Gérard Collomb, ancien maire de Lyon et ancien président de la métropole de Lyon.

Gérard Collomb, la disparition d'un maire bâtisseur

Maire de Lyon et président de la Métropole de 2001 à 2020, Gérard Collomb a changé l'image de Lyon et porté de grands projets urbains comme la Confluence ou les berges du Rhône.

Gérard Collomb s'est éteint ce samedi 25 novembre et avec lui, c'est une partie de l'histoire contemporaine de Lyon qui s'en va. Maire de 2001 à 2020, avec une parenthèse ministérielle de dix-huit mois, et président de la Métropole pendant quinze ans, il a consacré toute sa carrière politique à ce territoire. Sa relation aux Lyonnais a longtemps été contrariée. Pendant quinze ans, il aura enchaîné les défaites aux élections municipales sous l'étiquette socialiste. Un parti qu'il quittera en 2017 pour participer à la création d'En Marche et accompagné Emmanuel Macron jusqu'à l’Élysée. En 1995, il remporte le 9e arrondissement. Il va en faire son fief en faisant sortir de terre le quartier de l'Industrie à Vaise notamment.

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De "Gégé" à Monsieur Collomb

A force de ténacité, il parvient en 2001 à remporter les élections municipales en réalisant l'union de la gauche et en profitant des divisions de la droite qui régnait en maître depuis près de 50 ans. Minoritaire en voix, il s'engouffre dans les méandres du mode de scrutin par arrondissements pour enfin concrétiser l'engagement de sa vie : devenir maire de Lyon. Il remporte aussi la présidence du Grand Lyon où bien que minoritaire, il convainc des maires de droite de lui accorder leur confiance. "Gégé", le perdant sympathique des années 80-90 se mue en Monsieur Collomb. Les premiers mois sont difficiles. Le modèle lyonnais qu'il finira par théoriser et marteler peine à se dessiner. D'abord collectif, Gérard Collomb opte pour un exercice plus personnel du pouvoir, une critique qui l'accompagnera jusqu'en 2020, au nom de l'efficacité.

Attentif aux milieux économiques

Son élection donne des sueurs froides aux milieux économiques qui seront rapidement rassérénés. La méthode Collomb est avant tout pragmatique. Économiquement, Gérard Collomb est un fervent adepte la théorie du ruissellement : pour redistribuer la richesse, il faut d'abord la créer. Sous ses mandatures, il va accompagner le développement de nombreux entrepreneurs. GL Events, l'Olympique lyonnais, des grands groupes immobiliers trouveront ainsi dans les collectivités locales lyonnaises gérées par Gérard Collomb une oreille attentive.

Nuits sonores Gérard Collomb Lyon
Gérard Collomb aux platines : En 2004, le maire de Lyon, Gérard Collomb, se glisse derrière les platines lors de l’inauguration du festival dans les jardins de l’Elac sur les toits du centre d’échanges de Perrache. À ses côtés, Dr Nokman, membre du Natty Bass Sound System, le conseille. (Crédit : DR Nuits sonores)

Le premier mandat à l'hôtel de ville commencé timidement s'achèvera en fanfare avec la livraison des berges du Rhône, un projet qui va changer l'image de Lyon et asseoir sa réélection. Cette réalisation et l'arrivée des Vélo'v ancrent la ville dans son siècle. Gérard Collomb, en sept ans et des politiques modernes, a réveillé la belle endormie. Anxieux à l'extrême, il redoute en 2008 une campagne municipale qui a mis sur sa route Dominique Perben, candidat parachuté de la droite. Le verdict des urnes est sans appel. Il est réélu dès le premier tour et remporte sept des neuf arrondissements.

"Je t'aime, moi non plus" avec le PS

Fort de ce plébiscite lyonnais, Gérard Collomb tente de se construire une carrière nationale. S'il dirige la deuxième agglomération de France et siège au Sénat, il n'a jamais, jusque-là été vraiment considéré dans sa famille politique. Il a vu nombre de ses camarades être nommés ministres dans les années Mitterrand sans jamais s'en approcher. Sa victoire en 2001 a été éclipsée par celle de Bertrand Delanoë, à Paris. En 2007, il avait bien participé activement à la campagne présidentielle de Ségolène Royal avant de prendre ses distances. En 2008, il se décide à jouer les premiers rôles. Il dépose sa propre motion au congrès du PS, la ligne claire avec Manuel Valls notamment. Il perd mais va camper jusqu'en 2017, l'aile droite du parti. Il se mue en sniper de Martine Aubry dont il égratigne régulièrement la ligne politique. En 2012, il soutient François Hollande et s'affiche même ému au soir de sa victoire. Malgré tous ses efforts et jusqu'en 2017, Gérard Collomb reste abonné aux seconds rôles nationalement.

