Patrice Verchère et Philippe Cochet
© Tim Douet

Jean-Paul Bret : “Collomb, c’est Don Corleone”

Au lendemain de l’investiture de Bruno Bonnell par En Marche à Villeurbanne, Jean-Paul Bret, le maire de la ville, qui soutient Najat Vallaud-Belkacem (PS), ne décolère pas. Il s’en prend aux méthodes de Gérard Collomb. Entretien.

Lyon Capitale : Vous aviez annoncé dès mercredi sur Lyoncapitale.fr qu'une investiture de Bruno Bonnell à Villeurbanne serait une tentative d'ingérence belliqueuse de Gérard Collomb sur votre municipalité. Ce scénario a eu lieu. En quoi l'investiture de Bruno Bonnell est-elle une déclaration de guerre ?

Jean-Paul Bret : Je suis consterné. Je suis atterré par les propos de Gérard Collomb, qui dépassent l'entendement. Il dit que le PS, qui a fait un mauvais score à Villeurbanne, prend le risque de faire perdre la circonscription et qu'il ne veut pas prendre ce risque. C'est le comble du cynisme. Il prétend venir sauver alors qu'il ne cherche qu'à nous faire perdre. C'est ahurissant de duplicité et de mauvaise foi. Pour tenir un tel discours, il se croit tout permis. Quand on regarde les investitures d'En Marche, Gérard Collomb, c'est Don Corleone. Il règle ses comptes à la manière d'un parrain. Il règle ses comptes avec Najat Vallaud-Belkacem, à qui il reproche d'avoir agressé Emmanuel Macron. Elle ne s'est pas soumise à lui et à Gérard Collomb. Le maire de Lyon et son entourage n'ont pas supporté sa montée en notoriété depuis cinq ans. Une espèce de haine passionnelle s'est installée contre l'oisillon qui s'est envolé. Elle fait ses preuves hors de Lyon. Avec les vents qui poussent Macron, Gérard Collomb a pensé que c'était le moment de la dégommer, que le rapport de force est en sa faveur. Il avait fait pareil avec Thierry Braillard aux législatives de 2012 contre le candidat investi par le PS. Il agit d'ailleurs de la même manière aujourd'hui contre Thierry Braillard [le secrétaire d'Etat aux Sports, bien que député sortant, n'a pas été investi par En Marche, Gérard Collomb soutenant Thomas Rudigoz, NdlR]. Ce sont des pratiques claniques.

Pensez-vous que Gérard Collomb règle aussi ses comptes avec vous, qui avez instauré un rapport de force à la métropole en créant votre propre groupe politique, distinct de celui du PS ?

À Villeurbanne, notre territoire est différent de Lyon et il veut y étendre son modèle lyonnais. Il veut imposer un modèle de soumission où tout procède de lui. Bruno Bonnell a été adoubé et poussé par Gérard Collomb alors qu'il a longtemps hésité à se présenter. Jusqu'à présent, Gérard Collomb avait toujours su composer avec les rapports de force locaux. Aujourd'hui, il veut être dans un rapport imposé. Avec la macronite, il se lâche. Il va jusqu'au bout d'où il peut aller. Il commet une erreur en s'éloignant des analyses politiques. Veut-il vraiment aller sur ce terrain ? Aujourd'hui, je sors la métropole de ces considérations. Je ne veux pas tout mélanger, mais je ne sais pas de quoi demain sera fait. Gérard Collomb pose des actes guerriers. Les choses ne seront plus comme avant.

En Marche a décidé d'investir 577 candidats aux législatives, pourquoi la circonscription villeurbannaise aurait-elle dû faire exception ? Qu’y a-t-il de personnel dans cette situation logique ?

Ce n'est pas un problème de logique. Si En Marche présente 577 candidats, il ne peut y avoir d'exception. Mais En Marche en fait pour Manuel Valls ou des élus Les Républicains. Ils ont fait le choix du supplice chinois pour certains et pas pour d'autres. En envoyant Bruno Bonnell à Villeurbanne, Gérard Collomb cherche la guerre. Il va l'avoir. Je suis un optimiste invétéré mais il y aura des conséquences pour la suite. La défaite de Bruno Bonnell sera aussi celle de Gérard Collomb. Nous avons une candidate qui a le niveau. Elle est brillante. Elle a des qualités humaines évidentes. Peu de candidats ont son niveau de compétences et les gens s'en rendent compte. Mon engagement auprès de Najat Vallaud-Belkacem sera total. Je suis aussi critique sur le système national d'investiture d'En Marche. Leur renouvellement se heurte au principe de réalité. Il y a des problèmes avec le Modem. Ils gardent des places pour la droite. Derrière l'emballage de modernité, je vois des arrangements politiques au mauvais sens du terme. Sur notre territoire, c'est le système Collomb. Il a désigné ses candidats hors des critères d'En Marche. La parité s'arrête. Sur les circonscriptions gagnables, il a investi ses affidés : Thomas Rudigoz, Hubert Julien-Laferrière, Jean-Louis Touraine, Anne Brugnera, Bruno Bonnell et Yves Blein. Le renouvellement promis se fait de manière anecdotique sur les circonscriptions ingagnables. Mais les militants d'En Marche ont bien vu que le renouveau s'arrêtait aux frontières de la métropole. C'est typique du fonctionnement clanique de Gérard Collomb. À Villeurbanne, nous allons tout faire pour que les choses se passent différemment. Son système va trouver ses limites. Villeurbanne a ses singularités et n'aime pas qu'on lui impose un modèle lyonnais porté par un empereur. Nous ne sommes pas un arrondissement de Lyon.

Avez-vous prévenu Gérard Collomb de votre hostilité à la candidature de Bruno Bonnell ?

Nous avons échangé mercredi. Je lui ai dit que cette investiture poserait un acte d'hostilité. Avant, nos villes vivaient dans le respect de leurs différences. Aujourd'hui, il vient ici porter la guerre. Il l'explique par le fait que Najat Vallaud-Belkacem a été agressive envers Emmanuel Macron. Ces arguments sont assez pitoyables. Il se présente en sauveur alors qu'il veut nuire. Pour atteindre ce sommet de duplicité, il faut avoir perdu ses repères. Il habille un acte d'hostilité par un discours mensonger.

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