De La Soul n’est pas le groupe le plus connu de l’histoire du rap, loin de là, mais sans doute l’un des plus novateurs et plus sublimement über-cool, porté par un trio (devenu duo) fort habile pour tracer sa route en roulant à contre-sens. Ce qui l’amène, 35 ans après 3 Feet High and Rising, sur la scène de Fourvière.
“Le Sgt. Pepper du rap !” C’est ni plus ni moins comme cela que fut qualifié le premier album du trio rap de Long Island, De La Soul, lorsqu’il fut publié en 1989. Un qualificatif fort laudateur qui fait autant référence à une forme de psychédélisme assez inédit dans le rap qu’à la petite révolution musicale qu’il introduit dans ce genre.
À ce moment du game, comme on dit dans le milieu, le rap est surtout une affaire de gros bras de surenchère, dans laquelle les activistes de la contestation ont supplanté la vieille école à coups de discours martiaux et de sirènes hurlantes incendiaires (Public Enemy et N.W.A en tête).
Mais trois cool guys camarades de lycée à quelques encablures de NYC, Posdnuos, Trugoy the Dove et Pasemaster Mase prennent en quelque sorte le contre-pied de la lettre de cette tendance pour accoucher d’un rap bien plus laidback, comme bricolé à la main et appuyé sur des samples d’artistes peu usités jusqu’alors : Johnny Cash, The Monkees, Hall and Oates, The Turtles (qui leur fit un procès), Billy Joel ou Steely Dan.
L’ensemble est une sorte de monument d’audace sonore dont le groupe semble avoir voulu rendre toutes les coutures visibles. Les émules fleurissent absolument partout tandis que le 3 Feet High… est disque de platine et trône en tête du classement hip-hop.
La suite est en dents de scie, le deuxième disque De La Soul is dead, sur lequel De La Soul change son fusil d’épaule, déçoit mais trouve le moyen d’accoucher d’un énorme tube qu’on entendra partout : Ring Ring Ring (Ha Ha Hey), un truc d’une coolitude absolue ponctuée d’une basse diaboliquement soul. Avec Buhloone Mindstate (1993), le groupe tente de renouer avec les racines du rap en exécutant ses instrumentaux avec de vrais instrumentaux.
Dans cette même veine, alors que ses albums suivants connaissent moins de succès malgré un léger sursaut avec Stakes Is High (1996), il collabore avec le groupe pop écossais Teenage Fanclub (Fallin’, sur la BO de Judgment Night, 1992), une véritable illustration du mariage de la carpe et du lapin. Puis une dizaine d’années plus tard avec Gorillaz pour un autre tube de grande taille Feel Good Inc. En cela, dès ses débuts et jusqu’à ces collaborations réussies, De La Soul, aujourd’hui duo, aura œuvré, sans jamais s’éloigner de l’esprit du rap séminal, à y faire entrer la pop musique et ses atours les plus séducteurs. Et plus largement la pop culture au sens large.
Œuvré aussi à faire, comme Sgt. Pepper, de la Recherche & Développement en musique, de l’expérimentation, une voie vers l’universalité. Comme une manière d’explorer les marges en sautillant joyeusement sur les platebandes du mainstream. Mais sans jamais en faire une route principale.
De La Soul – Le 5 juillet au théâtre antique de Fourvière