La loi et son esprit

L’édito du mensuel – Une enquête préliminaire a été ouverte pour répondre à une question simple en apparence : la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron a-t-elle bénéficié du soutien matériel ou financier des collectivités locales gérées par Gérard Collomb ? Posée comme ça, la réponse semble évidente.

Oui, Gérard Collomb a été parmi les tout premiers à croire dans le destin présidentiel de l’ancien ministre de l’Économie, à une époque où celui-ci manquait cruellement de soutiens parmi les élus locaux, de militants, de moyens et de petites mains pour organiser sa campagne. Oui, il a alors mis à sa disposition, non seulement toute son expérience, mais aussi ses réseaux d’élus lyonnais comme ses inféodés locaux, toute la “société civile” lyonnaise qui lui est redevable, tout ce monde dit économique ou culturel qui ne peut se permettre de ne pas marcher dans les pas de celui qui tient fermement la ville depuis le changement de millénaire. Oui, l’essentiel de ses collaborateurs a été spontanément prié de dégager du temps libre pour la campagne, et personne ne peut croire qu’une campagne présidentielle victorieuse a pu démarrer avec un directeur “à 30 %” – et à “70 %” dévoué à l’une des plus grandes collectivités locales de France. Oui, les salles publiques et privées se sont libérées à des conditions ultracompétitives, oui le grand cocktail servi à 1 000 invités politiquement choisis à l’hôtel de ville était bien plus une grande fête de précampagne que la simple réception du ministre de l’Économie, oui Emmanuel Macron a bénéficié pour chacun de ses déplacements à Lyon de conditions inaccessibles à ses adversaires.

Mais le procureur de la République aura à répondre à une question plus précise : y a-t-il des faits pénalement qualifiables ? Sauf surprise lors d’une éventuelle perquisition, par exemple dans les agendas du directeur de cabinet, que le Grand Lyon a pour l’instant refusé de communiquer, la justice aura sans doute du mal à apporter des preuves que la loi a été formellement transgressée, quand bien même tout le monde a vu que son esprit avait été bafoué. Le procureur de la République a d’ailleurs pour l’instant eu la prudence d’ouvrir une simple enquête préliminaire, pas une instruction judiciaire, qui aurait demandé des éléments de preuve plus palpables. En dix-sept ans de pouvoir sans partage à Lyon, Gérard Collomb est passé maître des apparences. Comme sur ces marchés publics, qui respectent formellement toutes les règles, même si tout le monde connaît le gagnant avant même qu’ils n’aient été lancés.

Le seul problème lorsque l’on joue ainsi avec les lignes jaunes, c’est que l’on court toujours le risque d’une imprudence, qui ferait basculer l’édifice du mauvais côté. Ce ne serait pas la première. Gérard Collomb a surmonté les précédentes grâce à une certaine mansuétude lyonnaise, une ville où sont bien rares les magistrats, les journalistes et même les élus d’opposition qui ne participent pas au concours de celui qui fera le moins de vagues… Mais certains témoignent désormais d’ardeurs qu’on ne soupçonnait pas. Sans doute le revers de la médaille lorsque l’on a acquis une stature nationale.

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