Bistrot de Lyon
Tim Douet

1974-2014 : Le Bistrot de Lyon, le précurseur canaille

Pour fêter ses 40 ans, Le Bistrot de Lyon propose un menu anniversaire à trois plats et 1 bouteille de champagne.

"Le Bistrot de Lyon semble avoir traversé les siècles, connu les fastes et les plumes des années vingt, les chapeaux-cloches et les aigrettes des années trente, fêté la Libération, vécu tant et plus. Pourtant, il n'a que quarante ans."

Ainsi commence la grande petite histoire de la brasserie la plus emblématique de la rue Mercière (2e).

Filles de joie et plancher qui couine

Le Bistrot de Lyon, son confort Pullman et son décor 1900, a été créé de toutes pièces durant les années 70, dans la rue la plus mal famée de Lyon. À cette époque, Mercière est la rue qui fait peur aux bonnes familles. Malgré la fermeture des maisons closes, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la rue Mercière fait de la Résistance et entre en clandestinité.

C'est la rue des filles de joie et des belles-de-nuit. Les prostituées font toujours le tapin, les michetons continuent de fréquenter les lieux, les flics et les voyous aussi. La rue n'est pas encore piétonne. "Il est allé voir les mercières de la rue Tupin... où plutôt les putains de la rue Mercière" dit-on alors à Lyon.

Bref, la rue est interlope et peu de Lyonnais s'y risquent.

Sauf Jean-Paul Lacombe, épaulé de son copain Jean-Claude Caro (aujourd'hui Le Caro de Lyon), qui mise sur la rue, alors en pleine réhabilitation (les lois Malraux ont évité que Pradel ne détruise tout). C'est le fameux "îlot 24".

"On a souvent demandé à Jean-Paul Lacombe par quel tour de magie, ou quelle ingénieuse étude de marché, il avait déniché l'emplacement idéal de son Bistrot et prévu que la rue Mercière deviendrait le centre tellurique de Lyon. La réalité, enfin avouée, est qu'il n'y avait là qu'un peu d'intuition et surtout une proximité qui lui permettrait de faire la navette à pied entre ses deux restaurants. Le reste n'est qu'une histoire de copains et de « plancher qui couine », l'envie de s'amuser et profiter de la vie" écrit François Mailhes (journaliste à Tribune de Lyon) dans le livre "Le Bistrot de Lyon – 40 ans rue Mercière"*.

Quand Caro et Lacombe ouvrent, en septembre 1974, la rue est un champ de ruines. À l'ouverture, il faut encore traverser la rue sur des planches, pour ne pas tomber dans les tranchées dont elle est lacérée.

Quand le tout Lyon et le tout Paris s'y pressent

Mais Lyon bouge. Lacombe le sent. Dès le XIIe siècle, la rue a toujours été au cœur des flux de la ville. Elle a toujours débordé d'énergie. C'est Guy Darmet, qui crée la première Maison de la danse de France, Gilbert Landrin qui ouvre La Graine, l'un des tout premiers "cafés-théâtres" de l'hexagone. Les artistes comiques se donnent rendez-vous au Bistrot de Lyon. Le lieuarrive à point nommé pour capter cette énergie, attirant les créateurs, les artistes, les oiseaux de nuit et les fêtards.

Au Bar du Bistrot, attenant, on y sirote des Chartreuse de Taragone, des bas armagnacs Laberdolive, des réserves de Leyrat en fine champagne, des eaux-de-vie de chez Metté... et du champagne. Car c'est ici, à l'époque, que Paris descend à Lyon pour faire la fête. La bande de chez Castel (le "roi des nuits parisiennes") enchaîne les réjouissances, passant de Bocuse au Bistrot de Lyon.

Les débuts : Jean-Claude Caro, Jean-Paul Lacombe, Dominique Fessetaud, ancien chef de l'étoilé Léon de Lyon, Elisabeth Caro, Jacqueline Piron-Blanc, fille de Paul Blanc. A droite. Jacques Martin, Jacky Bernard grand animateur des nuits lyonnaises et J.-P. Lacombe. Quand Paris descendait à Lyon pour faire la fête.

Cuisine canaille

On s'y régale d'une tarte à l'oignon, d'un œuf poché sur ratatouille froide, d'un feuilleté au fromage, d'une tête de veau sauce ravigote, d'un saucisson chaud et pommes à l'huile et de pots de beaujolais.

Le Bistrot de Lyon devient rapidement LA locomotive de la rue Mercière. Sept ans après son ouverture, on compte pas moins d'une quinzaine de restaurants. La rue des putes devient la rue des restaurants.

Surtout, Le Bistrot de Lyon a marqué une petite révolution en France : c'est le précurseur des bistrots des grands chefs. Le "petit Lacombe", comme certains le surnommaient parfois par jalousie (Léon de Lyon est alors le seul deux-étoiles de Lyon et à 28 ans le chef est le plus jeune étoilé de France), menaient de front deux styles de restauration : bistrot d'un côté, gastro version Versailles de l'autre. Aujourd'hui, tous les grands chefs ont imité le petit chef devenu grand.

* Éditions Glénat, collection « Le Verre et l'Assiette, janvier 2014.

Jean-Paul Lacombe et Jean-Claude Caro dans les années 70, aux débuts du Bistrot de Lyon.

Les deux mêmes, quelques décennies plus tard, devant Le Bistrot de Lyon qui fête ses 40 ans.

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Menu 40 ans

100 euros pour 2 personnes

1 bouteille de champagne Duval-Leroy « Fleur de champagne » 1er cru

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Terrine de foie gras de canard maison, chutney de fruits au miel et vinaigre de Xerès

ou

Carpaccio de noix de coquilles Saint-Jacques au citron vert et huile d'olive, petite salade de mâche

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Filet de bar poché au champagne, cuisson réduite en sabayon, et belle tranche de céleri boule poêlée

ou

Saint Cochon du Bistrot : andouillette, boudin noir et travers de porc confit, purée de pomme de terre et chips de lard

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Assortiment de fromages régionaux : reblochon fermier, crottin de brebis, fromage frais de vache au gêne et cervelle de Canut

ou

Omelette norvégienne festive flambée au Grand Marnier, glace praliné, glace pain d'épices et écorces d'orange confites

ou

Autour du chocolat : tarte à la ganache extra-bitter, sorbet cacao, tuile dentelle au gruée et sauce velours

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