Pour cette rentrée, le théâtre des Célestins met Marc Lainé à l’honneur. Le diptyque Nos Paysages mineurs et En finir avec leur histoire sera à l’affiche du 23 au 27 septembre. Tandis que le troisième volet de cette trilogie théâtrale, La Chambre de l’écrivain, est programmé du 2 au 5 octobre.
Une vie d’amour résumée en une heure de trajet en train : voilà le pari poétique de Nos Paysages mineurs, le premier volet de la trilogie Liliane et Paul, écrite, mise en scène et scénographiée par Marc Lainé, l’actuel patron de la Comédie de Valence.
Dans cette pièce elliptique aux accents cinématographiques, le spectateur suit un couple à travers les vitres d’un compartiment. Petit à petit, on prend connaissance de leur situation, de leur amour, à la fois singulier et banal.
Lui, prof de philo, enseigne dans une petite ville de province ; elle, vendeuse au Bazar de Paris, d’origine modeste, rend visite à ses parents. Leurs chemins se croisent au mitan des années 1970…
L’atmosphère des trains de l’époque, pour ceux qui l’ont connue, est admirablement restituée grâce à un dispositif particulier. Poursuivant ses recherches à la croisée du théâtre et du cinéma, le metteur en scène a imaginé un dispositif vidéo qui, à l’aide de trois caméras mobiles, filme en direct et alternativement l’intérieur d’un compartiment et le parcours d’un train électrique fonçant sur une maquette très réaliste, traversant tunnels et paysages de plus en plus arides.
Cette première étape de l’ambitieuse trilogie théâtrale avait été programmée par le théâtre de la Renaissance en 2023. On pourra la revoir aux Célestins en ce début de saison (du 23 au 27 septembre), suivie de la deuxième étape de ce projet au long cours, En finir avec leur histoire (soit presque 3 heures de spectacle en tout).
Dans ce deuxième épisode, nous basculons en 1992… Le bloc communiste s’est effondré. Séparés depuis longtemps, Liliane et Paul se baladent la nuit à Paris et évoquent autant leur enfant unique que leurs désillusions post-soixante-huitardes.
En filigrane, on comprend de quelle façon Liliane a conquis son indépendance en combattant un patriarcat coriace ; et comment elle est devenue une transfuge de classe. Marc Lainé démontre, là encore, son habileté à mêler théâtre et cinéma ; il distord le temps et l’espace grâce à l’usage de caméras et invente une scénographie grand-angle de toute beauté. La bande originale, jouée en live, du violoncelliste Vincent Segal donne une grande force au jeu, très complice, du couple de comédiens (Vladislav Galard et Adeline Guillot).
Troisième et dernier épisode
Il faudra attendre quelques jours pour apprécier l’ultime épisode du feuilleton théâtral. Avec La Chambre de l’écrivain, Marc Lainé clôturera ce cycle présenté intégralement aux Célestins, sur l’histoire de sa propre famille et celle de plusieurs décennies françaises. De la désillusion, à ses yeux, de la vague émancipatrice et politique initiée par Mai 68 jusqu’aux questions actuelles sur les rapports de domination et le patriarcat.
Martin (son double théâtral) a 45 ans, il est metteur en scène et travaille sur un spectacle qui explore la faillite de la romance de ses parents. À travers cette création, il cherche à comprendre les circonstances de sa propre conception et à révéler les non-dits de son père, un écrivain récompensé par le prix Goncourt (son père, Pascal Lainé avait reçu le prix en 1974 avec La Dentellière).
Il entame aussi un dialogue avec la jeune génération grâce à sa rencontre avec une technicienne de théâtre. Entre autobiographie et fiction, les frontières s’estompent. Marc Lainé couvre six décennies d’histoire : la sienne et, par extension, la nôtre.
Nos Paysages mineurs et En finir avec leur histoire– Du 23 au 27 septembre. La Chambre de l’écrivain – Du 2 au 5 octobre aux Célestins