Météo soleil
Fontaine de la place du Maréchal Lyautey à Lyon © Charlotte Santana

Livres : la sélection de Lyon Capitale pour l'été

Du grand retour en librairie d'Easton Ellis, l'auteur de American Psycho, au petit bijou mâtiné de littérature britannique de Edward St Aubyn, l'été 2019 apporte de quoi éponger les esprits assoifés de lecture. Avec même un petite touche lyonnaise grâce au nouveau roman de Christophe Desmurger, anciennement prof à Vénissieux.

Easton Ellis blanc comme neige ?

Le récent retour sur la scène littéraire internationale de Bret Easton Ellis a fait couler beaucoup d’encre, aux États-Unis mais aussi en France où son dernier livre, White, vient d’être traduit et publié. Il a d’abord surpris par sa forme. L’auteur des best-sellers American psycho, Moins que zéro et Lunar Park a en effet décidé d’abandonner le roman pour livrer son premier ouvrage de non fiction. Il faut dire qu’entretemps l’un de ses personnages fétiches, un certain Donald Trump (cité à plusieurs reprises dans American psycho), s’est installé à la Maison Blanche. Mais, si l’on ne retrouve pas les histoires glaçantes imprégnées de sang et de cocaïne (encore que…) dont l’écrivain a le secret, sa vision acerbe, cynique, de la modernité n’a rien perdu de sa force séminale. Il remonte d’ailleurs jusqu’à son adolescence, à l’époque où, livré à lui-même dans une confortable villa californienne, le jeune Bret se repaissait de films d’horreur, avant de découvrir, après moult errements, sa véritable orientation (homo)sexuelle. Mais, là où Ellis est le plus mordant – et le plus drôle –, c’est dans le regard porté sur une certaine Amérique. Blanche, aisée, votant démocrate et jouissant des “bons marqueurs culturels”. Et rendue de ce fait complètement hystérique par la grossièreté de la présidence trumpienne, vivant chaque tweet provocateur du chef de l’État comme un traumatisme et une attaque personnelle. L’ironie avec laquelle Ellis dépeint la gauche américaine, mais aussi l’agressivité malsaine des réseaux sociaux, frappe fort et juste.

  • Bret Easton Ellis / White – Robert Laffont, mai 2019, 302 p.

St Aubyn en plein learisme

Edward St Aubyn est l’auteur d’une série de romans – Peu importe, Mauvaise nouvelle, Après tout, Le Goût de la mère – animée par son alter ego littéraire, Patrick Melrose. Celui-ci n’est pas présent dans son dernier roman, Dunbar et ses filles, mais on y retrouve, portés à leur sommet, la plume sarcastique et l’humour so british de l’écrivain britannique. L’intrigue est quant à elle empruntée sciemment à un autre homme de lettres anglais, un certain William Shakespeare. Edward St Aubyn met en effet en scène un vieil Américain immensément riche dont les trois filles se disputent l’héritage alors qu’il n’a pas encore disparu de cette terre. Oui, cela fait furieusement penser au Roi Lear. Sauf que le héros de St Aubyn exerce son pouvoir sur un autre royaume que celui de Lear. C’est bien un roi, mais un roi de la finance, propriétaire d’un formidable empire médiatique. Un magnat richissime que deux de ses filles ont fait enfermer dans un établissement luxueux du nord de l’Angleterre. Dès les premières pages du roman, il s’en évade avec un comédien alcoolique, lui aussi passablement âgé. S’engage alors une sorte de course-poursuite, tandis qu’il erre dans la campagne anglaise enneigée. À ses trousses, ses deux harpies de filles, obsédées de sexe et de drogues ; la plus jeune des trois éprouvant pour son père un réel amour filial. Au suspense savamment distillé de la fuite se joint la description au scalpel de la psychologie des personnages. Sans oublier le tableau sans concession des milieux financier et médiatique. Ce roman est un bijou d’une haute valeur littéraire.

  • Edward St Aubyn / Dunbar et ses filles – Grasset, mars 2019, 288 p.

Desmurger, de la rage… et une plume

Pour écrire son premier livre, Des plumes et du goudron, Christophe Desmurger s’était inspiré de son expérience de prof dans un collège “difficile” de Vénissieux, auprès d’adolescents à peine sortis de l’enfance. Rien de nouveau, les écrivains sont souvent des enseignants (à moins que ce ne soit le contraire). En février dernier, après un détour – jubilatoire – par le polar (L’Assassinat de Gilles Marzotti), Christophe Desmurger a publié un nouveau roman, Rage. Sous ce titre choc, se cache un ouvrage sans doute aussi partiellement autobiographique. En tout cas, la rage, c’est le sentiment qui habitait son héros pendant sa jeunesse agitée. Une émotion qu’il retrouve intacte quand resurgit du passé son principal ami de l’époque, compagnon de tous les excès… Leur histoire commune, faite d’amitié mais aussi de rancœur et de jalousie, remonte à la surface. C’est là une des forces de ce nouvel opus : adroitement construit, il mêle habilement souvenirs – et chansons – d’une France oubliée à la réalité actuelle. Les personnages, qui passent de la vingtaine à la fin de quarantaine, sont attachants. Christophe Desmurger parvient à restituer l’impact du temps sur les caractères, le poids du passé qui façonne les existences. Un roman parfait pour des vacances entre (vieux) copains.

  • Christophe Desmurger / Rage – Fayard, mars 2019, 240 p.

[Article publié dans Lyon Capitale n° 790 – Juillet-Août 2019]

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