Yaya Konaté, mineur isolé installé au square Sainte-Marie Perrin, à Lyon @ Cheyenne Gabrelle

Menacés et désespérés, les mineurs isolés attendent un logement à Lyon

À bout de force, Yaya Konaté, l'un des exilés installé dans une des tentes du campement de mineurs isolés au square Sainte-Marie Perrin à Lyon, attend qu'un logement se libère.

"On dort dans des tentes sur des palettes pour éviter que les rats ne viennent", confie Yaya Konaté. Né le 17 janvier 2008, selon ses dires, à 15 ans Yaya est l'un des premiers à s'être installé au square Sainte-Marie Perrin, rue Etienne Dolet, dans le 3e arrondissement de Lyon. C'est ici qu'il a trouvé refuge en avril dernier avec 39 autres jeunes après avoir été expulsé des abords de l'Hôtel de la Métropole Lyon. Deux mois plus tard, ils ont été rejoints par 40 autres mineurs isolés.

Une situation extrêmement précaire dans laquelle se retrouvent Yaya et ses quelque 80 camarades après ne pas avoir été reconnus mineurs par le centre de mise à l'abri et d'évaluation (CMAE).

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"On commence à craquer"

Énervé et désespéré, Yaya Konaté dénonce les conditions dans lesquelles ils vivent. "On ne se sent ni à l'aise ni en sécurité dans ce parc. Tous les jours on reçoit des menaces. Parfois, on nous filme, on nous casse les tables... Je ne comprends pas, on ne fait rien de mal, on attend seulement une solution d'hébergement", lance ce jeune originaire de Côte d'Ivoire. Le 9 juin dernier, le groupuscule d'extrême droite Les Remparts avait notamment affiché des panneaux anti-migrants sur les grilles du parc, menaçant les exilés. "On a tellement peur d'eux que lorsque l'on est à l'école on n'arrive pas à se concentrer", poursuit-il. Outre les menaces, les jeunes subissent également les aléas de la météo. "Impossible de fermer l'œil de la nuit quand la pluie s'abat sur nous et que les branches des arbres tombent sur les tentes. Et quand il fait chaud, ça devient invivable", se désole Yaya, à bout de force.

"On ne pensait pas qu'en arrivant en France, on allait se retrouver dans la rue comme ça. C'est pas une vie"

Yaya Konaté

D'après le porte-parole du groupe, certains d'entre eux commencent "à craquer. Nous sommes ici on n'a pas de parents", poursuit Yaya. Le jeune ivoirien confie avoir quitté son pays peu de temps après le décès de sa mère pour fuir sa belle-mère, "elle était très dure avec moi, alors je dormais dans la rue. C'est pour ça que je suis parti". Pour arriver en France, Yaya a dû se rendre en Libye, puis en bateau jusqu'en Italie. À son arrivée sur le territoire métropolitain, ce "mineur" non accompagné passe automatiquement par la case CMAE. Pendant cinq jours, il est alors mis à l'abri, le temps que les évaluateurs déterminent si oui ou non il a moins de 18 ans. Un examen assuré, depuis 2018, par Forum réfugiés pour le compte de la Métropole de Lyon.

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280 mineurs étrangers et non accompagnés

Comme 280 autres jeunes de la Métropole de Lyon, Yaya qui assure avoir 15 ans n'a toutefois pas été reconnu comme mineur. À l'instar des autres jeunes dans sa situation, il a donc décidé de faire appel de cette décision devant le juge des enfants. Toutefois, en attendant le résultat de son recours, il se retrouve dans une situation où il n'est ni accompagné ni protégé.

"Beaucoup de jeunes ne sont pas reconnus mineurs à l'entretien parce qu'ils n'ont pas leurs papiers d'identité et pour certains n'ont même pas d'acte de naissance", explique Anne, membre du collectif Soutiens migrants Croix-Rousse. Dans les faits, seulement 30% des jeunes dont les dossiers sont étudiés par le CMAE seraient reconnus mineurs. Dans les grandes lignes, les examinateurs du CMAE se basent en général sur des faisceaux d'indices, en reconstituant le parcours de l'enfant. "Des professionnels évaluent le comportement du jeune et se positionnent à l'issue de l'entretien", nous précise Lucie Vacher, vice-présidente de la Métropole de Lyon, déléguée à l'enfance.

