Photo PQR Le Progrès (MaxPPP)

50 ans après, l'assassinat du juge Renaud à Lyon reste un mystère

Cinquante ans après les faits, l'assassinat du juge Renaud le 3 juillet 1975 à Lyon reste un mystère. Ses proches veulent rouvrir l'enquête.

Le 3 juillet 1975, le juge François Renaud était abattu à Lyon. Vengeance du milieu lyonnais ou mobile politique ? Cinquante ans après, le meurtre reste non élucidé au grand dam de ses proches. "J'ai toujours eu l'impression que la justice ne voulait pas vraiment prendre cette affaire à bras le corps", confie son fils Francis Renaud, qui vit au Vietnam où son père est né en 1923 du temps de l'Indochine française.

Pour célébrer la mémoire du juge, Francis et son frère Roland avaient demandé à la cour d'appel de Lyon de mettre à leur disposition jeudi "une salle d'audience de l'ancien palais de justice" où il exerçait avant d'être assassiné.

La thèse d'une "raison d'État"

Dans un courrier, consulté par l'AFP, la cour refuse au nom "de la neutralité et de l'impartialité". Même si elle prévoit une minute de silence en hommage au magistrat, Francis Renaud n'a "pas bien compris" cette réponse. "Au fond, le malentendu continue..." Car la famille s'est toujours montrée critique des orientations de l'enquête.

Le juge Renaud - premier magistrat français tué depuis l'Occupation et le seul avec le juge Pierre Michel en 1981 à Marseille - a été touché vers 2 h 30 du matin par plusieurs balles, alors qu'il rentrait chez lui avec une compagne sur la colline de Fourvière. Sur la base d'informations fournies par trois "indics", la police a rapidement identifié trois des membres du commando des tueurs. Issus de la pègre locale, ils n'ont jamais été poursuivis, faute de preuve matérielle.

Et le tireur présumé, Jean-Pierre Marin, est mort criblé de balles l'année suivante, dans une fusillade avec des policiers qui le suspectaient d'avoir participé au rapt du petit Christophe, fils de l'industriel Alain Mérieux. Le juge Renaud était depuis quelques années chargé des dossiers de banditisme les plus épineux et la thèse d'une vengeance du milieu lyonnais contre les méthodes de cet ancien résistant, qui avait le verbe haut et la détention facile, a vite circulé. Mais elle apparaît trop réductrice aux proches de François Renaud.

"Le shérif"

"On a parlé de lui comme d'un juge colonial, en raison de ses débuts en Afrique, d'un magistrat atypique parce qu'il portait des vestes à carreaux et fumait des cigarillos dans son bureau. Une façon de démolir son image et de suggérer insidieusement qu'il aurait mérité son sort, c'est parfaitement odieux et contraire à la vérité", s'emporte Yves Bismuth, avocat de la famille.

Le juge lyonnais envisageait selon ses proches d'enquêter sur des financements politiques occultes en lien avec le service d'action civique (SAC), le service d'ordre chargé des basses œuvres du régime gaulliste. Peu avant le drame, il avait fait part à un ami de la visite de deux avocats décrits comme "barbouzes".

Pour la famille, ces éléments troubles, et l'incendie du cabinet de Me Bismuth, alimentent la thèse d'une "raison d'État" qui aurait empêché la justice d'avancer. Cette hypothèse a nourri le scénario du film Le juge Fayard dit le Shérif d'Yves Boisset, dont la bande-son avait été censurée à sa sortie en 1977, à chaque fois que le mot SAC était cité.

En 1992, après la succession de six juges d'instruction, un non-lieu est ordonné. La prescription est acquise depuis 2002. Les proches et leurs avocats ont demandé la réouverture du dossier par l'examen des scellés, afin d'entreprendre des recherches ADN. Or les deux cartons de scellés sont introuvables, perdus ou détruits, a révélé récemment l'hebdomadaire Tribune de Lyon.

Aujourd'hui, "j'ai l'impression qu'on l'oublie", regrette son ancienne greffière, Nicole Renck, qui participera, jeudi, à une commémoration organisée à titre privée par les proches du magistrat dans un hôtel proche de la scène de crime. Me Bismuth, qui reste "en colère", sera lui aussi présent. "Qu'on n'ait pas eu davantage la volonté d'élucider ce crime, et qu'aujourd'hui la justice s'en désintéresse, c'est tout de même un problème...", regrette-t-il.

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