Dinosaur Jr

Le dernier Dinosaur en France

Précurseurs autant que survivants du grunge, J Mascis et Dinosaur Jr sont de retour dans la formation originelle. De moins en moins Junior mais de plus en plus Dinosaur.

À l’échelle de l’évolution du rock indépendant américain et du grunge qu’il engendra, Dinosaur Jr porte à merveille son nom de créature antédiluvienne. Ce d’autant plus qu’on a cru plus d’une fois à l’extinction de cette espèce au corps disgracieux mais à la rage inextinguible et belle. Dans ce Dinosaur, si c’était un T-Rex, Murph (le batteur) serait la colonne vertébrale massive permettant de faire tenir la bête debout en un mouvement de balancier, Lou Barlow (bassiste à lunettes, très tôt démissionné mais revenu il y a peu) les pattes musculeuses qui propulsent le carnosaure vers ses proies de manière inexorable, quand le leader J Mascis serait à la fois la grosse gueule à petite voix (il paraît que les dinosaures avaient des petites voix, mais on n’était pas né pour vérifier) et petites pattes avant griffues et habiles sur le manche de la guitare (bon, en fait, les dinosaures ne jouaient pas vraiment de guitare, ou alors mal, ça on en est sûr).

Ce mélange de puissance bruitiste et de finesse mélodique accoucha très tôt, dès la fin des années 1980, d’une formule imparable qui entraîna dans son sillage – avec des chansons comme Freak Scene – toute une école de jeunes branleurs aux dents longues, parmi lesquels le raptor Nirvana. À lui (le groupe de Seattle mené par Kurt Cobain), la récolte de lauriers poussés sur les semences de Dinosaur Jr, mais aussi Daniel Johnston ou Sebadoh (le groupe fondé par le bassiste Lou Barlow après son départ).

Slackers

Non, Dinosaur Jr, aussi culte soit-il, ne connut jamais le succès international de Nirvana, ne serait-ce que parce que pour cela J Mascis, ado mal dégrossi, aurait dû sortir de son canapé. Car le génial J Mascis est aussi et surtout l’un des emblèmes de cette génération X qui accoucha aux États-Unis des slackers (en français, “fainéants”), malades de fatigue et d’avoir vu leurs parents se goinfrer les fruits des Trente Glorieuses sans rien laisser. Le tout dans une atmosphère reagano-bushiste on ne peut plus plombante qui engendra d’une certaine manière l’explosion grunge.

Si les films Slacker (Richard Linklater) ou Clerks (Kevin Smith), Adam et Eve mitochondrials du cinéma indépendant américain, et le roman Génération X (Douglas Coupland) la mirent en images et en mots, Dinosaur Jr et son leader apathique en livrèrent la bande-son. Comme lorsqu’ils firent un succès, grandement ironique, de la reprise de Just Like Heaven de The Cure.

Intégralement reformés avec Lou Barlow (et aussi un peu déformés par l’âge), ces grands ados montrent à la jeune génération que toute cette flemme accumulée leur a permis d’en garder sous la papatte et que, comme dans les films, il ne fait jamais bon décongeler un fossile.

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Dinosaur Jr. Le 24 mai à Nîmes (Paloma, dans le cadre du festival This is not a Lovesong), le 29 à l’Épicerie Moderne (Feyzin), le 30 à Mérignac (Krakatoa). Annoncé aussi aux Eurockéennes de Belfort début juillet.

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