Xavier de La Selle, directeur du Musée d'histoire de Lyon, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Le surnaturel fascine toujours. Entre documentaires sur les fantômes, récits de phénomènes inexpliqués et séries fantastiques qui cartonnent, l’imaginaire du mystère et de l’étrange reste au cœur de notre culture contemporaine. Au Moyen Âge déjà, le "merveilleux" occupait une place centrale : monstres, légendes et créatures fantastiques étaient perçus comme bien réels. C’est ce parallèle qu’explore le Musée d’Histoire de Lyon avec sa nouvelle exposition « Le merveilleux Moyen Âge », présentée par son directeur Xavier de La Selle.
"La question n'était pas de savoir si les monstres existent ou si des créatures fantastiques existent ou n'existent pas, mais plutôt de savoir si elles étaient du côté du bien ou du côté du mal."
Un ensemble lapidaire médiéval sculpté exceptionnel
À travers les plus belles pièces de sa collection lapidaire sculptée médiévale, des manuscrits, des objets archéologiques et des outils de médiation, la nouvelle exposition du musée d’histoire de Lyon invite à découvrir le Moyen Âge lyonnais, en suivant comme fil conducteur l’histoire de l’abbaye de l’Ile-Barbe. Un voyage dans le temps, des débuts de l’époque médiévale à ses réinterprétations au 19e siècle et jusqu’à la pop culture contemporaine.
"Le point de départ, explique Xavier de La Selle, c'est l'existence d'une collection incroyable au musée, qui existe depuis longtemps, qui s'est enrichie au fil des années et qui est composée de sculptures, de pierres sculptées. Dans le vocabulaire des musées, on dit souvent le lapidaire. Il s'agit du lapidaire médiéval, des collections sculptées du Moyen Âge, de l'époque carolingienne, de Charlemagne, puis de l'époque romane, XIe et XIIe siècles. Nous avions envie de mettre en valeur et de donner à voir cette très belle collection de pierres sculptées."
L’exposition Merveilleux Moyen Age couvre le "long Moyen Âge" du Ve au XVIe siècle et met en lumière l’Ile-Barbe, un de ses hauts lieux à Lyon. Les récentes recherches ont révélé l’ancienneté de ce site et son intégration dans les grands réseaux monastiques et les foyers de création artistique. L’Ile-Barbe était également un important lieu de pèlerinage marial, antérieur à Fourvière.

Calcaire, Provenance : abbaye de l’Ile-Barbe, Vers 1150 – 1175, Musée d’histoire de Lyon – Gadagne, don Chartron, inv. 1964 ;
Crédit photo : Xavier Schwebel

Marionnette à tringle, Sicile, 19e siècle, Musée des arts
de la marionnette – Gadagne, Collection Dor, inv. 018.6.171; Crédit photo : Xavier Schwebel, musée des arts de la marionnette - Gadagne
La présentation de l'exposition Merveilleux Moyen Age par Xavier de La Selle
Le goût du Moyen Âge, aujourd’hui largement répandu à travers la pop culture, puise son inspiration dans l’imaginaire de cette période aussi fascinante que méconnue.
En exposant les plus belles pièces de sa collection de sculptures, le musée d’histoire de Lyon entend combler les publics passionnés. Cette exposition propose un récit qui associe rigueur scientifique, reconstitutions archéologiques et évocation du merveilleux médiéval, fait de lieux mystérieux, d’animaux fabuleux et d’objets sacrés.
Pendant une année entière, les visiteurs pourront suivre la longue histoire de l’abbaye de l’Ile-Barbe, révélée par les travaux récents de multiples archéologues, historiennes et historiens.Un parcours qui permet de mettre en lumière une époque trop souvent jugée obscure en démêlant ce qui relève du fait historique ou de la légende.
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Merveilleux Moyen Age. L'abbaye de l'Ile-Barbe, un voyage aux portes de Lyon.
Du 17 octobre 2025 au 1er novembre 2026.
Musée d'histoire de Lyon - Gadagne
1 place du Petit Collège, Lyon 5e. 04 78 42 03 61
- Du mercredi au dimanche, de 10h30 à 18h Fermé le 25 décembre, le 1er janvier, le dimanche de Pâques et le 14 juillet.
- Plein 9€, réduit 7€ et gratuit -18 ans

Graphite, aquarelle et encre sur papier, À partir de 1892, avant 1900, Lucien Bégule (dessinateur), Musée d’histoire de Lyon
– Gadagne, don Wagner, inv. 006.6.59 ;
Crédit photo : Musée d’histoire de Lyon – Gadagne