Promoteur de la mixité dans les quartiers

Son deuxième mandat sera marqué par une réalisation majeure qui change aussi le visage de Lyon. Avec la Confluence, un projet hérité de Raymond Barre mais porté par Gérard Collomb, la Presqu'île de Lyon double sa surface en réhabilitation d'anciennes friches industrielles. Pendant 20 ans, Lyon s'est reconstruit sur elle-même sous la houlette de son maire bâtisseur. Moins médiatisé que la Confluence, le 7e fait aussi peau neuve derrière les voûtes. Gerland se transforme en quartier d'affaires. Des ZAC font sortir de terre des immeubles sur d'anciennes usines. Gérard Collomb porte aussi des projets moins clinquants comme la rénovation urbaine des quartiers populaires. Il mise sur la mixité sociale à La Duchère en rasant des barres HLM pour reconstruire des immeubles où les classes moyennes pourront accéder à la propriété. L'expérience est plutôt une réussite et elles sont rares en matière de politique de la ville. Le modèle sera d'ailleurs copié. Ce second mandat est aussi marqué au niveau métropolitain par le projet d'OL Land, à Décines-Charpieu. Réticent au début, Gérard Collomb accepte finalement le départ du club de Gerland. Il sélectionne lui-même le site du Montout, à Décines-Charpieu. Le projet est complexe et contesté localement. Le soutien de Gérard Collomb à l'OL sera indéfectible quitte à se brouiller durablement avec ses alliés écologistes. Il voit aussi dans ce projet l'ancre d'une métropole dont le développement se fera inévitablement vers l'Est.

La Métropole de Lyon, création de Gérard Collomb

Ce second mandat marque aussi le début des critiques internes. Nathalie Perrin-Gilbert qui l'accompagnait depuis 1995 claque la porte. Le style autoritaire de Gérard Collomb lasse ses colistiers. Les premières fêlures apparaissent en cours de second mandat. En 2014, toujours inquiet à l'approche des échéances électorales, Gérard Collomb redoute d'être emporté par l'impopularité de François Hollande. Les élections municipales ne sont pourtant qu'une formalité. Il conserve les sept arrondissements gagnés en 2008 et parvient même à se faire réélire à la présidence du Grand Lyon malgré une majorité acquise, sur le papier, à la droite.

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Le 1er janvier 2015, il devient le premier président de la Métropole de Lyon. Une collectivité qu'il a créée avec Michel Mercier, alors président du conseil général. Elle regroupe les compétences du département et du Grand Lyon, un modèle unique en France. Elle fait de lui l'élu local le plus puissant de France. Toujours avide de grands projets, il se penche sur ce mandat sur la Part-Dieu dont il veut renforcer le rôle de quartier d'affaires. Il promet de construire une skyline et valide de nombreux projets de tours. ToLyon, la dernière en date, sera d'ailleurs inaugurée dans les prochains jours. Ce troisième mandat est plus compliqué que les deux premiers. Les relations avec les partenaires politiques se tendent. Dans les couloirs de l'hôtel de ville et de la métropole, l'ambiance est plus morose. Les colères du patron toujours aussi nombreuses. L'état de grâce s'en est allé. Il aura tout de même été d'une rare longévité.

Un destin enfin national

En 2016, Gérard Collomb touche du doigt un autre de ses grands rêves, même s'il s'en est défendu, devenir ministre. “Je n’ai jamais rêvé d’être ministre contrairement à ce que beaucoup ont pu dire”, soulignait-il en 2020. François Hollande songe à lui pour remplacer Arnaud Montebourg au ministère de l’Économie. Il lui préfère finalement Emmanuel Macron. Étrange clin d’œil de l'histoire, les deux hommes vont nouer assez rapidement une grande complicité. Gérard Collomb apprécie celui qui se présente comme un réformateur, comme lui.

