Edito. Après Noir en 1989 et Doucet en 2020, 2026 pourrait marquer une nouvelle rupture : Aulas, ex-président de l’OL, défie le maire écologiste sortant.
En 1989, Lyon a connu une rupture nette. Lorsque Michel Noir, fringant quadragénaire, conquiert l’hôtel de ville, ce n’est pas seulement un maire qui tombe, c’est tout un monde qui s’efface. Celui des rad-soc et post-rad-soc, héritiers de Herriot et Pradel jugés trop datés pour une ville qui voulait enfin entrer dans son époque. Le changement n’était pas seulement politique, il était sociologique.
Trente ans plus tard, en 2020, le scénario s’est répété. À la surprise générale, Lyon est devenu vert. Grégory Doucet, inconnu au bataillon, a incarné une autre mutation : celle d’une ville où l’écologie, le vélo et l’urbanisme “apaisé” prenaient le pas sur le béton, la voiture et les grands chantiers. Beaucoup y ont vu une anomalie. Mais quatre ans après, le maire écologiste est toujours là et prêt à jouer le match retour.
Et c’est justement ce match retour que Jean-Michel Aulas veut provoquer. Après avoir longtemps dribblé la question, l’ancien président de l’OL a décidé de foncer droit au but : se présenter à la mairie en 2026.
À 75 ans passés, l’homme qui a transformé Gerland en Parc OL rêve désormais de transformer l’hôtel de ville en stade où il ferait tomber… les Verts. Clin d’œil involontaire mais savoureux : après avoir combattu l’ennemi juré de l’OL, l’ASSE, Aulas s’offre un nouveau derby, cette fois politique.
Mais la politique n’est pas un derby à huis clos. Aulas se dit “société civile” mais son apparition aux côtés de Laurent Wauquiez et Pierre Oliver, lors de la présentation du nouveau tournoi de tennis de la ville, l’a catalogué aussitôt comme l’homme de droite. Pis, ses alliés lui ont volé la vedette. Pour un stratège habitué à contrôler chaque détail, l’entrée en scène a manqué de maîtrise.
En face, Grégory Doucet ne se prive pas de tacler. Le maire, qu’on disait fragilisé par ses hésitations ou ses polémiques, retrouve un adversaire à sa mesure. Aulas, le patron flamboyant, symbole du sport business, lui offre un duel parfait : l’écologie pure et dure contre l’économie de projet, le vélo roi contre l’équilibrage des mobilités, l’idéalisme contre le pragmatisme. “On verra quand il s’agira de propositions”, glisse Doucet, comme pour rappeler qu’en 2020 on l’avait sous-estimé.
En vérité, le duel ne se réduit pas tant à une affaire d’ego que de vision. Aulas veut “refonder”, faire de Lyon une ville qui “pense loin, agit juste et rassemble large”. Sa promesse : réconcilier performance et solidarité, culture et histoire en refusant que l’écologie devienne un dogme. Doucet, lui, défend sa “ville apaisée” mais doit gérer une colère sourde jamais vue à Lyon. Pas tant contre la transition verte elle-même que contre un dogmatisme mal expliqué et des décisions jugées maladroites.
L’histoire lyonnaise alterne longues continuités et ruptures nettes et n’aime pas les petits ajustements. Après 1989 et 2020, 2026 pourrait être un nouveau tournant. Lyon devra choisir : prolonger l’expérience verte ou confier ses clés à l’homme qui a toujours fait rimer la ville avec haut niveau. Une partie des Lyonnais, exaspérée par le maire écologiste, pourrait bien voter Aulas, non par adhésion mais simplement pour ne plus voir les Verts en peinture. Comme souvent ici, l’issue se jouera dans la surface.