Le tracé actuel de l’Anneau des sciences « version courte »

L'Anneau des sciences de Lyon ne verra jamais le jour, nécrologie d'un anachronisme

L'acte de décès du projet d'autoroute urbaine de l'Anneau des sciences vient d'être publié, même si sa mort avait déjà eu lieu depuis plusieurs semaines. Cette autoroute urbaine ne verra jamais le jour à Lyon, plus de 30 ans après avoir été imaginée.

Certains pourront toujours dire que le coronavirus COVID-19 aura eu la peau de l'autoroute urbaine de l'Anneau des sciences à Lyon, la réalité est pourtant autre. Ce projet visant à boucler le périphérique à l'Ouest était déjà agonisant depuis plusieurs semaines. Avec son abandon par Gérard Collomb, l'Anneau des sciences perd son dernier soutien sans condition.

Ce serpent de mer est évoqué à partir des années 70, étudié dans les années 90, avant d’être tué dans l’œuf par Raymond Barre. Dans les années 2000, Gérard Collomb le réanime, mais promet à ses alliés verts que la structure sera enterrée. Elle s'appelle Tronçon ouest du périphérique (TOP), elle deviendra Anneau des sciences, car devant relier les campus et pôles de recherche du Grand Lyon.

Un débat est alors lancé pour son tracé. La droite menée par François-Noel Buffet milite pour un parcours long qui épargnerait la ville d'Oullins dont il est maire. Au final, c'est le tracé court qui est retenu avec deux tubes de 14 kilomètres passant par le sud de Gerland à partir du périphérique Sud, puis par Oullins, Saint-Genis-Laval, Francheville, Tassin, Écully, pour arriver en jonction avec le boulevard périphérique nord et l'A6. Le début d'une tentative de verdissement commence, les échangeurs sont renommés "portes".

"Plus beau projet écologique de notre ville"

En 2013, lors de ses voeux, Gérard Collomb qualifie l'autoroute de : "plus beau projet écologique de notre ville". La même année, les conclusions du débat public ne vont pas dans ce sens : "la réalisation de l’infrastructure routière, très attendue par les élus et les entreprises, est vivement contestée par une part significative d’habitants (étalement urbain, nuisances importantes) en raison notamment des problèmes sanitaires et de la qualité de l’air aux abords des sorties de tunnels".

Une mobilisation citoyenne commence à apparaître, sans prendre plus d'ampleur dans le temps. Le dossier va tourner au ralenti, et se fait oublier. Gérard Collomb part au ministère de l'Intérieur en 2017. Tandis que le gouvernement est en pleine élaboration de la loi mobilités, l'ancien maire de Lyon ne fera rien pour pousser l'Anneau des sciences. L'autoroute urbaine ne sera pas considérée par Paris comme un projet structurant majeur et n'est donc pas inscrit dans la loi. En parallèle, le nouveau président de la métropole de Lyon, David Kimelfeld, fait voter des études sur l'infrastructure pour près de 6 millions d'euros.

Le tournant 2019

L'année 2019 va marquer un tournant à plus d'un égard. Régulièrement interrogé sur son soutien au projet, David Kimelfeld commence à prendre du recul et explique attendre une vaste étude sur les alternatives pour se positionner. En parallèle, Pierre Hémon, élu Europe Ecologie Les Verts, va mener un important travail pour compiler les données, chercher les logements préemptés par la métropole sur le tracé et échanger avec plusieurs milieux associatifs.

De son côté, Fabien Bagnon, encore président de la Ville à Vélo, s'appuie sur plusieurs documents, notamment les plans du tracé publié par Lyon Capitale, pour aider à la création de plusieurs collectifs. Il les unit sous la bannière "ADS non merci". La mobilisation citoyenne se fait de plus en plus forte, les marches pour le climat l'amplifient. Le mouvement Alternatiba ANV Rhône s'empare lui aussi du sujet et commence à l'étudier en profondeur pendant plusieurs mois. Il livrera une note de synthèse sur les conséquences écologiques, climatiques, tout en proposant des alternatives. L'infrastructure est également dans le viseur de Greenpeace. En novembre, David Kimelfeld se positionne et s'oppose ouvertement au projet. Pourtant, en 2019, personne n'imagine l'ampleur que va prendre le sujet. La guerre de l'Anneau va commencer.

"C’est ça ou la mort de Lyon"

Fin 2019, Gérard Collomb de retour à Lyon depuis un an, va faire du projet d'autoroute l'élément central de sa campagne. Il lance alors un avertissement "c’est ça ou la mort de Lyon". Le candidat prophétise congestion et apocalypse routière.

En parallèle, il lie une vision associant Anneau des sciences et déclassement de l'autoroute A6/A7 pourtant déjà lancé sans attendre l'infrastructure. Pendant trois mois, les contre-vérités vont s'enchaîner. La première est celle du financement de l'Anneau dont le budget est évalué entre 4 et 5 milliards d'euros au minimum. Or, ce dernier ne peut reposer que sur les seules épaules de la métropole et le risque de voir l'autoroute cannibaliser le financement d'autres infrastructures notamment pour de futurs métros se fait plus fort.