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Le maire de Lyon est l'un des premiers à monter à bord du train Macron à destination de 2017. Il le conseille, ramène des élus locaux dans son sillage. L'aventure En Marche remotive Gérard Collomb s'engage sans retenue dans la campagne présidentielle du futur locataire de l’Élysée. Il multiplie les meetings trouvant enfin nationalement la place que le PS s'est refusé à lui laisser. En avril 2017, Emmanuel Macron remporte l'élection et nomme son "parrain politique" au ministère de l'Intérieur. Place Beauvau, il portera une loi sur l'immigration qui lui vaudra de nombreuses critiques à gauche.

Depuis juin, les tentatives de médiation d'Emmanuel Macron entre David Kimelfeld et Gérard Collomb ont échoué © AFP

Il laisse alors la mairie de Lyon à Georges Képénékian et la Métropole de Lyon à David Kimelfeld. La fin de seize ans d'exercice du pouvoir local. Enfin presque. De Paris, Gérard Collomb tente de piloter les dossiers et revient régulièrement à Lyon. Le nouveau style de gouvernance de ses dauphins, plus collégial, séduit des élus qui évoquent la fin d'une chape de plomb. David Kimelfeld prend progressivement son indépendance ce qui agace son prédécesseur. Sentant Lyon lui échapper, Gérard Collomb décide, à l'automne 2018, de quitter précipitamment le ministère de l'Intérieur. De retour à Lyon, il ne récupère que son fauteuil de maire, sa réélection à la Métropole de Lyon étant incertaine il y renonce. Les tensions avec David Kimelfeld se multiplient à mesure que l'élection municipale de 2020 approche. Gérard Collomb n'a plus la baraka à Lyon comme si son intermède ministériel lui avait fait perdre son instinct lyonnais. Les derniers projets qu'ils lancent manquent de souffle. De nombreux élus choisissent de rallier David Kimelfeld et Georges Képénékian qui a longtemps joué les médiateurs prend ses distances. “Humainement, cela touche, forcément, de voir des amis partir. J’ai connu une période difficile”, confiait-il lors de la campagne des municipales de 2020.

2020 : la campagne de trop

Gérard Collomb se lance dans la campagne des municipales entouré d'une poignée de fidèles et sans idées neuves. Il sollicite un quatrième mandat pour achever les quelques dossiers qu'il n'a encore pu mener à bien. Il s'obstine à promettre la réalisation d'un contournement routier quand les Lyonnais ont finalement des aspirations plus écologiques. Dans un entre-deux tours rallongé par l'épidémie de Covid-19, il noue une alliance contre nature avec la droite et Laurent Wauquiez pour tenter de barrer la route aux écologistes Bruno Bernard et Grégory Doucet. La manœuvre est vaine et brouillera son image. Ses détracteurs y verront l'aboutissement d'un long glissement vers la droite de l'ancien socialiste. Dès 2008, il avait commencé à ouvrir sa majorité de gauche plurielle à des profils différents comme l'avocat sarkozyste Richard Brumm. Plus tard, des opposants parfois farouches viendront le rejoindre.

"J'aime que l'on m'aime"

Gérard Collomb, à Lyon Capitale

Retiré du service actif de la politique lyonnaise, Gérard Collomb apparaîtra alors plus détendu. Il se met à l'écriture de ses mémoires et promet de lancer une nouvelle génération à la reconquête de Lyon. Au conseil municipal où il est toujours élu, il donne encore quelques coups de griffe et fait retentir une dernière son "modèle lyonnais" mis en péril par les écologistes. Dans le dernier entretien qu'il a accordé à Lyon Capitale, en septembre 2021, Gérard Collomb revenait sur la victoire des écologistes : "Ce vote correspondait aussi au rajeunissement et à l’internationalisation de notre agglomération. D’une certaine manière, j’ai “creusé ma tombe” en modernisant Lyon. Si la ville était restée repliée sur elle-même, comme elle avait pu l’être par le passé, je serais peut-être encore président de la Métropole”. Ou comment l’œuvre d'une vie s'était retournée contre lui . En septembre 2022, il annonce souffrir d'un cancer : "Je vais me battre contre la maladie avec la même énergie que j’avais mise au service de Lyon, de notre métropole quand j’exerçais les fonctions de maire et de président ".

"J'aime que l'on m'aime", nous confiait-il lors de sa dernière interview. Il aurait apprécié les réactions qui affluent à l'annonce de son décès ce samedi 26 novembre. En cinquante ans passés à "travailler" sa ville, il avait su tisser un lien parfois intime avec les Lyonnais.

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