Calcaire, Provenance : abbatiale Saint-Martin, Ile-Barbe 11e siècle ; remployé au 19e siècle, rue Roquette (Lyon 9e) Musée d’histoire de Lyon – Gadagne, inv. 95.11.1 et .2 ; Crédit photo : Xavier Schwebel
La retranscription intégrale de l'entretien avec Xavier de La Selle
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono, nous accueillons aujourd'hui Xavier de La Selle, bonjour. Xavier de La Selle, vous êtes le directeur du musée d'histoire de Lyon dans le lieu qu'on appelle Gadagne. Alors, le musée ouvre une nouvelle exposition à partir du 17 octobre jusqu'au 1er novembre sur le Moyen Âge, sur le merveilleux Moyen Âge avec comme fil conducteur l'abbaye de l'Île Barbe, un voyage aux portes de Lyon. Alors c'est important parce qu'il y a à peu près une grosse exposition au musée d'histoire de Lyon par an. Voilà pourquoi on en parle. Mais finalement, qu'est-ce qui a inspiré cette nouvelle exposition sur le Moyen Âge ?
Alors le point de départ, c'est tout simplement l'existence d'une collection incroyable au musée, qui existe depuis longtemps, qui s'est enrichie au fil des années et qui est composée de sculptures, de pierres sculptées. Dans le vocabulaire des musées, on dit souvent le lapidaire. Il s'agit du lapidaire médiéval, des collections sculptées du Moyen Âge, de l'époque carolingienne, de Charlemagne, puis de l'époque romane, 11e et 12e siècles. Nous avions envie de mettre en valeur et de donner à voir cette très belle collection de pierres sculptées.
Parce que cette collection, il y a deux questions : pourquoi y a-t-il une telle collection à Lyon ? Et d'autre part, cette collection était-elle plutôt dans les coulisses, dans les réserves ?
Oui, c'est ça. Une partie de cette collection a été présentée dans l'ancien parcours permanent du musée d'histoire de Lyon, que nous avons rénové ces dernières années. La particularité, c'est qu'elle provient majoritairement des églises et surtout des abbayes, des monastères qui ont connu leur période florissante au Moyen Âge. Mais la plupart étaient situés dans la périphérie de la ville, notamment l'abbaye de l'Île Barbe ou l'abbaye de Savigny, dans le Rhône. Cela ne raconte pas directement l'histoire de la ville, mais cela fait partie du territoire environnant. Nous avons choisi de les mettre en valeur pour elles-mêmes et pour ce qu'elles racontent de l'histoire d'un territoire un peu plus large que celui de la ville de Lyon.
Alors la thématique, on l'a dit, c'est le merveilleux Moyen Âge. Ça aurait pu être simplement le Moyen Âge, mais pourquoi le "merveilleux" ? Quelle est l'importance du merveilleux au Moyen Âge ?
On joue un peu sur les mots, parce qu'aujourd'hui, "merveilleux" veut dire "génial", "superbe". Au Moyen Âge, cela désigne quelque chose de très particulier. En latin, on dit les mirabilia, les merveilles. Le merveilleux renvoie à l'imaginaire des hommes et des femmes du Moyen Âge qui voyaient des choses surnaturelles, étranges, qu'on ne pouvait pas expliquer par les connaissances de l'époque, mais qui étaient considérées comme naturelles. Le surnaturel était en quelque sorte naturel. La question n'était pas de savoir si les monstres ou les créatures fantastiques existaient, car pour eux elles existaient bel et bien. La vraie question était de savoir si elles étaient du côté du bien ou du mal. Cet univers de l'imaginaire médiéval est bien réel, très intéressant, et c'est ce que nous voulions évoquer dans l'exposition.
Donc j'imagine que les pièces les plus remarquables vont tourner autour de cet imaginaire, de ce surnaturel ?
Tout à fait. Un exemple simple : le bestiaire médiéval. On y trouve des animaux réels ou exotiques, comme des éléphants que les gens du Moyen Âge n'avaient jamais vus mais connaissaient par les récits de voyage. On a aussi les signes du Zodiaque, qui représentent le temps qui passe et qui étaient souvent figurés dans les abbayes. On y retrouve des animaux réels ou fantastiques, comme le griffon, qui a perduré ensuite dans la littérature de fantasy ou la pop culture, par exemple dans Harry Potter.
C'est vrai que le Moyen Âge évoque souvent une époque sombre. Vous parliez du merveilleux, du surnaturel. Qu'est-ce que vous souhaitez changer dans le regard du public avec cette exposition ?
Il y a quelque chose qui traverse toute l'exposition : la question du vrai et du faux. Nous avons même pensé à Alexandre Astier et à Kaamelott, et envisagé d'appeler l'exposition "Le Moyen Âge, c'était pas faux". Ce qui est nouveau aussi, c'est la mise à disposition du public des résultats de recherches scientifiques récentes, notamment archéologiques. Nous avons travaillé avec la direction d'archéologie de la ville de Lyon, qui a mené un programme de recherche pendant dix ans autour de l'Île Barbe. C'est pour cela que nous avons choisi ce lieu comme fil conducteur. L'enjeu est de démêler le vrai du faux, la légende de la réalité. Par exemple, il existe une sculpture surnommée "la couronne de Charlemagne" qui appartenait en réalité à une cheminée de l'abbaye. L'exposition montre comment et pourquoi ces légendes se sont formées.
Il y avait aussi la légende d'une bibliothèque de Charlemagne sur l'Île Barbe, il semble ?
Oui, c'est ça. On ne sait rien de certain sur la présence directe de Charlemagne. En revanche, à son époque, l'évêque de Lyon a eu une grande influence sur la ville et sur l'abbaye de l'Île Barbe, notamment dans l'organisation d'un scriptorium, un atelier de copie de manuscrits. Nous en présentons d'ailleurs quelques-uns, prêtés par la bibliothèque municipale. C'est à cette époque carolingienne qu'ont circulé de nombreux récits, parfois forgés dès le Moyen Âge et enrichis ensuite.
D'accord, en tout cas vous nous avez bien teasé, si je puis dire, cette nouvelle exposition du Musée d'Histoire de Lyon. C'est donc "Le merveilleux Moyen Âge", entre surnaturel, info et intox. L'exposition aura lieu du 17 octobre 2025 au 1er novembre 2026, au Musée Gadagne dans le Vieux Lyon. Une dernière question : le prix ?
L'entrée est gratuite pour beaucoup de publics, notamment les étudiants et les jeunes. Sinon, le tarif est de 8 euros, et 6 euros en tarif réduit.
Donc 8 euros, on y va les yeux fermés. Merci beaucoup Xavier Delacelle d'être venu sur le plateau de 6 minutes chrono. Pour plus d'informations, www.lyoncapitale.fr. À très bientôt !