Ukraine : ce que la rue pense de Ioulia Timochenko

Libérée après trois ans de prison, Iloulia Timochenko a fait un retour triomphal sur la scène politique ukrainienne. L’ancienne Premier ministre, héroïne de la Révolution orange, pourrait être candidate aux élections présidentielles de mai prochain. Acclamée sur le podium de Maïdan et respectée par son peuple, la “Timochenka” ne suscite pourtant pas l’adhésion dans les rues de la capitale.

De notre envoyé spécial à Kiev (Ukraine).

"J'ai rêvé de ce jour (...) Vous êtes des héros, vous êtes la meilleure chose d'Ukraine, je suis fière de vous !" Des tresses blondes et un fauteuil roulant. Une émotion et un tremblement. Samedi soir, libérée après trois ans de prison, Ioulia Timochenko a été acclamée par plus de 50 000 personnes à Maïdan, la place de l'Indépendance de Kiev. Opposante historique d'un président devenu l'ennemi public numéro un, la "Dame de fer", même diminuée par la maladie, dispose d'un boulevard politique, et pourrait être candidate aux élections présidentielles du 25 mai prochain. Mais, à l'intérieur et loin des barricades, après trois mois de révolution et de combats pour la démocratie, que pense vraiment la rue de l'"égérie de la Révolution orange" ?

“C’est une guerrière, protectrice du peuple ukrainien”

"Je suis très heureuse que Ioulia Timochenko soit libre. Mais je ne veux pas d'elle comme Premier ministre ou présidente." A 62 ans, Envgenya exprime la pensée de beaucoup d'Ukrainiens sur la "Timochenka". "Une femme forte", explique Envgenya en attendant son bus, mais "nous avons besoin de nouvelles têtes en Ukraine". Belle, populaire, charismatique, Ioulia Timochenko, la "paysanne glamour" avec ses tresses blondes, est même perçue comme une muse par Larysa, 70 ans : "C'est une guerrière, protectrice du peuple ukrainien. Elle est convaincante et peut entraîner les gens avec elle." Avant de nuancer : "Beaucoup de choses ont changé en Ukraine depuis trois ans."

“Elle n’est pas cruelle, mais elle est corrompue”

Inspiratrice de la Révolution orange de 2004, qui avait destitué Viktor Ianoukovitch, pro-européenne, Ioulia Timochenko a su réunir par le passé des centaines de milliers de personnes à Maïdan. Mais elle reste un symbole de l'Ukraine oligarchique et d'une caste politique corrompue. "Je veux voir de nouveaux visages et Timochenko fait partie du cirque. On veut supprimer le mauvais karma sur nos présidents ici en Ukraine", explique Tarass, assistant social de 33 ans. "Elle n'est pas très loin de Ianoukovitch. Elle n'est pas cruelle, mais elle est corrompue", confirme Olena, pyschologue.

En effet, comme l'a révélé Mediapart en novembre dernier, Ioulia Timochenko, alors surnommée "la princesse du gaz", aurait détourné des centaines de millions de dollars dans les années 1990. Et, d'après des câbles de l'ambassade américaine à Kiev, publiés par WikiLeaks, ses mandats de Premier ministre auraient été marqués par la paralysie politique et la corruption.

“On ne veut pas changer les noms, on veut changer un système”

Atteinte d'une maladie de la peau qui la cloue dans un fauteuil roulant, Ioulia Timochenko, affaiblie, n'est plus cette machine politique, celle qui poussa le magazine américain Forbes à la classer troisième femme la plus puissante de la planète en 2005. Près du Parlement, Dimytriy, 30 ans, commente avec humour : "Je veux que Ioulia Timochenko guérisse, comme ça elle pourra écrire ses mémoires !" Le jeune homme peint des affiches pour une future manifestation. Sur l'une d'entre elles, il a écrit "Lustration complète", en référence aux listes de collaborateurs sous le régime communiste. "Elle représente le passé, soupire-t-il. On ne veut pas changer les noms, on veut changer un système qui est rouillé."

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