Et si cet été, on partait à... Tataouine ? Synonyme de bout du monde, cette ville du sud-est tunisien (qui existe véritablement !) est l’une des portes d’entrée du Dahar, chaîne de montagnes semi-désertique, entrecoupée de plateaux et petites vallées fertiles. Abritant d’insolites villages berbères, dont l’architecture atypique a inspiré des scènes de Star Wars, la région révèle un riche patrimoine géologique, culturel et gastronomique, loin des sentiers battus.
En lice cette année pour le label Géoparc de l’Unesco, méconnue des Tunisiens eux-mêmes, la région du Dahar offre, au visiteur qui sait s’y attarder, une expérience aux antipodes des grands complexes hôteliers de bord de mer, tournés vers un tourisme de masse.
À deux heures de route de l’île de Djerba, bien desservie depuis l’aéroport de Lyon, le Dahar déroule l’immensité de ses plis montagneux, aux ocres rougissants, d’où émerge çà et là l’étrange silhouette de villages perchés.
Sitôt arrivé, la déconnexion est totale. “On vise un tourisme durable, insolite et social. La rencontre entre les locaux et les visiteurs fait toute la différence”, pose d’emblée Rabiâa Ounissi, directrice de la Fédération Tourisme Authentique Destination Dahar (FTADD). Ici, point de grands hôtels mais des logements souvent chez l’habitant, loin d’un tourisme intensif, où vous pourrez goûter au charme de dormir dans des grottes troglodytiques, caractéristiques de l’habitat traditionnel.

Découverte des ksour et des villages berbères
Quasiment invisibles de loin, les villages citadelles qui émaillent la région du sud du Dahar, tel celui de Chenini, à 18 kilomètres de Tataouine, offrent à leur approche des visions spectaculaires.
Les habitations se détachent à même la roche et sont couronnées de ksour (ksar au singulier), greniers collectifs dont les plus anciens remontent à l’époque médiévale. Ils permettaient aux Berbères, peuples semi-nomadiques, qui préfèrent l’appellation Amazighs (prononcez “Amazir”), de stocker leurs denrées et de les protéger des razzias. Si certains sont encore aujourd’hui utilisés, beaucoup ont été délaissés mais leur architecture singulière perdure et caractérise la région.
Menés par Lofti, notre guide local, nous voilà partis pour une visite des environs du village. Direction, l’ancien puits, à un kilomètre à pied à flanc de montagne. Chenini n’a été raccordé à l’eau courante qu’en 2013 ! Le sentier est bordé de touffes de thym sauvage alors que nous arrivons un peu plus loin à la mosquée des 7 dormants, au minaret penché comme la tour de Pise. Sa blancheur se détache sur le ciel azur et les terres rouges qui l’environnent.

Jouxtant la mosquée, les tombes du cimetière amazigh, cerclées de pierres, sont anonymes. Seul signe distinctif sur chacune : “trois pierres pour les femmes (qui portent les enfants), deux pour les hommes et une pour les enfants”, explique Lofti. D’autres tombeaux géants (5 mètres de long), plus anciens, ont quant à eux une origine inexpliquée, qui renforce l’atmosphère mystique du lieu.
On trouve sur le chemin retour du gypse qui, chauffé, se transforme en une sorte de plâtre, faisant que les habitations semblent le prolongement naturel des roches sur lesquelles elles s’appuient.
Beauté poignante des villages abandonnés
Si le village de Chenini est toujours habité et que ses habitants pratiquent encore la langue amazighe, d’autres villages ont, eux, été désertés dans les années 1980, comme celui de Guermassa, qui semble figé dans le temps.
Ce site troglodytique se love autour d’un sommet d’où émergent tout en haut les vestiges de ksour… S’y promener et contempler les immenses étendues arides qui l’entourent laisse rêveur sur la résilience et la capacité de l’homme à tirer profit des environnements les plus inhospitaliers…
Zraoua, autre village abandonné, cette fois tout au nord, dégage également une atmosphère irréelle On l’atteint par une longue piste carrossable mais il se rejoint aussi à pied en suivant une piste de 8 kilomètres depuis le village de Tamezret. En prenant le temps d’arpenter les chemins, vous y croiserez sûrement, prenant un bain de soleil, des gondis, petits rongeurs endémiques à la région du Dahar.
Le village de Zraoua, construit sur un monticule, d’où se déroulent ses ruelles, a servi de décor aux films L’Or noir, de Jean-Jacques Annaud et Le Sacre de l’homme.
Ingéniosité des jessour
Autour de cet ancien village, comme partout dans les terres sèches du Dahar, émergent pourtant de petits bosquets de verdure faits d’oliviers, de figuiers, de palmiers ou d’amandiers. Le peuple amazigh, confronté depuis tout temps au problème de la rareté de l’eau, a maîtrisé les eaux de ruissellement en construisant l’ingénieux système des jessour. Chaque ravin ou oued (lit de rivière) est équipé d’une succession de petits barrages, souvent construits en pierres sèches, et destinés à retenir l’eau. Sous l’imposante contrainte climatique de l’aridité, depuis plusieurs siècles, le défi de l’agriculture est ainsi relevé !

