Sandrine Runel
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Sandrine Runel (PS) : "La France ne souffre pas d’un problème de dette, mais d’un problème de recettes"

Sandrine Runel, députée socialiste et conseillère municipale à Lyon, est l'invitée de 6 minutes chrono-Lyon Capitale.

Les socialistes se voyaient à Matignon pour succéder à François Bayrou. Emmanuel Macron a préféré nommer Sébastien Lecornu. "Il en résulte de l'amertume, de la fatigue et une certaine lassitude", résume Sandrine Runel, députée du Rhône. Si le nouveau locataire de Matignon promet des ruptures, l'élue socialiste reste dubitative : "il ne semble pas possible d'envisager ce qu'il pourrait proposer, tant sa ligne est inscrite dans la continuité de la politique d'Emmanuel Macron. Va-t-il proposer la taxe Zucman ? Va-t-il réellement chercher l'argent là où il se trouve, chez les ultra-riches et les grandes entreprises ? Prendra-t-il des mesures en faveur des classes moyennes et modestes ? Va-t-il renoncer au doublement des franchises médicales ? Abandonnera-t-il la suppression de l'AME ? De nombreux sujets restent sur la table, mais n'ayant aucune information sur ses intentions concrètes, l'espoir que de véritables avancées soient proposées est faible".

Sandrine Runel, qui a un temps envisagé de se présenter aux municipales à Lyon, annonce désormais qu'elle prône pour la reconduction de son alliance de 2020 avec les écologistes : "il me semble nécessaire, au niveau de la métropole de Lyon et à Lyon même, mais aussi à Villeurbanne, de poursuivre le travail entamé il ya cinq ans. Nous avons un bilan à défendre, notamment avec la majorité écologiste à laquelle j'appartiens et au sein de laquelle j'ai été adjointe pendant quatre ans. Ce bilan est commun et nous sommes fiers des investissements et des réalisations pour la ville."

La retranscription intégrale de l'entretien avec Sandrine Runel

Bonjour à tous et bienvenue. Vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, nous sommes avec Sandrine Runel. Vous êtes députée socialiste et également conseillère municipale à Lyon. La question s'adresse à la députée socialiste : que devrait-il pour que vous ne censuriez pas le gouvernement Lecornu ?

Il faudrait énormément de choses. Nous en sommes déjà au troisième Premier ministre en moins d'un an, après la dissolution. Depuis l'annonce de François Bayrou concernant le vote de confiance que nous avions demandé, nous attendons que le président de la République respecte le scrutin de juin et juillet 2024 en nommant un Premier ministre de gauche, un gouvernement de gauche. Il est clair que les choix portés par Barnier et Bayrou n'ont pas fonctionné et que les politiques menées par Emmanuel Macron ne sont plus acceptées. Or, ce que nous obtenons, c'est Lecornu, l'un des plus fidèles et des plus proches d'Emmanuel Macron. Il en résulte de l'amertume, de la fatigue et une certaine lassitude.

Quoi qu'il propose, le compte n'y sera pas ?

À ce jour, il ne semble pas possible d'envisager ce qu'il pourrait proposer, tant sa ligne est inscrite dans la continuité de la politique d'Emmanuel Macron. Va-t-il proposer la taxe Zucman ? Va-t-il réellement chercher l'argent là où il se trouve, chez les ultra-riches et les grandes entreprises ? Prendra-t-il des mesures en faveur des classes moyennes et modestes ? Va-t-il renoncer au doublement des franchises médicales ? Abandonnera-t-il la suppression de l'AME ? De nombreux sujets restent sur la table, mais n'ayant aucune information sur ses intentions concrètes, l'espoir que de véritables avancées soient proposées est faible.

Les ruptures dont il parle ne vous convainquent pas ?

Il parle de rupture de méthode, mais pour l'instant il n'y a pas de fond. Il affirme vouloir changer de méthode, rompre avec ce qui s'est fait auparavant, mais la seule véritable rupture avec le macronisme serait de mettre en place des mesures comme la taxe Zucman, d'investir dans l'hôpital public et l'école, ou encore de s'engager dans la transition écologique. Nous allons voir ce qui sera proposé, mais il y a matière à douter.

