Maurice Agnelet ou le combat d’une mère

Accusé du meurtre de son ancienne maîtresse, une riche héritière, cet homme sera jugé pour la troisième fois en mars prochain. Récit.

Aujourd’hui, Maurice Agnelet a 75 ans. Depuis plus de trente ans, il est poursuivi dans l’affaire Agnès Le Roux, et subit l’acharnement d’une mère persuadée de sa culpabilité dans la disparition de sa fille. Innocent ou coupable, le cas Maurice Agnelet interpelle. Suite à la rétractation de son principal alibi, il est accusé du meurtre de son ancienne maîtresse. Il est acquitté, puis condamné en appel. Son avocat, Me François Saint-Pierre, utilisera tous les recours en révision possibles, dans une affaire où les zones d’ombre demeurent. Maurice Agnelet sera jugé une troisième fois en mars prochain.

Disparition

En 1977, Agnès Le Roux, riche héritière d’un casino niçois, disparaît. Le corps n’a jamais été retrouvé. Depuis un an, elle fréquente Maurice Agnelet, un avocat à la réputation controversée, souvent décrit comme un homme antipathique. Durant leur liaison, elle va même jusqu’à vendre ses parts à l’ennemi intime de Le Roux, Jean-Dominique Fratoni, un autre propriétaire de casinos à Nice. En échange, 3 millions de francs vont être versés sur un compte suisse
au nom d’Agnès et de Maurice. À la Toussaint, la jeune
femme se volatilise. Elle et sa
Range Rover. Du fait de leur
querelle intestine, sa mère Renée Le Roux ne portera
plainte que trois mois plus
tard. Une information judiciaire est ouverte le 1er mars
1978 pour séquestration arbitraire. Sa mère est persuadée que Maurice Agnelet est coupable, mais un non-lieu sera prononcé en sa faveur en 1985.

Montage financier

C’est le volet financier de l’affaire qui va rattraper Maurice Agnelet, à la fin des années 1980. Il doit répondre devant la justice du montage financier élaboré avec Jean-Dominique Fratoni pour obtenir le contrôle du casino, le Palais de la Méditerranée. En 1990, il est condamné à 30 mois de prison dont deux ans fermes pour complicité de vente d’actions et abus de confiance. Dans l’esprit de Renée Le Roux, c’est incontestable, Maurice Agnelet a bien tué Agnès pour récupérer seul les 3 millions de francs dormant dans un compte suisse. C’est là-dessus que l’accusation bâtira ensuite son hypothèse. Ainsi une nouvelle information est-elle ouverte, neuf ans plus tard, pour recel de cadavre, joli tour de passe-passe de la part d’une mère tenace.

Faux alibi

En 1999, coup de théâtre : l’ex-épouse d’Agnelet affirme qu’elle a donné un faux alibi lors de l’instruction en 1981. Maurice et elle n’ont jamais été en Suisse lors de ce fameux week-end de la Toussaint en 1977. À cette époque, Maurice Agnelet est depuis longtemps radié du barreau et il vit au Panama. Une nouvelle instruction débute et il est mis en examen pour homicide volontaire puis pour assassinat en mai 2004. Maurice Agnelet ne fuit pas la justice. Il revient en France et fait face à la juge d’instruction lorsqu’il est renvoyé devant les assises. Acquitté en 2006, Maurice Agnelet est condamné à 20 ans de réclusion criminelle, en appel, un an plus tard.

Cour européenne des droits de l’homme

Comme pour d’autres affaires criminelles, Me Saint-Pierre, grâce à sa grande maîtrise des procédures, a utilisé successivement chacun des recours possibles. “J’ai tout essayé”, dit-il avec conviction. Le 15 octobre 2008, la Cour de cassation rejette le pourvoi de Maurice Agnelet. En 2012, la commission de révision refuse de saisir la Cour de révision : les nouveaux témoignages paraissent peu crédibles, voire inexacts ou invérifiables. Finalement, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France en janvier 2013, jugeant que la décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence n’était pas motivée. Le 31 janvier, la commission de réexamen (troisième voix de recours, extraordinaire) ordonne la tenue d’un nouveau procès. Maurice Agnelet est remis en liberté.

Il doit, pour la troisième fois, à 75 ans, comparaître devant une cour d’assises, du 17 mars au 11 avril prochains, à Rennes. Une affaire hors norme qui sera portée au cinéma (sous le titre L’Homme que l’on aimait trop) par André Téchiné avec, dans les rôles principaux, Guillaume Canet en Maurice Agnelet et Catherine Deneuve dans le rôle de Renée Le Roux.

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Cet article est extrait d’un dossier paru dans Lyon Capitale n°727 (novembre 2013).

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Tout notre dossier sur les erreurs judiciaires et la révision de procès au pénal est en ligne ici.

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