Richesse géologique du Dahar
Au-delà de la majesté des canyons, percés de vallées, et s’étendant à perte de vue, c’est son importance géologique, écologique et culturelle qui fait que la région du Dahar est étudiée par l’Unesco en vue d’un classement Géoparc.

Transition entre les plaines côtières de la Méditerranée et le désert du Sahara, le Dahar porte des traces des 250 derniers millions d’années de l’histoire de la terre. Autrefois recouverte par la mer Téthys, avant son retrait et le soulèvement de la plateforme saharienne donnant lieu au Dahar, la région a gardé la trace de nombreux fossiles mais aussi de dizaines d’empreintes de dinosaures, comme celles visibles sur le site de Beni Ghedir. On retrouve également à plusieurs endroits, comme sur le site d’Insefri (Ghomrassen), des peintures rupestres représentant des animaux, et datant du néolithique (de 5000 à 6000 ans).
Sur les traces de Star Wars
Les aficionados de Star Wars ne manqueront pas un arrêt à Ksar Hadada, ayant servi en 1997 de lieu de tournage à l’équipe de George Lucas qui, après 22 ans, ressuscite la première trilogie et tourne alors La Menace fantôme. Ksar Hadada a servi de décor au quartier des esclaves du spatioport de Mos Espa sur la planète Tatooine (dont le nom est inspiré de la ville de Tataouine).

Ce ksar, assez récent datant de 1845, utilisé jusqu’à la première moitié du XXe siècle comme grenier, a été très bien restauré et est aujourd’hui converti en hôtel restaurant.
Assez touristique, le site a gardé beaucoup de charme et déambuler dans les 360 ghorfas (cellules/greniers) du ksar est une expérience mémorable. À Matmata, l’hôtel troglodytique Sidi Driss a lui aussi servi de cadre pour Star Wars (épisodes I, II, III et VI) et on y trouve encore des restes de décors (portes électroniques, faux tuyaux, etc.). D’autres lieux comme le ksar Médenine ou celui de Ouled Soltane ont également servi de lieux de tournage.
Plongée dans la culture amazighe
Arabisés dès les années 700 après Jésus-Christ, les Amazighs, en se réfugiant dans les montagnes, ont su perpétuer une culture, une tradition et une langue, qui même si elle n’est pas reconnue officiellement infuse la région du Dahar. De nombreuses initiatives locales, d’ailleurs souvent menées par des femmes, permettent d’appréhender le savoir-faire amazigh.

