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Comment Collomb a gagné les pré-municipales

Le maire de Lyon en campagne, au côté de son adjoint aux sports

@ Laurent Chaponnois

Par son soutien victorieux à Thierry Braillard, le maire de Lyon a stoppé la poussée verte constatée à Lyon aux européennes, régionales et cantonales. Une démonstration de force qui n'a pas fini d'exacerber les tensions. Dans chaque camp, des exclusions de "traitres" sont à venir.

Pour Gérard Collomb, les législatives sont (presque) déjà terminées. Elles se sont jouées à un tour, le premier. Même s'il rêve d'un grand chelem qui verrait la gauche gagner ce dimanche les 1re et 4e circonscriptions, il lui importait surtout de barrer la route à Philippe Meirieu dans la primaire de gauche qui l'opposait à Thierry Braillard. Et, dans ce combat, le maire a jeté toutes ses forces, transformant le scrutin en referendum municipal. "À un moment, il n'a plus eu le choix. Il s'était suffisamment engagé pour qu'une défaite de son candidat soit aussi la sienne. Alors, autant y aller à fond", décrypte une collaboratrice. "Nous avons fait 30 000 portes sur les 50 000 que doit compter la circonscription. Et lui a bien dû en faire 1000 ou 1100", précise un membre du staff de Thierry Braillard.

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@ Laurent Chaponnois

Collomb s'est en effet démultiplié, passant cinq ou six demi-journées par semaine sur le terrain, lors des dernières semaines. "Sur la fin, il avait quasiment le même agenda que Braillard." Cet activisme a été d'un grand effet. Lorsque le fameux sondage confidentiel du PS est effectué, avant la présidentielle, le radical de gauche émerge à peine de la myriade de petits candidats : il est donné à 10%. Philippe Meirieu est alors évalué à 29% (lire ici). La position du maire de Lyon est déjà connue de tous – il a gratifié Meirieu du sobriquet de "Khmer vert" – mais le Collomb's Tour n'a pas encore commencé. Quelques semaines plus tard, alors que la campagne est déjà bien lancée, notre enquête réalisée du 1er au 4 juin ne donne plus que trois points d'avance au pédagogue (lire ici). La dernière ligne droite lui a été fatale, quand le maire a donné un coup de reins. Cette victoire est d'abord la sienne.

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Collomb, le candidat subliminal

Durant la campagne, Gérard Collomb a été de toutes les réunions stratégiques. Comme celle où il fut décidé d'utiliser les logos du PS."Il a d'abord voulu savoir si on pouvait le faire. Puis, quand on lui a présenté les arguments juridiques, il a dit "banco" ", relate ce proche de Thierry Braillard. C'est aussi lui qui a jugé utile de figurer sur les affiches de son poulain. Le cliché a été réalisé le 5 mai, au local de campagne de Najat Vallaud-Belkacem. Sur l'image, le maire de Lyon apparaît au premier plan, ses épaules devant celles de Braillard."Dans le sens de la lecture, il est sur la gauche, à la place du titulaire", observe Gaël Roustan, directeur de campagne de Philippe Meirieu. Dans l'inconscient des électeurs, il est le candidat. L'inverse est aussi vrai : le radical était de toutes les conférences de presse organisées par la Ville de Lyon ou par la communauté urbaine pour vanter l'action de l'exécutif. Ce printemps, il a marché sur les talons du maire.

Nathalie Perrin-Gilbert, à la préfecture, le soir du 1er tour

Pressions sur les militants

Si Gérard Collomb est apparu comme le candidat, c'est… qu'il l'était ! Pour lui, cette élection a été un tour de pré-chauffe des municipales. Un "warm up" où il a marqué son territoire. Il a laissé son équipe mener une campagne dure. "Dès le début, en traitant Philippe Meirieu de "Khmer vert", il a placé celle-ci sous le signe de l'injure", déplore Nathalie Perrin-Gilbert, suppléante (PS) de Meirieu. Tout ce que le département compte de socialistes ou de sympathisants a été prié de faire le bon choix : c'est avec nous ou contre nous. "Les membres de cabinet des collectivités ont été mis sous pression", regrettent plusieurs socialistes qui ont tenu à garder l'anonymat. C'est ainsi que la quasi-totalité de la fédération PS est entrée en transgression.

