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Je suis un autre

La Maison de la danse sort les griffes de l’audace

La Maison de la danse vient de lancer la 2e édition de son festival jeunes créateurs “Sens dessus dessous”, avec trois premiers spectacles audacieux dont une très belle surprise : Je suis un autre, de Catherine Gaudet.

Je suis un autre, chorégraphie de Catherine Gaudet © Julie Artacho

Je suis un autre, chorégraphie de Catherine Gaudet © Julie Artacho

Programmée en France pour la première fois, la Québécoise Catherine Gaudet pourrait être la véritable découverte de ce festival, nous proposant sous la forme d’un duo homme-femme un véritable concentré de réflexions existentielles qui questionne aussi l’écriture chorégraphique. Je suis un autre a cette rare faculté de nous remuer de l’intérieur, nous interrogeant sur le sens de nos vies, le vrai, le faux, les apparences, les convenances, les rôles de l’homme et de la femme, la violence des rapports humains, les histoires que l’on s’invente pour tenter de palper une réalité qui ira jusqu’à se transformer en un conte de fées… un peu trash. Il est aussi question de régression, d’animalité, d’humour et de plaisir. Un véritable tour de soi où l’on se perd tout en chopant des sensations qui nous touchent droit au cœur.

La chorégraphe est allée chercher deux danseurs exceptionnels – Caroline Gravel et Dany Desjardins –, qui incarnent au millimètre près toutes sortes d’entrechocs vitaux. Son écriture est précise, efficace, inventive, délicatement transformée par l’empreinte de différents langages chorégraphiques. Elle s’instaure dans un corps-à-corps qui part du sol, baignant dans des états larvaires, primaires mais aussi sensuels. Un corps-à-corps qui se retrouve debout, divaguant au cœur d’une socialisation tremblante et perturbée par des points d’ancrage qui se dérobent constamment.

L’écriture de ce duo revêt une position juste, au service d’une pensée qui par le corps devient une véritable expression politique de ce que nous sommes. Elle remet la danse à sa place sans qu’aucun mouvement dérive, hors de l’idée de représentation, quand dans le même temps elle expérimente ce gouffre situé entre ce qui est sincère et ce qui ne l’est pas.

Une performance 3D… pas très convaincante

Movement C © Ulf Langheinrich

Movement C © Ulf Langheinrich

Compositeur de musique électronique et plasticien, l’Allemand Ulf Langheinrich a tenté avec Movement C de nous immerger dans une expérience en 3D, avec des effets stroboscopiques, autour de la notion de perception. Soumis à des différences de rythmes, le corps d’une danseuse nue s’étire, devient animal, embryon, monstre, tache jusqu’à planer au-dessus de nos têtes (avec l’effet de lunettes spéciales 3D) pour devenir matière, cellule, un champ abstrait censé provoquer notre imaginaire. Sauf qu’après les vingt premières minutes, où l’on ne perçoit pas vraiment d’innovation visuelle et où l’on s’ennuie, on est à peine impressionné de voir une femme vivante se mouvoir au-dessus de notre tête, tandis que la troisième partie nous éblouit tellement les yeux par les lumières et procédés utilisés qu’on les ferme pour attendre que cela se termine.

Un artiste plein de démons et d’humour… à suivre !

Propulsé dans un solo (sur)excité avec lequel il nous fait part de ses angoisses face à la mort, le jeune Simon Tanguy démontre une réelle capacité à proposer un langage original, pétri de ses multiples formations : le judo, le clown, le cirque, la danse contemporaine et… les études de philosophie. De fait, son solo Japan ne ressemble à rien d’autre que l’on ait déjà vu, porté par une bonne dose d’humour mais surtout par un engagement physique à la limite de la rupture.

Simon Tanguy dans son solo “Japan” © Nellie De Boer

Simon Tanguy dans son solo “Japan” © Nellie De Boer

On aime parce qu’il n’y va pas de main morte, l’écriture allant jusqu’à frôler le ridicule – notamment avec des hurlements et des soubresauts hystériques – mais qui apparaît délibéré dans cette volonté d’extraire les peurs. Simon Tanguy a une présence corporelle forte et incontournable. Dans des flots d’urgence scénique, il sait nous prendre, nous transporter d’un endroit à l’autre, d’une émotion à une autre. Il manipule l’absurde avec une grande intelligence quand, par exemple, allongé au sol, il balbutie un discours incohérent nous faisant état d’une confusion mentale – mi-tragique mi-comique – propice au suicide, à l’internement ou à la rigolade. On attend avec enthousiasme de découvrir comment son travail peut sortir du “moi” et évoluer dans un partage avec d’autres danseurs.

Ces trois spectacles sont présentés ce mercredi 26 mars à partir de 19h30, à la Maison de la danse, dans le cadre du festival “La Maison sens dessus dessous” (du 25 au 29 mars).
Rencontre avec Ulf Langheinrich, mercredi 26 mars, à 18h30.
À découvrir dans le cadre du Festival : Alain Platel, Raphaëlle Delaunay, Nicolas Hubert et Michel Vandel, les 28 et 29 mars.
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