“Le Confluent” est le premier couteau régional de Lyon, créé par la famille Poly en 2009 en plusieurs coloris et matières /Antoine Merlet
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Saga lyonnaise : Coutellerie Poly, lame de Lyon

Depuis 1847, les couteaux de la famille Guêpe-Poly fournissent les maisons lyonnaises mais aussi les plus grands cuisiniers de la ville, les costumières de l’Opéra ou encore les soyeux. Retour sur cette incroyable enseigne transmise par sept générations de descendants.

Le monde tourne, les saisons passent, la maison Poly demeure. Coutellerie lyonnaise depuis 1847, l’enseigne mythique du cours Franklin-Roosevelt (6e arrondissement) – alors cours Morand – traverse le temps sans coup férir… et entre doucement dans l’histoire de la ville de Lyon. Les Lyonnais d’hier et d’aujourd’hui passent toujours la même porte puisque l’emplacement de la vénérable boutique n’a pas changé depuis les 175 ans qui nous séparent de son ouverture.
Les couteaux géants de la coutellerie ont fait la renommée de la boutique. /Antoine Merlet

Sept générations de couteliers

Dans cette famille où la notion d’héritage n’est pas vaine ni cupide, c’est maintenant la 7e génération de descendants qui tient les rênes du magasin. Sur la devanture, un produit loin des effets de mode malgré l’engouement de ces dernières années : le couteau. Synonymes de qualité et de savoir-faire, les lames Poly investissent depuis longtemps les grandes cuisines des restaurants de la région, mais pas seulement. Soyeux, costumiers, coiffeurs, nombreuses sont les professions à s’équiper chez Poly. “Être dans le vent c’est avoir le destin des feuilles mortes”, écrivait avec malice l’académicien et professeur au lycée du Parc, Jean Guitton. Des mots que ne renieraient pas Régis et Orianne Poly, derniers rejetons à avoir repris l’entreprise familiale. Pour cela, ils ont d’ailleurs été récompensés en recevant le prix de la transmission d’entreprise en 2018 de la part de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Les vieux Lyonnais se rappelleront aussi de l’ancienne grande boutique à l’angle de la place des Terreaux et de la rue Romarin, en face de l’hôtel de ville, dans le 1er arrondissement. L’enseigne se présentait alors sous le nom de Poly-Guêpe. Un lieu autrefois réputé où les fiancés de la ville venaient déposer leur liste de mariage. Eugène Guêpe avec sa famille réunie avant la Première Guerre mondiale. Jeanne, encore enfant, reprendra la maison mère Ils seront tous couteliers

Développement d’une boutique mais aussi d’un quartier

Lorsque Joanny Guêpe, ancêtre des Poly, ouvre sa petite échoppe en 1847 au nord de la commune de la Guillotière, se doutait-il que sa descendance ferait perdurer son activité si loin ? C’est l’une des particularités de la maison mère de la coutellerie Poly : trois adresses à travers l’histoire sans jamais déménager. La cause de ce phénomène ? Les changements successifs des frontières des municipalités. En 1852, la Guillotière est rattachée à Lyon par décret impérial et forme le 3e arrondissement. Une mesure qui prend place un an après le coup d’État du nouvellement nommé Napoléon III, peu aimé des Lyonnais. En 1867, le 3e arrondissement se scinde en deux pour donner naissance au 6e arrondissement. Devenu trop important, il avait fini par compter plus de 100 000 âmes. De plus, l’État goûtait mal “l’esprit d’individualité” de cette commune bouillonnante, écrit le préfet d’alors. La coutellerie prend donc place dans ce secteur en pleine transformation. Les Brotteaux couvraient une surface beaucoup plus importante qu’aujourd’hui et venaient s’étirer jusqu’au Rhône. Le quartier, mélange de hauts immeubles, de maisons sommaires et de friches, était encore loin de l’actuel. Il suffisait de marcher un peu pour arriver aux champs. Mais déjà l’urbaniste Jean-Antoine Morand avait tracé ses grandes lignes droites bordées d’arbres, dessinant le plan du futur 6e arrondissement, et créé la place Lyautey (alors place des Brotteaux). Non loin de là, vers l’est, passait la Rize, ce cours d’eau aujourd’hui presque disparu, chéri des teinturiers et des tanneurs avec leurs odeurs fortes. Encore derrière, les marécages de la Dombes qui descendaient bien bas vers Lyon. On imagine sans peine un secteur humide, grouillant de monde et le crissement du métal sur la meule du coutelier Joanny en fond sonore. Ses services : la petite restauration et l’affûtage.

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