Marche 8 mars 2020. Flickr

Journée des droits des femmes : "l’effet backlash" face à la libération de la parole

En 2023, le Rhône a enregistré une hausse de 20% des violences sexistes et sexuelles. Une augmentation qui s'expliquerait par une plus grande libération de la parole des victimes, mais aussi par un "climat d’impunité" qui entraînerait le passage à l’acte. 

Le 6 février dernier, la préfecture du Rhône dévoilait les chiffres des violences sexuelles dans le Rhône en 2023. De 2 209 cas de violences sexuelles recensés en 2022 dans le département, leur nombre a progressé de 20% en 2023, année où 2 656 ont été enregistrés. Soit plus de sept agressions par jour. Un constat que les services de l'État justifient par une meilleure libération de la parole des victimes, mais qui n'est que partiel selon plusieurs collectifs féministes. 

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"Les jeunes n'ont aucun contre-modèle"

Si en effet l’association Filactions estime que la libération de la parole peut expliquer cette hausse de 20 %, elle préfère néanmoins modérer ce simple constat. "Ce que l'on observe de façon générale, pas seulement dans le Rhône, c'est une libération de la parole. Aujourd'hui, les femmes se sentent plus légitimes à parler, mais il reste encore énormément de freins dans le parcours judiciaire, explique l'association, avant d'ajouter, mais ces résultats sont aussi le résultat d'un "backlash" que le Haut Conseil à l'Égalité à très bien démontré dans son dernier rapport. Si l'on regarde, tout le monde veut l'égalité, mais dans la pratique, on a un fossé qui se creuse parce que le patriarcat bénéficie à une partie de la population, parce que les jeunes n'ont aucun contre-modèle sur lequel se baser pour grandir."

“Aujourd'hui, les femmes se sentent plus légitimes à parler, mais il reste encore énormément de freins dans le parcours judiciaire"
Association Filactions
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Une analyse que partage Eline Roy, membre de la coordination du collectif Nous Toutes Rhône. "MeToo a été un moment clé de la lutte féministe. On voit aujourd'hui que les femmes et les jeunes filles sont plus sensibilisées sur ces questions, savent mieux reconnaître des situations de violences, explique-t-elle. Mais face à cela, on voit qu'il y a aussi un climat d'impunité. Lorsque le président de la République défend Gérard Depardieu comme il l'a fait, certains se disent que finalement ce n'est pas si grave et ça peut pousser à agir", déplore Eline Roy.

C'est quoi le backlash ?
Dans sa traduction française, le mot backlash signifie "contrecoup", mais peut aussi s’illustrer par l’expression "retour de bâton". Théorisé dans les années 1990 par la journaliste et militante féministe Susan Faludi dans son livre Backlash. The Undeclared War Against American Women, le concept "d’effet backlash" tend à représenter les reculs répétés qui succèdent aux grandes avancées en matière de droits des femmes

Des chiffres plus précis pour de meilleures solutions

De son côté, la préfecture du Rhône assure, qu’en plus d’une meilleure libération de la parole, les 54 mesures issues du Grenelle des violences conjugales de 2019 permettent aujourd’hui "d’avoir une meilleure visibilité sur les chiffres des violences." Sonia Germain, déléguée aux droits des femmes et à l'égalité du Rhône, assure que "les mesures du Grenelle permettent de pouvoir mieux référencer, mieux chiffrer les violences, pour que nous puissions apporter ensuite un travail et des réponses plus précis." Du côté des forces de l’ordre, "quasiment tous les policiers et gendarmes sont formés sur l’accueil des personnes victimes", indique toujours la déléguée. À terme, ces formations devraient contribuer à faire des policiers et des gendarmes "des experts" sur les violences sexistes et sexuelles. 

"Les mesures du Grenelle permettent de pouvoir mieux référencer (...) pour que nous puissions apporter ensuite un travail et des réponses plus précis"
Sonia Germain, déléguée aux droits des femmes et à l'égalité du Rhône
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D'après les services de l'État, en 2022 dans le département du Rhône, 32 bracelets anti-rapprochement "assurant le contrôle à distance des conjoints ou ex-conjoints violent ont été attribués ou suivis" et 174 personnes "ont pu bénéficier d’un téléphone grave danger sous l’autorité du Paquet de Lyon". Des réponses qui, pour le moment, ne semblent pas suffisantes pour les associations, qui pointent notamment du doigt des"dysfonctionnements" et un "manque de moyens" dans la justice. 

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Quelle suite pour les auteurs de violences ? 

Reste encore aujourd'hui la question de l'après pour l’association Filactions. "Qu'est-ce qu'on fait des auteurs de violences ? Est-ce qu'on les laisse en marge de la société et on les considère comme des monstres ? Ou alors on considère qu'ils ont été construits par ce système de continuum de violences et qu'ils peuvent changer." Une problématique à laquelle la préfecture du Rhône essaie de répondre. "On parle des victimes, mais on parle aussi des auteurs. On a aujourd’hui la volonté d’une meilleure prise en charge pour éviter la récidive", soutient Sonia Germain. 

Lire aussi : Violences faites aux femmes : la Métropole de Lyon dévoile sa campagne de sensibilisation

En lien avec des associations, dont le Service de Contrôle Judiciaire et d’Enquêtes (SCJE), des Centres de Prise en Charge des Auteurs de Violences Conjugales (CPCA) ont été créés par l'État afin d'endiguer le problème des violences. "D’une part, on prend en charge les victimes pour les sécuriser, et d’autre part, on prend en charge les auteurs de violences pour qu’ils puissent rencontrer une assistante sociale, une psychologue, une personne chargée de la réinsertion sociale, mais également des associations d’aide aux victimes pour qu’ils prennent conscience des violences et de leur responsabilité. On souhaite qu’ils cassent ce cercle de violence", conclut Sonia Germain. 

Si vous êtes victime de violences, appelez le 3919 ou rendez vous sur le site du gouvernement "Arrêtons les violences." Vous pourrez entrer en contact avec les forces de l'ordre de façon anonyme et sécurisée sur votre historique internet.

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