains invités. Portrait.
Sa carrière était dans sa tête toute tracée. Après une petite enfance passée chez ses grands-parents autour de Condrieu, dont il se rappelle “traverser le pont et être tout le temps dans les vignes”, puis quelques années entre Lyon et le Beaujolais, à 9 ans, il arrive à Grenoble, avec sa mère. “Très tôt, on se baladait au-dessus de Grenoble, vers Belledonne et, encore enfant, j’ai été conquis par ces paysages”, se remémore-t-il. Dès 15 ans, il tombe dans la grimpe et à 18 ans ne fait que ça. Il se prépare à une carrière d’alpiniste et guide de haute montagne. “J’étais fasciné par les grands alpinistes comme Terray ou Rébuffat. L’aventure, la prise de risque, l’engagement, tout me plaisait.” À 20 ans, un méchant accident – une pierre qui lui fracture la mâchoire – le détourne graduellement de la montagne. “Au milieu des années 1970, la BD a le vent en poupe, je commence à avoir un petit succès. Je continue de m’entraîner, mais plus comme un amateur.”
En 1979, son installation à Paris l’ancre dans le monde de la BD. Il crée le personnage d’Edmond le Cochon, inspiré de la BD américaine underground, puis illustre au début des années 1980 Le Transperceneige, dans la revue À suivre, éditée par Casterman. Cette BD de science-fiction postapocalyptique obtient un beau succès critique, mais déjà la peinture le taraude. Dessinateur de presse pour L’Équipe quelques années, il se dégage du temps pour peindre, sans trouver son public. Près de vingt ans plus tard, il relance, en 2003, Le Transperceneige, avec le scénariste Legrand. L’œuvre est alors découverte par le Sud-Coréen Bong Joon-ho qui, en 2013, l’adapte au cinéma. L’engouement est immédiat.
En 2009, à la cinquantaine passée, Jean-Marc Rochette était parti peindre à Berlin, ville alors aux loyers peu onéreux et façon pour lui de repartir à zéro. La réussite du film chamboule tout. Il se remet à faire de la BD, publie avec Olivier Bocquet Terminus, une suite à Transperceneige, et sort entre 2018 et 2022 sa trilogie alpine : Ailefroide, récit initiatique autobiographique, Le Loup, sorte de Moby Dick montagnard, et La Dernière Reine. Les trois ouvrages connaissent un immense succès en librairie. La Dernière Reine sera pourtant sa dernière BD. “Je n’ai plus l’énergie pour faire ça, je trouve aujourd’hui une légèreté dans l’écriture.”

Cet ancien dyslexique a publié l’année dernière Au cœur de l’hiver, récit de ses hivernages dans son hameau de l’Oisans, Les Étages, qui a donné son nom à sa galerie grenobloise, et prépare un autre roman. Tout en peignant et sculptant. À près de 70 ans, l’aventure, comme un leitmotiv de vie, continue, à travers l’exploration de différents genres artistiques. “Je suis fasciné par la prise de risque artistique comme je suis fasciné par la prise de risque en grimpant. La peinture, comme un sommet, dit tout et rien à la fois. Ce sont des arts de la profondeur et du silence.” Cet automne, sortira son nouveau livre d’aquarelles, Les Écrins, doublé d’une exposition à Grenoble. “Je suis un bel exemple pour ne pas se désespérer de vieillir”, conclut-il en blaguant à demi. “Être vieux devrait être une fierté, ce n’est pas donné à tout le monde.” À méditer !
Rencontre : Au cœur de l’hiver, concert dessiné, le 17 octobre, à 20 h 30 à Vaugneray (salle de l’InterValle)
