Kavinsky - Outrun : madeleine de Proust version salle d’arcade et vidéo-club

Critique - Après plus de sept ans à se faire désirer, Kavinsky sort enfin son premier album. La demande devenait tout simplement trop forte après le succès du titre "Nightcall", repris dans le film Drive. Avec Outrun, le producteur français livre une expérience à mi-chemin entre la bande originale de vieux jeux vidéo et le film des années 80. Véritable madeleine de Proust version salle d’arcade et vidéo-club, Outrun sent bon la DeLorean.

Difficile d’arriver avec un premier album quand l’un de ses titres est matraqué sans cesse dans tous les reportages télévisés impliquant une voiture. Bénédiction ou malédiction, la récente médiatisation de Kavinsky est clairement à double tranchant. Le producteur français évite pourtant les écueils et refuse de livrer un album qui ressemble simplement à "Nightcall". Avec Outrun, Kavinsky parvient à imposer son expérience sonore sans renier son univers.

Un album de gamer cinéphage

Outrun est un pur album de gamer cinéphile adepte des salles d’arcade et des vidéo-clubs de la fin des années 80. Telle une madeleine de Proust moderne, Kavinsky parvient à synthétiser toute l’ambiance d’une époque dans ce qui ressemble à la bande originale d’un film imaginaire. Impossible de conseiller le téléchargement d’Outrun en MP3 tant cela nuit à l’expérience globale. Le CD tout de noir vêtu prend des allures de bobine de cinéma. Bienvenue à Hollywood version année 80/90, sentiment renforcé par les photos qui ornent le livret. Les treize clichés renvoient chacun à l’une des chansons de l’album et s’inspirent largement des images promotionnelles de films que l’on pouvait découvrir dans les couloirs de son cinéma favori.

Retour vers le futur

Pour tous ceux qui ont connu cette époque, la première écoute d’Outrun déclenche un flot de souvenirs ininterrompus. L’odeur de la vieille salle d’arcade revient à l’esprit. Les pièces de 5 et 10 francs raisonnent dans les poches. Les doigts transpirent et brûlent comme après une partie de Street Fighter II. Quand il n'a plus de monnaie, le gamer rentre chez lui en skateboard avec les cassettes vidéos usées des Goonies ou de Terminator dans son sac à dos. Pourtant, pas de nostalgie : Outrun rappelle le passé, mais ne fait rien regretter, un peu comme un vieux film de Spielberg qui malgré les âges n’a jamais perdu de sa modernité.

Plusieurs bandes originales dans le même album

À travers ses treize titres, Kavinsky dévoile son film. Un moyen métrage de 44 minutes racontant les aventures d’un jeune homme renversé par une voiture. Revenu des morts, il veut se venger au volant de sa Ferrari Testarossa. "Nightcall" et sa douceur féminine font presque figure d’exception dans cet ensemble pourtant tellement cohérent. Le cinéma transpire par tous les pores. Le titre "Blizzard" aurait eu toute sa place dans un bon film de "baston". "Odd look" rappelle les meilleurs moments de la BO de Tron l’héritage des Daft Punk, "Rampage" n’aurait pas dépareillé dans un slasher, "Testarossa" illustrerait parfaitement une course poursuite tandis que "Deadcruiser" a tout pour souligner un film d’action.

L’impression d’avoir un melting pot de ce qui se faisait de mieux en matière de bande originale continue avec "First Blood". Le titre aurait été parfait comme morceau principal d’un long métrage avec Stallone ou Van Damme. Kavinsky n’achève pourtant pas son album ainsi et se sublime avec "Roadgame", une apothéose musicale où le passé rencontre le présent. Seule frustration : "Endless", dernier morceau de l’album, se termine quelques secondes seulement après être monté en puissance. Comme si le projectionniste était pressé d’abréger le générique de fin pour envoyer la bobine de la séance suivante.

Knight Rider

Pour son premier opus, Kavinsky réussit à poser les bases de son univers et de son style. Hollywood aime réaliser des suites encore plus grandes, plus fortes. En bon cinéphile, Kavinsky ne devrait pas faire mentir les traditions. Le morceau "Roadgame", véritable climax d’Outrun, laisse entrevoir une potentielle suite toute en puissance, toute en force et en intensité. Les aventures du jeune zombie solitaire errant sur les routes au volant de sa Testarossa ne sont pas terminées.

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