Le monastère royal de Brou © Pierre Jayet

Escapade gourmande et culturelle à Bourg-en-Bresse

La nouvelle exposition Incarnations au monastère de Brou emprunte aux collections du macLYON. Une occasion propice, le temps d’un week-end d’automne, de revisiter ce joyau architectural, où viennent faire écho des œuvres contemporaines majeures. Prolongez la visite… la ville porte haut les traditions gastronomiques mais aussi de plus discrets savoir-faire, tels les émaux bressans ou une apothicairerie aux énigmatiques flacons médicinaux.

À une heure de Lyon, en train, avec de fréquentes liaisons, nul besoin de prendre sa voiture pour rejoindre Bourg-en-Bresse. Traditionnelle ville d’échanges, au cœur d’une région agricole réputée, la capitale de la Bresse a su se bâtir une alléchante renommée gastronomique, depuis ses volailles, à la crème fraîche AOP en passant par les vins voisins du Bugey. Promesse de gourmandes nourritures terrestres, la ville, avec en point d’orgue le monastère de Brou, satisfera aussi les curieux en quête d’histoire et de culture.

Brou : écrin gothique d’une princesse…

À un peu plus d’un kilomètre du centre-ville, le monastère royal de Brou se rejoint aisément, à pied en une vingtaine de minutes, ou à bord d’un Rubis’Vélo, l’équivalent de nos Vélo’v lyonnais, tous équipés d’une assistance électrique. Avec son toit en tuiles vernissées, immanquable repère de loin, l’ancien monastère n’est pas sans rappeler les hospices de Beaune. Et ce n’est pas tout à fait un hasard, car Marguerite d’Autriche, qui fit ériger ce mausolée à la gloire de Philibert le Beau, son époux trop tôt décédé, était la fille de Marie de Bourgogne, épouse de l’empereur Maximilien.

C’est à l’infortune matrimoniale de Marguerite d’Autriche que l’on doit ce “Taj Mahal bressan”, comme le qualifie avec une pointe d’espièglerie Edith Ponard, guide-conférencière à l’office de tourisme. Promise à l’âge de 2 ans au futur 

Charles VIII, qui lui préfère finalement Anne de Bretagne, elle épouse à 17 ans l’infant Don Juan d’Espagne, qui meurt après quelques mois de mariage. Puis devient veuve une deuxième fois, à 24 ans, après seulement trois années de bonheur avec Philibert le Beau, duc de Savoie.

Faisant intervenir les plus illustres artistes de son temps, le monastère est construit en seulement vingt-six ans (1506-1532). Marguerite n’y emménagera pourtant jamais puisqu’elle décède en 1530.

Le chœur et le jubé de l’église © Massimo Ripani

La visite commence par l’église, dont la nef immense, à l’architecture gothique assez dépouillée, contraste avec le foisonnement architectural du jubé et du chœur. Séparant anciennement la nef du chœur, le jubé de Brou, l’un des rares exemples qui existe encore en France, est une véritable dentelle de pierre, d’où émergent les initiales P (Philibert) et M (Marguerite) reliées par des lacs d’amour (corde à nœuds). “C’est le seul jubé en France sur lequel on peut marcher”, explique Edith Ponard, celui-ci ayant été pensé pour servir de passage à la princesse.

De la nef, le jubé mène au chœur où s’élève le cénotaphe de Philibert, entouré de celui de sa mère Marguerite de Bourbon et de sa femme Marguerite d’Autriche, mariant tous trois marbre blanc de Carrare, noir de Flandres et albâtre pour les détails, d’une finesse inouïe. Le raffinement du décor des tombeaux n’a d’égal que celui des stalles sculptées en chêne, typiques du maniérisme flamand.

… aux couleurs de l’art contemporain

Dès la nef, avec les colorées effigies funéraires africaines de Sunday Jack Akpan, le parcours est rythmé d’œuvres d’art contemporain, empruntées au musée d’Art contemporain de Lyon (macLyon). Elles s’invitent également dans les riches collections du musée des Beaux-Arts de la ville (abritées dans le monastère) où des œuvres de jeunes artistes, comme les carreaux du Stéphanois Dylan Caruso avec leur vernis de lait, ouvrent un dialogue avec la vierge allaitante du peintre de la Renaissance flamande Jan de Beer.

Mylène Besson, La Vieillesse © Marine Bontemps

Les triptyques d’Alain Pouillet flottent, eux, au-dessus de leurs compositions médiévales tandis que les sculptures florales de Henri Ughetto, aux couleurs vives et joyeuses, et pourtant réalisées avec plus de 50 000 gouttes de sang, viennent en contrepoint à une nature morte. La scénographie entrelacée dans la collection permanente invite à (re)découvrir les œuvres du macLyon, tout comme celles de Brou.