À ce stade, les investissements n’apparaissent guère dans la feuille de route. Pensez-vous que la France puisse encore investir malgré la problématique de la dette, ou faut-il attendre une des finances ? Peut-on toujours investir ?

Il est impératif de relancer l'économie, et investir est donc indispensable. La France ne souffre pas d’un problème de dette, mais d’un problème de recettes. Depuis huit ans, les recettes ont diminué en raison d'une politique d'exonérations, particulièrement des cotisations, et de cadeaux fiscaux aux plus aisés et aux plus riches. C'est cela que nous remettons en question. Nous affirmons qu'il est possible d'augmenter les recettes, ce qui permettra ensuite d'investir dans les services publics, en priorité l'hôpital et l'école, qui en ont un besoin criant.

Vous évoquiez le souhait d'un gouvernement de gauche. Mais hormis les socialistes, il semble que personne ou presque n'en voulait, puisque lorsque Olivier Faure faisait une proposition, les Insoumis et Jean-Luc Mélenchon la rejettent, annonçant qu'ils censureraient même un gouvernement socialiste, qui aurait donc vécu peu de temps.

La gauche ne se résume pas à la France Insoumise. Les écologistes, les communistes et d'autres forces de gauche s'étaient également joints à cette initiative. Il ne s'agissait pas de réclamer un Premier ministre de gauche pour le symbole : nous souhaitions pouvoir appliquer une politique pour laquelle nous avions travaillé ensemble, en trouvant de nouvelles recettes, en participant à l'effort de réduction des dépenses publiques, mais surtout en investissant dans les services publics – ce qui est essentiel aujourd'hui et fait défaut.

On compare souvent le régime parlementaire français à l'allemand où existent de grandes coalitions. Pensez-vous qu'il devrait aller vers de telles coalitions, où chacun proposerait ses priorités à Emmanuel Macron ou aux négociateurs, quitter à renoncer à certains points pour en obtenir d'autres ?

Malheureusement, le régime actuel ne s'y prête pas, le mode d'élection non plus. Pour cela, il serait nécessaire de passer à la proportionnelle : un mode de scrutin qui permet aux citoyens de voter pour des idées, des programmes, et qui offrirait à l'Assemblée nationale la possibilité de discuter et de travailler avec l'ensemble des groupes sur la base des proximités de projet. Le examen actuel n'est plus adapté ; la Ve République en elle-ne l'est même plus non plus, il devrait passer à un régime véritablement parlementaire. Le retour du parlementarisme est nécessaire pour gouverner la France.

Tout à l'heure, vous évoquiez l'union de la gauche, question qui se posera également aux élections municipales. Plusieurs maires ou dirigeants de grandes collectivités de l'agglomération lyonnaise de gauche ont exprimé cet été la volonté de continuer à travailler ensemble : Bruno Bernard, Grégory Doucet, la communiste Michèle Picard, les socialistes Cédric van Styvandael et Hélène Geoffroy. Êtes-vous sur la même ligne : continuer ensemble pour un prochain mandat ? Cédric van Styvendael et Hélène Geoffroy ont-ils aussi parlé au nom des socialistes lyonnais ?

Il est essentiel d'afficher aujourd'hui la volonté d'union de la gauche et des écologistes. Comme cela a été fait au niveau national, il me semble nécessaire, au niveau de la métropole de Lyon et à Lyon même, mais aussi à Villeurbanne, de poursuivre le travail entamé il ya cinq ans. Nous avons un bilan à défendre, notamment avec la majorité écologiste à laquelle j'appartiens et au sein de laquelle j'ai été adjointe pendant quatre ans. Ce bilan est commun et nous sommes fiers des investissements et des réalisations pour la ville. Il y a bien sûr des désaccords ; c'est aussi ce que porte la tribune à laquelle je m'associe : défendre les acquis tout en appelant à poursuivre une action commune, sans pour autant signer un accord formel. C'est ce qui est bon pour Lyon et ses habitants. J'inscris donc pleinement mon action dans cette ligne, tout en affirmant qu'il faudra travailler les points de désaccord pour faire de 2026 une meilleure représentation des valeurs et des projets que nous défendons.

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