Située rue Belfort, dans le quartier de la Croix-Rousse, la Maison de la Diversité accueille des séniors isolés, souvent LGBT+ et parfois atteints du VIH.
Elus, membres d'associations, architectes et co-habitants sont réunis ce jeudi 9 octobre rue Belfort pour inaugurer la première Maison de la Diversité de France à la Croix-Rousse. Dans cette maison, la moyenne d'âge des locataires est en moyenne de 65 ans. Certains sont homosexuels, d'autres trans ou hétéros sans soutien familial. Quelques-uns sont encore actifs, et quatre ont plus de 70 ans. Chacun dispose de son appartement individuel et jouit de 120 mètres carrés d'espaces partagés : cuisine, salon, buanderie, un vaste hangar à vélo, caves et jardin. L'objectif : offrir un lieu de vie sécurisé, agréable, inclusif et à prix bas, pour les séniors isolés, souvent LGBTI+, parfois atteints de VIH.
"Alors je vous rassure, vieillir en tant que personne LGBTI+ ou vieillir tout court c'est la même chose", débute amusé Stéphane Sauvé, délégué général de l'association porteuse du projet "Les audacieuses et les audacieux". Il poursuit : "Les personnes LGBTI+ ont les mêmes besoins, les mêmes envies, la seule chose qui diffère ce sont les parcours de vie." Des parcours de vie difficiles, souvent semés d'embûches ayant parfois poussé ces personnes à se rendre invisible, à s'isoler. Alors que le taux de suicide chez la personne âgée LGBTI+ est sept fois supérieur à la moyenne, la Maison de la Diversité s'impose comme un lieu où chacun peut s'assumer en communauté : "Cette maison a été créée pour que chacun puisse vieillir dignement, rompre cette solitude, trouver un endroit où chacun est respecté pour ce qu'il est", indique Stephane Sauvé.

"J'ai vécu toute ma vie avec la peur au ventre"
Parmi les tout premiers locataires de cette maison, François, 65 ans, s'est installé le 3 octobre dernier. Encore la tête dans les cartons, il commence à s'approprier le lieu, dont il rêvait depuis plusieurs années : "J'ai toujours voulu loger en habitat participatif mais je n'avais pas l'argent, la Maison de la Diversité à été une réelle opportunité pour moi", partage, grand sourire, le nouveau locataire. Habitant de Lyon depuis de nombreuses années, le sexagénaire s'impatiente de débuter sa nouvelle vie : "Cette maison répond à un vrai besoin sociétal (...) Pour nous, vivre dans un milieu safe, où nous n'allons pas recevoir de remarques, ni sur notre genre, ni sur notre sexualité, c'est déjà très important", affirme François.
Un milieu safe, comme un cocon, pensé pour les personnes ayant souffert d'une époque où l'homosexualité était réprimée : "Pour la plupart, nous avons vécu dans les années 70, à cette époque l'homophobie était pénalisée, nous nous faisions pourchasser par les flics, nous étions obligé de vivre dans une sorte de "no men's land" de l'amour et de la sexualité, et je crois que cette période a imprimé quelque chose chez moi ", raconte François. "J'ai vécu toute ma vie avec la peur au ventre, avec la peur qu'on repère que je sois gay, qu'on m'insulte, même aujourd'hui, je suis toujours très attentif parce l'homophobie perdure, même à Lyon"

"Nous somme heureux de trouver un groupe"
Comme là plupart de ses co-locataires, François n'a pas d'enfants, ou de famille sur qui compter : "Beaucoup d'entre nous ont été rejetés par leur famille (...) Moi par exemple, je suis parti de chez moi à dix-sept ans, il a fallu du temps pour que je me réconcilie avec ma famille et aujourd'hui encore le lien n'est pas tout à fait retissé." Le sexagénaire poursuit : "Je me suis reconstitué une famille avec des amis, avec des personnes qui partagent les mêmes préoccupations que moi, ce qui fait que quand j'ai vieilli, je me suis retrouvé loin de ma famille génétique, c'est l'une des raisons de l'isolement pour les personnes vieillissantes de la communauté LGBTI+."
Mais aujourd'hui, à 65 ans, François peut enfin respirer et semble avoir trouvé une nouvelle famille : "Nous sommes heureux de trouver un groupe, une collectivité, de mettre en place un projet de vie sociale (...) reposant sur des grands principes de solidarité, de partage, d'écoute, de bienveillance et d'activités partagées", explique le nouveau locataire, avant de terminer : "Il va tout de même falloir que nous apprenions à nous aimer les uns les autres, malgré nos différences."

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