Le musée bressan possède plus de 450 œuvres du Moyen Âge à nos jours dont de nombreuses signées de Gustave Doré – qui publia à Bourg ses premières estampes, à l’âge de 12 ans – ainsi qu’une fascinante collection d’art abstrait, acquise en écho à la sacralité que dégage le lieu.

Dans les salles temporaires, les Lyonnais, entre autres découvertes, pourront revoir les œuvres de Sylvie Selig, révélées à la dernière Biennale, d’Orlan (dont le visage a servi de modèle à Geneviève Böhmer pour sa fontaine du Buisson ardent, à Lyon), de Marina Abramovic ou encore les dessins des corps joyeux mais vieillissants de Mylène Besson.

Œuvres de Jean Rosset dans le réfectoire © Marine Bontemps

À noter, le samedi 24 janvier 2026, à 15 h, la rencontre “Bouquet d’artistes” au monastère royal de Brou autour de quatre artistes régionaux : Mylène Besson, Dylan Caruso, Élodie Lefebvre et Alain Pouillet. L’artiste lyonnais Alain Pouillet est d’ailleurs à l’affiche d’une exposition Espéranto à la galerie Françoise-Besson jusqu’au 20 décembre 2025.

Incarnations, corps à corps avec les collections du macLyon – Du 18 octobre au 8 mars


Dans la sobre nef de l’église, seul trône un bénitier en marbre noir avec la devise de Marguerite (Fortune, Infortune, Fort Une), son infortune matrimoniale malgré sa fortune de naissance l’ayant rendue plus forte.


“Faire dialoguer les œuvres contemporaines avec le lieu”

Trois questions à Magali Briat-Philippe, conservatrice du patrimoine, responsable des patrimoines du monastère royal de Brou et co-commissaire de l’exposition Incarnations, corps à corps avec les collections du macLYON

Magali Briat-Philippe © Patrice Gagnant

Lyon Capitale : Comment s’est noué le partenariat avec le macLyon ?

Magali Briat-Philippe : Nous avons déjà collaboré dans le passé avec des institutions lyonnaises, comme le musée des Beaux-Arts en 2014 ou l’institut d’Art contemporain de Villeurbanne, en 2019-2020. Sur le même principe, l’exposition Incarnations permet au macLyon d’exporter ses collections, de toucher un public aindinois mais nous espérons aussi attirer un public lyonnais.

Pourquoi le choix de la thématique du corps ?

Le monastère de Brou, fondation funéraire médiévale, a une présence très forte donc l’idée était de faire dialoguer les œuvres contemporaines avec le lieu et ses collections. Avec Matthieu Lelièvre* , co-commissaire de cette exposition, nous avons choisi d’évoquer la dualité des corps céleste/terrestre, à l’horizontal, avec les gisants, ou debout et vivants. L’incarnation est l’acte par lequel un être spirituel prend corps. Dans l’église de Brou, il rappelle le Christ mais aussi, avec des artistes qui viennent des cinq continents, d’autres divinités, comme Shiva. Des artistes comme Orlan, en déconstruisant l’iconographie catholique, interrogent les diktats imposés au corps des femmes.

Quel est le parcours de l’exposition ?

À Brou, l’exposition investit le parcours permanent (église et musée) et les salles d’expos temporaires, avec des artistes déjà célèbres ou d’autres qui méritent d’être découverts. Parmi eux, plusieurs Belges et Néerlandais, tel Wim Delvoye, auteur d’un surprenant vitrail. En effet Marguerite d’Autriche était régente des Pays-Bas et de nombreux artistes sont venus du nord de l’Europe travailler à Brou. Elle se poursuit en centre-ville dans l’espace H2M où l’exposition explore comment, dans l’acte créateur, une idée abstraite prend forme.

* Responsable collection du macLYON


L’apothicairerie © Pierre Jayet

Découvrir l’art de soigner d’antan

À deux pas du monastère de Brou, l’hôtel-dieu, grand bâtiment du XVIIIe siècle aujourd’hui désaffecté, cache une fascinante officine, accessible tous les samedis lors de visites guidées. Si l’ancienne pharmacie hospitalière a fermé ses portes en 1963, tout a été gardé en état, dont un rutilant laboratoire, avec son pressoir pour extraire huiles, jus et sirops, ses alambics de cuivre du XVIIe siècle et les mortiers servant à préparer de fines poudres.

Les sœurs augustines puis de Saint-Joseph ont préparé ici tisanes, baumes, onguents et médicaments qui se découvrent sur les flacons, pots en céramique et boîtes qui, comme autrefois, remplissent encore les étagères. Certains flacons et piluliers contiennent même encore leur préparation !