Souvent, plusieurs mois s'écoulent entre la mise à la rue des exilés par le centre et la décision de la justice, laissant les jeunes dans un vide juridique. Sur les 280 jeunes actuellement concernés dans la Métropole de Lyon, une centaine loge dans deux squats situés à Croix-Rousse - ouverts par des collectifs -, une autre centaine dorment dans les logements du dispositif La Station Milan (Lyon 3e) et Rockfeller (Lyon 3e), créés par la préfecture du Rhône et la Métropole de Lyon. Faute de place, les 80 restants dorment à la rue, dans les tentes du square Sainte-Marie-Perrin. "C'est un flux en continu. Quand un jeune d'un des deux squats ou de La Station est reconnu mineur par le juge, il libère une place", déplore Anne. Avant d'ajouter que l'ouverture "des squats c'est avant tout pour faire pression sur les institutions pour qu'elles trouvent une solution d'hébergement".

80% des jeunes reconnus mineurs par la justice

Concrètement, une fois que le CMAE juge qu'ils ne sont pas mineurs, avec l'aide - administrative notamment - de plusieurs collectifs, les mineurs font alors appel à un avocat pour être représentés devant le juge des enfants. Mais ces démarches sont souvent longues et traînent sur "plusieurs mois voire un an", en attendant la décision, dénonce Sébastien Gervais, membre du collectif Soutiens migrants Croix-Rousse.

Et pourtant, 80% des jeunes ayant déposé un recours devant le juge des enfants sont finalement reconnus mineurs. "Il y a plusieurs choses qui peuvent jouer. Comme le juge intervient des mois plus tard, il peut avoir des éléments en plus qui n'étaient pas forcément présents au moment de l'évaluation. Aussi, le juge statue bien souvent seulement sur la notion de papiers, alors que le CMAE ne se base pas exclusivement sur la question des papiers", ajoute Lucie Vacher. Dans le cas où le jeune est reconnu mineur, il est alors accompagné et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.

Pas de 3e "Station" à l'horizon

Le collectif Soutiens migrants Croix-Rousse, ainsi que les 80 jeunes attendent que la Métropole de Lyon mette en place une troisième Station ou un nouveau lieu pour loger les jeunes en recours. "Même s'il y a une rotation et que le dispositif de La Station pour les mineurs en recours est bien, ils sont encore trop nombreux à être sans toit. Il faudrait au moins une troisième station, ou alors changer l'évaluation de minorité", explique Anne.

"Nous, tout ce qu'on demande, c'est un toit pour se laver et dormir tranquillement"

Yaya Konaté

Co-piloté par la Métropole de Lyon (600 000 euros) et par l'État (600 000 euros), le dispositif de la Station, mis en place en 2020, permet d'accueillir des jeunes, non reconnus mineurs par la Métropole qui doivent attendre que le juge des enfants statue légalement sur leur minorité. "La Métropole de Lyon est le seul département en France à avoir mis en place le dispositif de La Station", insiste Lucie Vacher. Toutefois, à ce stade la création d'un troisième lieu d'accueil de type "Station" n'est pas à l'ordre du jour. "C'est quand même 100 places ouvertes en trois ans sur le territoire. Il faut prendre en compte le fait qu'il n'y a pas de dispositif égal à celui-là en France, donc toute la pression repose sur nous", justifie l'élue déléguée à l'enfance.

Depuis 2020, la collectivité assure avoir aidé plus de 800 mineurs non accompagnés, et même au delà de la majorité, car, à en croire l'élue écologiste, "plus de 90% d'entre eux sont suivis jusqu'à 21 ans maximum, pour les aider dans l'insertion professionnelle".

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