Raphaël Desfontaines, délégué territorial d'Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
La mise en place d’une zone à trafic limité (ZTL) à Lyon soulève plusieurs interrogations : si la circulation diminue dans le périmètre concerné, entraînant potentiellement une baisse de la pollution, elle pourrait en revanche s’intensifier en périphérie immédiate.
"Au global, la qualité de l'air s'améliore à Lyon, comme d'ailleurs sur la région Auvergne-Rhône-Alpes. Depuis 15 ans, il y a trois ou quatre fois moins de jours d'épisodes de pollution sur le territoire lyonnais" assure Raphaël Desfontaines, délégué territorial d'Atmo Auvergne -Rhône-Alpes, chargé de la surveillance de la qualité de l'air.
Officiellement, la pollution baisse à Lyon. Mais des experts et des observateurs mettent en garde : les embouteillages créent des hotspots de pollution invisibles dans les statistiques globales.
"Les embouteillages génèrent localement des surémissions de polluants par rapport à un trafic fluide" Raphaël Desfontaines
Le sujet est "compliqué et multifactoriel" explique Guiillaume Sabiron, chef de projet spécialiste en mobilités connectées à l'IFP Energies Nouvelles (Ifpen), un institut de recherche public. Mais "la pollution est hautement locale". Ce docteur en ingénierie parle de zones très localisées, de véritables hotspots de pollution, liées à certains polluants.
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"Les embouteillages génèrent localement des surémissions de polluants par rapport à un trafic fluide, poursuit Raphaël Desfontaines. Tout ce qui peut fluidifier le trafic est important, car ce sont souvent les arrêts redémarrages qui génèrent de la pollution. Au-delà du renouvellement du parc automobile, il est essentiel d'avoir un trafic plus fluide."
"si un axe est embouteillé mais que le report se fait sur une voie rapide, c'est parfois plus intéressant pour la qualité de l'air."
Avant de tempérer : "si un axe est embouteillé mais que le report se fait sur une voie rapide, c'est parfois plus intéressant pour la qualité de l'air." Et de conclure qu'"il faut regarder la situation globalement, à l'échelle d'une agglomération. Ce sont les niveaux globaux qui comptent pour l'exposition de la population."
Lyon Capitale consacre, dans le numéro de novembre, une enquête sur l'air que les Lyonnais respirent au quotidien : "Respire-t-on vraiment mieux à Lyon ? Le grand paradoxe des bouchons".
Extrait :
Est-ce que les Verts n'ont fait que déplacer le problème de la pollution à Lyon ? La question peut sembler dérangeante, mais les embouteillages quotidiens la rendent bien réelle.
Pare-chocs contre pare-chcos, accélérations, déccélérations, moteurs qui grondent. En ville, les embouteillages sont devenus la bande-son quotidienne. Les bouchons et la pollution forment un drôle de couple. On les distingue dans les discours officiels mais sur le terrain ils s’additionnent et s’entretiennent.
La retranscription intégrale de l'entretien avec Raphaël Desfontaines
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Raphaël Desfontaines, bonjour. Raphaël Desfontaines, vous êtes délégué territorial d'Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, c'est l'organisme qui surveille la qualité de l'air que nous respirons tous les jours. Aujourd'hui, je vous ai invité parce qu'on va parler embouteillages, circulation, points noirs de pollution. Finalement, quels sont les impacts sur notre santé et sur la ville de Lyon ? Peut-être, globalement, qu'est-ce qu'on peut dire sur la qualité de l'air à Lyon ?
Au global, la qualité de l'air s'améliore à Lyon, comme d'ailleurs sur la région Auvergne-Rhône-Alpes. Par exemple, on peut donner quelques chiffres : depuis 15 ans, il y a trois ou quatre fois moins de jours d'épisodes de pollution sur le territoire lyonnais. Et les niveaux de concentration moyenne que nous respirons ont été divisés par deux pour le dioxyde d'azote et les particules fines. La situation s'améliore, mais des efforts restent nécessaires car nous sommes encore sur un air trop pollué d'après l'Organisation mondiale de la santé.
Quand on parle de dioxyde d'azote et de particules fines, est-ce que vous pouvez nous dire d'où proviennent ces deux polluants ?