Attardez-vous sur les étiquettes : on y découvre de la graisse d’ours ou de baleine, de l’hysope, de la gentiane et même de la salsepareille (eh oui, la fameuse plante fétiche des Schtroumpfs existe vraiment !). D’immenses pots ostentatoires révèlent aussi de curieux médicaments, comme la thériaque. “C’était la panacée, il fallait toujours en avoir”, explique Edith Ponard. Cette préparation connue depuis l’Antiquité contient une cinquantaine de composants… dont une assez forte dose d’opium !

Visites guidées tous les samedis de 14 h 30 à 16 h (réservation en ligne ou à l’office du tourisme)


Le saviez-vous ?
Savoyarde depuis le XIIIe siècle, c’est le traité de Lyon (1601), sous Henri IV, qui consacre l’appartenance de la Bresse à la France, tout comme le Bugey ou encore le pays de Gex.


Bijouterie Jeanvoine © Morgane Monneret

Émaux bressans

Marqué par la silhouette de l’église Notre-Dame et son clocher, le centre-ville de Bourg-en-Bresse dévoile une trentaine de maisons médiévales, bien conservées comme à Pérouges ainsi que de remarquables hôtels particuliers du XVIIIe siècle, à l’image de l’hôtel de Meillonnas (espace aujourd’hui dédié à l’art, baptisé H2M) ou l’hôtel de Bohan, rattaché à l’hôtel de ville.

Le centre-ville de Bourg-en-Bresse © Pierre Jayet

Il dévoile aussi une boutique qui perpétue un savoir-faire unique à Bourg : les émaux bressans. Depuis quatre générations, la bijouterie Jeanvoine, labellisée Entreprise du patrimoine vivant, fabrique à la main, dans l’atelier au-dessus de la boutique, des émaux, sertis d’or ou d’argent.

La spécificité bressane ? Ils sont décorés de paillons d’or, avec au centre une rosace entourée d’un décor symétrique, la bijouterie proposant de nombreuses pièces uniques. Cette tradition bressane, qui remonterait au XIVe siècle, s’égaye depuis de formes beaucoup plus épurées et propose une vaste gamme de couleurs (plus d’une vingtaine contre les cinq ou six traditionnelles).

Chocolaterie Monet © Morgane Monneret

Une chocolaterie dans son décor d’autrefois

Pour une pause douceur (des yeux et du palais), ne manquez pas de vous arrêter à la chocolaterie Monet, gérée par Stéphane Gilibert. Cette chocolaterie, qui date de 1906, a conservé son décor d’époque et porte toujours le nom des anciens propriétaires.

On y trouve quelques spécialités emblématiques, comme le Bresse Bleu, clin d’œil au fromage bressan, qui présente, sous sa fine croûte bleutée, un fourrage de praliné à la noisette et des éclats de nougatine. “Mon père l’a créé en 1984”, partage Stéphane Gilibert.

Entre novembre et décembre, il s’en vend pas moins de 400 kilos ! Parmi les autres délices typiques, les feuilles d’automne bressanes, la tuile de Brou ou encore l’Œuf de Bresse, se présentant comme un œuf dur mais garni d’une pellicule de chocolat noir et de praliné.


Pratique

Où loger ?
• Le Griffon d’Or, hôtel 3* de charme, dans un ancien relais de poste de 1701, en centre-ville – hotelgriffondor.fr
• Le Panorama 360, hôtel 4* en centre-ville, avec spa
bourgenbresse-panorama360.com
• Best Western, hôtel de France, hôtel 3* en centre-ville
bestwestern-hoteldefrance.com

Où se restaurer ?
• Scratch restaurant, cuisine gastronomique et inventive, circuit court et durable, étoile verte Michelin 2024
scratchrestaurant.fr
• Brasserie Le Français, spécialités locales dans un décor style 1900
brasserielefrancais.com

• Mets et vins, cuisine du terroir revisitée, produits frais
restaurant-metsetvins.com

Événements
• Salon de la gastronomie, 34e édition de ce festival des saveurs, à Bourg-en-Bresse, du 7 au 11 novembre
ainterexpo.com
• Rencontre avec l’artiste Orlan, le 11 décembre, de 18 h à 20 h au monastère royal de Brou – monastere-de-brou.fr
• Les Glorieuses de Bresse, visite commentée autour de la volaille de Bresse, le 12 décembre, de 9 h 30 à 13 h 30

Comment s’y rendre ?
• Train direct Lyon – Bourg-en-Bresse, comptez 1 heure

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