Olivier Adam, Gaëlle Nohant et Paul Gasnier… ce sont les choix de la rédaction pour cette rentrée littéraire
Et toute la vie devant nous, le futur prix Goncourt ?
Question annexe, Olivier Adam obtiendra-t-il le prix Goncourt cette année avec son nouveau livre, Et toute la vie devant nous ? L’auteur de dix-sept romans (dont Je vais bien, ne t’en fais pas, Falaises, Des Vents contraires, grand prix RTL-Lire) a souvent été cité parmi les favoris pour la récompense suprême, mais toujours coiffé au poteau.
Cette fois, ce serait mérité, et assez cocasse, puisque l’on trouve dans son dernier livre une scène où l’un de ses héros, un écrivain, est en “finale du Goncourt” : tout doit se décider entre lui et un autre candidat pour l’obtention du prix… Ça sent le vécu !
Quoi qu’il en soit, dans ce nouvel opus, Olivier Adam se montre dans sa meilleure forme littéraire. Il décrit sur plusieurs décennies le destin d’un trio, deux garçons et une fille, unis par une amitié profonde, forgée dans l’adolescence autour d’un secret dramatique, la mort accidentelle du frère de l’un d’entre eux.
On passe de l’enfance dans un milieu pavillonnaire (si bien connu et déjà décrit par l’écrivain), aux errements de la jeunesse et aux difficultés de l’âge adulte puis d’une forme de maturité. Plus de quatre décennies (des années 80 jusqu’à aujourd’hui) où leurs destins se croisent, se répondent, divergent pour s’unir à nouveau. C’est un grand roman réaliste qui retrace de façon poignante les grandes tendances d’une génération (celle d’Olivier Adam, né en 1974). Tout en menant une réflexion sur des questions essentielles comme la création artistique, l’érosion ou la perpétuation des sentiments d’amitié ou d’amour pris dans l’étau du temps qui passe. Magnifique.
Et toute la vie devant nous – Olivier Adam, éditions Flammarion, 320 p., 22 €.
Un grand roman d’amour, de guerre et de liberté…
Au centre du précédent roman de Gaëlle Nohant, il y avait “le Bureau d’éclaircissement des destins” (qui donnait son titre au livre). Un organisme situé en Allemagne, dont la mission est de rendre aux ancêtres et rarissimes survivants de la Shoah des objets ayant appartenu à leurs aïeux, autrefois internés, et massivement massacrés dans les camps de concentration. Gaëlle Nohant y mêlait avec une intensité bouleversante fiction et réalité historique. On retrouve ce savant mélange entre l’histoire (“avec sa grande H”, comme disait Georges Perec) et la fiction dans le dernier roman de l’écrivaine lyonnaise, L’Homme sous l’orage.
L’action se situe en 1917, au début de la fin de la Première Guerre mondiale ; alors que le front s’enlise, que la sanglante absurdité du conflit devient de plus en plus évidente. Par une nuit d’orage, un homme hirsute, aux abois, surgit dans un riche domaine viticole. La propriétaire (en l’absence du mari parti sur le front) lui refuse sèchement l’asile. Mais sa fille le retient et lui permet de se cacher pour échapper aux autorités. C’est un peintre, ami des plus grands artistes de son temps (Monet, Van Gogh, Matisse), qui a déserté, ne supportant plus la barbarie des tranchées.
Ce séjour ne pourra rester longtemps clandestin. Tant il bouleverse le destin de celles qui ont affaire au déserteur (la mère, la fille mais aussi une domestique dont les motifs pour le cacher, ou pour le dénoncer, sont troubles). L’amour va s’inviter dans ce dangereux jeu de cache-cache. Mais aussi le combat pour la liberté et contre l’inhumaine boucherie en cours.
L’Homme sous l’orage – Gaëlle Nohant, éditions l’Iconoclaste, 350 p., 21,90 €.
Une enquête intime et dramatique
Le 6 juin 2012, à Lyon, en bas des pentes de la Croix-Rousse, une femme d’une cinquantaine d’années est violemment percutée par un jeune délinquant multirécidiviste, Saïd, qui a mis sa motocross en roue arrière. La femme meurt de ses blessures ; le jeune homme, légèrement blessé, est arrêté tandis que deux de ses amis récupèrent sa moto afin de la soustraire aux mains de la police.
La victime, prof de yoga, adorée de sa famille et de ses proches, c’est la mère de Paul Gasnier, journaliste et auteur de La Collision. Un récit dans lequel il revient sur ce fait divers où se sont percutées deux personnes qui n’auraient jamais dû se rencontrer, tant elles appartiennent à des univers, des familles qui ne se rencontrent que… par accident.
D’un côté un parcours minable, désespérant, fait d’arnaques, de trafics, de séjours en prison qui se succèdent et d’une tendance irritante à se victimiser… De l’autre, le destin, plus classique, d’une femme bien intégrée, mère de famille issue de la bourgeoisie catholique, devenue une femme de gauche humaniste, respectée et respectable. “La bobo et le voyou”, pourrait-on dire si ce n’était pas si tragique.
Plus de douze ans après, Paul Gasnier a repris en main toutes les pièces du procès qui eut lieu après l’accident. Il a rencontré le policier qui a dirigé les investigations, le juge qui a mené l’instruction, l’avocat de Saïd, un éducateur qui a tenté – en vain – de le remettre dans le droit chemin, et sa sœur. L’enquête est précise, passionnante aussi bien sur les faits décrits que sur l’état d’esprit d’un fils confronté à l’immense douleur de perdre sa mère. Seul bémol, les apartés politiques, un peu convenus, dont il aurait pu se passer.
La Collision – Paul Gasnier, éditions Gallimard, 176 p., 19 €.
"les apartés politiques, un peu convenus, dont il aurait pu se passer." Ah oui ?
Parfois la politique, ça change la vie. Merci Grégory Doucet pour avoir faire passer Lyon à 30 km/h.
Merci Grégory doucet pour Presqu'île à vivre.
A vivre.
Vivre.