L'argent ne pourra venir d'ailleurs. Ce projet destiné à la voiture individuelle dans une ère marquée par la question écologique ne suscite aucun engouement du côté de l’Europe ou de l’État. De même, depuis son arrivée, le préfet Pascal Mailhos défend une stratégie de protection de l’eau, de l’air et du sol sur le territoire.

Dans la course à la métropole de Lyon, en plus de Gérard Collomb et ses soutiens, il ne reste plus que les Républicains et leur candidat François-Noël Buffet, ainsi que le Rassemblement National pour défendre l'idée du TOP. Les Verts et David Kimelfeld en profitent et en font un symbole d'ambition anachronique et climaticide. Pourtant, le plus gros du travail pour décrédibiliser l'Anneau sera fait en grande partie par ses soutiens.

Quand la science s'en mêle

Gérard Collomb s'obstine, qualifie l'Anneau des sciences "d'autoroute écologique". Il promet qu'il va réaliser l'infrastructure lors de rencontres publiques avec le BTP et le Medef. Ses déclarations mettent le feu aux poudres.

Pour lui, quand l'infrastructure sera terminée vers 2030, 2035, la voiture sera électrique ou à hydrogène et ne représentera pas un problème de pollution. Rapidement l'Anneau doit faire face à un nouvel ennemi : la science elle-même. Les études montrant que les véhicules "zéro émission" n'existent pas se multiplient. Des particules fines, dangereuses pour la santé, sont émises lors du freinage et des pneus, même par les voitures présentées comme "propres".

Se pose aussi la question du trafic induit par cette nouvelle autoroute et des risques de congestion et de pollution autour des échangeurs. Loi Mont-Blanc oblige, la régulation du trafic doit se faire à l'extérieur. Présenté comme l'alpha et l'omega censé régler tous les problèmes, l'Anneau se heurte aussi à une abondante littérature scientifique qui indique qu'il pourrait les aggraver (lire : 16 idées reçues sur l'Anneau des sciences, future autoroute urbaine).

L'arrivée de la question du prix du péage dans le débat, avec un long trajet Anneau et périphérique nord entre Oullins / Cité Internationale autour de 5 euros crispe même ceux qui soutiennent le projet. François-Noël Buffet prend ses distances et ressort le tracé long du placard. Pour lui, si l'Anneau est payant, les conducteurs passeront à l'Est, sur le périphérique gratuit. Ils ajouteront congestion et pollution à un secteur qui souffre déjà. Il le sait, relancer des études, c'est condamner le chantier.

Mi-février, un sondage est publié par nos confrères du Nouveau Lyon. L'Anneau est considéré comme le projet le moins prioritaire selon les sondés (voir ici). Au sein du camp Collomb, on commence à s'emmêler les pinceaux dans l'argumentaire : un double discours apparaît autour de la pollution. Aux habitants présents sur le tracé prévu, il est dit que l'infrastructure sera propre grâce aux voitures électriques et à hydrogène. À ceux qui sont dans le centre de Lyon, le discours change et repose sur "il faut sortir la pollution de la ville". Se dessine alors un paradoxe de plus en plus fort : si en 2030 / 2035, les véhicules promis ne sont pas polluants, pourquoi vouloir construire une infrastructure a plus de cinq milliards d'euros pour une pollution qui n'est censée plus exister ?

Les corbeaux de Lugdunum

Gérard Collomb et ses soutiens, dont la présidente du Sytral Fouziya Bouzerda, font front et enchaînent conférence de presse après conférence de presse. Lors de l'une d'elles, le plan de l'Anneau des Sciences se décroche pour tomber au sol, celui du métro E ne bouge pas. À Lugdunum, on ne plaisante pas avec les corbeaux ou les mauvais présages.

Du côté de l'État, on se prépare déjà à mettre un stop définitif à l'Anneau. La crainte de voir émerger un nouveau Notre-Dame-Des-Landes avec plusieurs ZAD est réelle. Les services veulent également éviter un scénario à l'A45, où aucune alternative crédible n'avait été étudiée quand ce projet d'autoroute entre Lyon et Saint-Étienne a été abandonné. L'arrêter le plus vite possible, c'est aussi forcer l'étude de nouveaux projets.

Avant le premier tour, le destin de l'Anneau est déjà scellé, le raz de marré des verts va l'accélérer. Qu'importe le deuxième tour, l'Anneau ne verra pas le jour. Il meurt en silence, sans fête de la victoire pour ceux l'ont combattu. Ce n'est pas le moment. Les regards sont tournés vers le choc qui arrive et l'épidémie de Coronavirus COVID-19.

Le 19 mai 2020, Gérard Collomb et ses soutiens invoquent les conséquences économiques de l'épidémie pour annoncer l'abandon du projet, sans évoquer les impacts écologiques, climatiques ou de la congestion qu'il aurait pu engendrer. "les voitures électriques, biogaz ou même à hydrogène se seront développées, nos habitudes de travail auront sans doute changé. Ce qui permettra de reposer le débat dans d’autres termes", écrivent-ils. Après près de 30 ans depuis les premières réflexions, le tronçon périphérique ouest ne verra pas le jour en 2035 à Lyon. Sans devoir attendre quinze ans pour une solution déjà anachronique en 2020, Lyon va pouvoir travailler sur les alternatives dès à présent.

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