Comment il a stoppé la poussée verte

Pour 2014, Collomb a vite compris que le danger ne viendrait pas de l'UMP. "À chaque élection, on se rend compte qu'elle est de plus en plus déglinguée. La concurrence de la droite, ce sera le sujet du candidat socialiste en 2020, pas de Collomb en 2014", analyse Jean-Christophe Vincent, secrétaire fédéral en charge des élections. Le maire de Lyon a bien saisi que, cette fois, le feu couvait à gauche. Aux européennes de 2009, Michèle Rivasi (Europe Ecologie-Les Verts) devance le candidat socialiste de huit points à Lyon. Un an plus tard, aux régionales, même derrière la liste de Jean-Jack Queyranne (PS), Philippe Meirieu recueille encore 18,2% des voix à Lyon. En 2011, deux écologistes battent même les candidats socialistes aux cantonales : Béatrice Vessiller à Villeurbanne et Raymonde Poncet à la Croix-Rousse.

Raymonde Poncet et Béatrice Vessiller

La tendance est mortifère pour le PS. Comment dès lors être optimiste pour 2014 ? Selon Jean-Christophe Vincent, Gérard Collomb a deux contre-modèles à l'esprit : la Ville de Grenoble jusqu'en 2008 où Raymond Avriller et ses compères mènent la vie dure à Michel Destot, et la Région depuis 2010 où Queyranne est parfois l'otage de ses alliés. Lui ne lâcherait rien. Au lendemain des cantonales, le maire de Lyon limoge Dominique Bolliet, défait par Poncet, de la mairie du 4e. Les législatives constitueraient l'étape 1 de la contre-offensive.

Alain Giordano avec Thierry Braillard

Vers une exclusion de Giordano et Rivoire

Par la victoire de Thierry Braillard, le sénateur socialiste a fait coup double. Il a endigué le péril vert, mais il a aussi mis au jour les divisions qui existent dans le camp adverse. Quatre écologistes – et non des moindres – n'ont pas apporté leur soutien à Philippe Meirieu : Gilles Buna, Bruno Charles, Alain Giordano et Françoise Rivoire. Parce qu'ils ont même intégré le comité de soutien de Braillard, ces deux derniers seront, selon nos informations, exclus du parti le 28 juin prochain, à l'issue de leur comparution devant le comité politique régional EELV. Bruno Charles, lui, pourrait devoir s'expliquer de son courrier rendu public dans lequel il règle ses comptes avec Philippe Meirieu (lire ici). Les écolos vont-ils passer l'été à laver leur linge sale en public ? Collomb a-t-il allumé la mèche qui les ferait exploser ? Ce n'est pas l'avis d'Etienne Tête, pour qui"ce sont toujours les mêmes qui ont besoin de collectivités pour croûter. Les gens ne mordent pas la main de ceux qui les nourrissent. Ce sont des gagne-petits".

Pierre Hémon

Municipales 2014 : EELV planche pour une liste ouverte de 1er tour

Les chances d'une liste unique de premier tour PS-EELV en 2014, comme ce fut le cas en 2001 et 2008, se sont depuis huit jours amenuisées. "Si Gérard Collomb avait voulu nous pousser à cette stratégie d'autonomie, il ne s'y serait pas pris autrement", lance un écologiste. À en croire Pierre Hémon (photo ci-contre), président du groupe EELV au conseil municipal de Lyon, ou Bruno Bernard, chargé des élections chez EELV Rhône-Alpes, cette ligne est nettement majoritaire. Les écologistes imaginent déjà une liste ouverte à des éléments du Front de gauche, du MoDem et des socialistes entrés en dissidence – comprenant par exemple Nathalie Perrin-Gilbert. En face, Gérard Collomb s'emploierait à verdir son équipe, intégrant ses propres écolos. Il y aurait donc deux listes au premier tour... Et au 2e ? Le maire envisage-t-il de se présenter seul jusqu'au bout, sans alliés encombrants ? "En 2008, sans nous, il aurait quand même gagné. Mais si nous faisons 12% en 2014, il perdrait sans fusion de liste, notamment parce que le PS ne pourrait gagner seul les 3e, 4e, 5e et 7e arrondissements", pronostique déjà Bruno Bernard.

Apaisement avec la rue de Solférino ?

Dans cette guerre municipale déjà commencée, Gérard Collomb a laissé entrevoir sa tactique. Plus que jamais, il va bétonner sa majorité et pousser son avantage. L'exclusion de Nathalie Perrin-Gilbert du groupe socialiste à la Ville et à la communauté urbaine serait à l'ordre du jour. Ce durcissement inquiète jusque dans l'entourage du maire de Lyon. "Fréchisation", a crié Daniel Cohn-Bendit. Au PS national, où l'on a soutenu Meirieu, on observe l'évolution de la situation, sans envisager l'exclusion de l'édile ou une exacerbation des tensions. "L'apaisement doit être de son côté. Si tout le monde fait comme lui, il n'y aurait plus de parti ou de collectif", souffle toutefois un proche de Martine Aubry.

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