Que c'est triste de voter utile

Le scénario catastrophe avec le FN au second tour est devenu un argument majeur de la campagne.
Comme s'ils doutaient d'eux-mêmes, de leur capacité à rassembler sur un projet, ils nous font le coup de la peur. Le spectre du 21 avril 2002 s'agite dans les meetings : c'est le nouveau gris-gris électoral, la gousse d'ail qui doit dissuader les tentations démoniaques... de la dispersion.

Plutôt que de nous parler d'avenir, les candidats nous empêchent de dormir : ils veulent téléguider notre bulletin au premier tour, nous culpabiliser, manipuler notre sens du devoir et transformer un suffrage universel en vote obligatoire. "Si je ne vote pas Ségo, je fais le jeu de Jean-Marie. Si je vote Bayrou, j'élimine Sarko..." On donne mauvaise conscience à l'électeur butineur, au citoyen qui déteste les consignes de vote. On transforme le premier tour en deuxième tour et on oublie le fameux adage constitutionnel : "au premier tour on choisit et au second, on élimine".
Le vote utile n'est en fait qu'une rhétorique électorale qui prend en otage la liberté de chacun. Voter Besancenot, Voynet ou Bayrou serait voter au rabais ?

Dans l'isoloir, il ne faut pas de vote obligatoire. Chaque électeur doit faire son choix librement, son vote doit incarner un destin, un rêve, un idéal. Le concept du vote utile étouffe l'esprit républicain et c'est un danger pour la diversité, qui est la marque de fabrique de notre pays, l'intelligence de notre peuple.

Mais à gauche, plus qu'à droite, "le vote utile" est ressenti comme une obligation. Mais le parti socialiste n'a pas perdu en 2002 à cause des électeurs indisciplinés, il a perdu parce que Jospin ne savait même pas, lui-même, s'il était encore socialiste... A quelques jours du scrutin, les fantômes et les épouvantails ressortent des commodes de Solférino comme de vieilles banderoles : attention, les discours de mauvais augure sont souvent les premiers frissons de la défaite...

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