Ainsi, à Farch, le groupement Zitouna rassemble une dizaine de femmes dynamiques qui vendent de savoureux produits locaux (sauce loussa, carottes au vinaigre, farine d’orge et l’incontournable bsissa (prononcez “psissa”), un fabuleux mélange d’orge grillée et d’huile d’olive agrémenté d’épices, à tartiner au petit-déjeuner…
Autre initiative à Zammour, des femmes distillent des plantes traditionnelles (armoise champêtre, blanche, thym, romarin, etc.) et vendent huiles essentielles pour le corps et les cheveux. À Tamezret, c’est une jeune femme, Kaouther Ben Jemaa, qui fait revivre le Café Berbère de ses ancêtres proposant thé, café, pâtisseries et ateliers culinaires.
Le café promeut également le travail local de tissage des femmes berbères en proposant tapis et étoles en vente directe. À Tamezret toujours, le musée berbère, né d’une initiative privée de l’architecte Monji Bouras, partage aussi un pan de la culture berbère : habitat, vêtements traditionnels… Intarissable et avec un grand sourire, Monji transmet histoires et anecdotes amazighes.
À Matmata, c’est grâce à l’initiative privée d’Ali Bouhala que le musée de la Mémoire est né. Contrairement à la région de Tataouine, où les grottes sont creusées sur le plan horizontal, les maisons troglodytiques, ici, se construisent via des trous forés verticalement dans une pente, puis sont reliées à un couloir souterrain.
Différentes pièces aménagées favorisent la découverte de ces habitats d’antan, parfois toujours utilisés dans les villages, les maisons troglodytiques permettant de conserver, été comme hiver, une température constante autour de 20°C… À l’heure du changement climatique, une prouesse à méditer !
La Grande Traversée du Dahar
Avec ses espaces immenses, le Dahar est le paradis des randonneurs. La Grande Traversée du Dahar, un circuit en douze étapes, sur 194 kilomètres, de Tamezret à Douiret, offre une expérience hors du temps.
Traversant villages traditionnels, ksour, jessour, canyons et vallées, le circuit est disponible via un topo-guide mais des accompagnateurs formés vous feront partager au plus près leur culture tout en vous recommandant des habitats traditionnels pour dormir. Privilégiez la période d’octobre à avril afin d’éviter les températures caniculaires de l’été.

Trek des princesses du désert
Une aventure sportive et solidaire, uniquement féminine, au confort haut de gamme, entre villages berbères du Dahar et dunes de sable, ça vous tente ? C’est à ce défi, entièrement encadré, que vous convie la franco-tunisienne Carine Ayadi qui a concocté le programme de la première édition de ce trek qui se déroulera du 8 au 14 novembre 2025.
Plongées au cœur des paysages sauvages du Dahar, les participantes traverseront des villages empreints d’histoire avant de rejoindre l’immensité du désert.
Un moment hors du temps, avec ateliers yoga et méditation le soir et soirées conviviales autour du feu à la nuit tombée. Les trekkeuses seront assistées 24 heures sur 24 par une équipe médicale, qui dispensera également ses conseils dans les villages traversés.
Plus d’informations et inscription : contact@monprochainvoyage.com
Insta : trekdesprincessesdudesert2025

Pratique
Où loger ?
• Gîte Azul, maison d’hôtes tenue en famille entre frères, confortable et pleine de cachet, dans une ambiance troglodytique, à Chenini
• Gîte Dar Sana, maison d’hôtes (chambres troglodytiques) au cœur d’une oasis, à Ksar Hallouf
• Gîte Dar Ayed, confortable gîte rural, avec vue panoramique, piscine et gastronomie locale, à Tamezret
Où se restaurer ?
• Restaurant Ksar Hadada, cuisine locale dans une ambiance troglodytique
• Restaurant Dar Ayed, cuisine amazighe (chorba, plats cuits en gargoulette, ustensiles en terre cuite pour cuire à l’étouffée…), à Tamezret
• Restaurant Haroun, une institution en bord de mer, spécialités tunisiennes et de poisson, à Djerba – leharoun.tn
Événements
• Zammour trekking, 4 jours mêlant sport, culture et tourisme solidaire, du 30 octobre au 2 novembre 2025 – zammourtrekking.com
• Le Trek des princesses du désert, défi sportif féminin, au confort haut de gamme, dans le sud-est tunisien, du 8 au 14 novembre 2025
• Festival international du Sahara de Douz, exploration des traditions et coutumes bédouines, du 28 au 30 décembre 2025
Comment s’y rendre ?
• Vol direct Lyon-Djerba (2 heures 30), comptez environ 2 heures de route pour rejoindre le Dahar