C'est intéressant de poser la question car il y a plusieurs polluants. Le dioxyde d'azote est émis pour moitié par le trafic automobile. Les particules fines, en revanche, proviennent essentiellement du secteur résidentiel pour les deux tiers, en raison de l'utilisation du chauffage au bois.
Le dioxyde d'azote, vous disiez, c'est pour moitié le trafic automobile. Et l'autre moitié ?
Le reste provient de la combustion liée au secteur industriel et aussi en partie du chauffage.
D'accord. Donc une qualité de l'air qui s'améliore globalement depuis 15 ans sur Lyon et la région, c'est plutôt une bonne nouvelle. Il y a une question qu'on se pose aujourd'hui : il y a beaucoup d'embouteillages à Lyon, pour différentes raisons, notamment la mise en place de la ZTL ou les voies lyonnaises. La pollution de l'air est un sujet complexe. Quel est l'impact concret des embouteillages et du trafic sur la pollution ? Guillaume Sabiron de l'IFPEN, venu la semaine dernière dans cette émission, parlait de hotspots très locaux dus aux embouteillages. Qu'en pensez-vous ?
Il est connu que les véhicules émettent plus de polluants lorsqu'ils circulent en embouteillages. Les embouteillages génèrent donc localement des surémissions de polluants par rapport à un trafic fluide. Mais il faut regarder la situation globalement, à l'échelle d'une agglomération. Ce sont les niveaux globaux qui comptent pour l'exposition de la population. Néanmoins, il faut être vigilant sur les endroits à fort trafic et congestion. Nous avons par exemple accompagné la Métropole de Lyon avec une station de mesure au niveau de la sortie côté Rhône du tunnel de la Croix-Rousse, car c'est un hotspot de trafic.
Et pourquoi dites-vous que l'approche globale est plus importante que l'approche par hotspots locaux ?
Parce que lorsqu'on parle de gestion du trafic, il peut y avoir des zones de bouchons, mais si globalement cela permet d'harmoniser le trafic, voire de le réduire, la situation est meilleure au global. Après, il faut surveiller les impacts locaux. Par exemple, si un axe est embouteillé mais que le report se fait sur une voie rapide, c'est parfois plus intéressant pour la qualité de l'air.
C'est intéressant. Avec la ZTL de la presqu'île, on pourrait penser naïvement qu'il y a moins de pollution car moins de voitures. Mais il y a un report sur les voies périphériques. Tout dépend donc du type de voies : rapides ou restreintes ?
Exactement. C'est pour cela que nous accompagnons nos partenaires dans l'évaluation des aménagements urbains par rapport au trafic, en modélisant les reports possibles et en mesurant les émissions polluantes qui en résultent. Ce sont des choses que nous faisons sur toute la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Et là-dessus, vous travaillez déjà sur les reports de trafic liés à la ZTL et aux voies lyonnaises ?
Précisément sur la ZTL, non, pas encore. Peut-être que cela viendra. Mais nous avons déjà accompagné le territoire lyonnais sur d'autres sujets liés au report de trafic. Je pense notamment à une étude réalisée sur la Rocade Est et la 46 Sud, où nous avons mesuré la qualité de l'air pour vérifier que la pollution continuait de baisser malgré un trafic important. Et c'est bien le cas, principalement grâce à l'amélioration du parc automobile qui émet de moins en moins de polluants.
Justement, le parc automobile s'améliore, donc les polluants diminuent. Quelle solution locale pourrait permettre de réduire ces hotspots, ces points noirs très localisés ?
Tout ce qui peut fluidifier le trafic est important, car ce sont souvent les arrêts redémarrages qui génèrent de la pollution. Au-delà du renouvellement du parc automobile, il est essentiel d'avoir un trafic plus fluide.
Trafic fluidifié, moins d'accélérations, moins de décélérations, moins d'arrêts. Même avec le système start and stop, le style de conduite est donc central ?
Oui. Le style de conduite est important. Il faut respecter des principes similaires à l'éco-conduite. Si l'on consomme moins, on pollue moins. Il faut éviter les arrêts brutaux et privilégier un trafic fluide. Et si possible, réduire le trafic pour améliorer encore la qualité de l'air.
Très bien, en tout cas voilà quelques pistes de réflexion sur un sujet complexe. Merci pour toutes ces informations. Pour plus de détails, un dossier à venir dans le prochain mag sur lyoncapitale.fr. Au revoir.